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Les Frères égyptiens tentent un front commun contre l'armée

Essam el Erian, haut responsable des Frères musulmans, lors d'une conférence de presse au Caire. La confrérie islamiste a affirmé vendredi que son candidat Mohamed Morsi était arrivé en tête du premier tour de l'élection présidentielle en Egypte devant le

Essam el Erian, haut responsable des Frères musulmans, lors d'une conférence de presse au Caire. La confrérie islamiste a affirmé vendredi que son candidat Mohamed Morsi était arrivé en tête du premier tour de l'élection présidentielle en Egypte devant le - -

par Marwa Awad et Yasmine Saleh LE CAIRE (Reuters) - Les Frères musulmans ont affirmé vendredi que leur candidat Mohamed Morsi était arrivé en tête...

par Marwa Awad et Yasmine Saleh

LE CAIRE (Reuters) - Les Frères musulmans ont affirmé vendredi que leur candidat Mohamed Morsi était arrivé en tête du premier tour de l'élection présidentielle en Egypte devant le dernier Premier ministre d'Hosni Moubarak, Ahmed Chafik, contre lequel ils ont immédiatement entrepris d'unir les forces hostiles à l'ancien régime.

Déjà vainqueurs des élections législatives organisées cet hiver, les Frères musulmans s'efforcent désormais de présenter le second tour prévu les 16 et 17 juin comme un référendum destiné à "sauver la révolution" qui a provoqué la chute d'Hosni Moubarak en février 2011.

Yasser Ali, un responsable de la confrérie islamiste, a fait savoir qu'elle inviterait les candidats éliminés au premier tour à des discussions portant sur la désignation du vice-président et la composition d'un futur gouvernement de coalition.

Parmi les personnalités conviées à ces pourparlers figureront Abdel Moneim Aboul Fotouh, autre candidat islamiste précédemment exclu de la confrérie, et Hamdine Sabahi, représentant de la gauche nassérienne, a dit Yasser Ali.

Sans appeler explicitement à voter en faveur de Mohamed Morsi, Abdel Moneim Aboul Fotouh a d'ores et déjà exprimé l'intention de participer "au front uni contre les symboles de la corruption et de l'oppression".

La commission électorale pourrait ne pas annoncer les résultats officiels avant mardi mais un juge de haut rang participant à la supervision du scrutin a confirmé que sur la base de 90% des bureaux de vote, Mohamed Morsi et Ahmed Chafik, ancien chef de l'armée de l'air sous Moubarak, faisaient la course en tête.

CONTRE LES "FELOULS"

Les résultats provisoires que les Frères musulmans avaient communiqués pendant les législatives se sont également avérés fiables, les représentants des candidats étant autorisés à assister aux dépouillements.

"C'est sûr que l'on aura au second tour Mohamed Morsi et Ahmed Chafik", a dit un responsable de la confrérie à Reuters sous le sceau de l'anonymat.

La confrérie entend maintenant appeler à l'union sacrée contre "le bloc des 'felouls'", a précisé ce responsable en employant le terme péjoratif donné par les révolutionnaires aux héritiers de l'ancien régime dont Ahmed Chafik est le porte-flambeau.

"Les Egyptiens ont maintenant le choix entre la révolution et la contre-révolution. Le vote sera un référendum sur la révolution", a déclaré Mohamed el Beltagui, un dirigeant du parti Liberté et Justice (PLJ), émanation politique des Frères musulmans.

"Nous sommes confiants sur le fait que le prochain président égyptien sera Mohamed Morsi", a précisé Essam el Erian, un autre responsable du PLJ.

MOUSSA GRAND PERDANT

Les Egyptiens ne devraient donc avoir le choix au second tour qu'entre un homme de l'ancien régime promettant de restaurer l'ordre nécessaire au redressement du secteur touristique et un représentant d'une confrérie qui a rejoint du bout des lèvres le soulèvement contre Hosni Moubarak.

Les jeunes "révolutionnaires" de 2011 soutenaient de leur côté les candidats indépendants Abdel Moneim Aboul Fotouh et Hamdine Sabahi, qui se classeraient troisième et quatrième du scrutin, dans cet ordre selon les Frères musulmans, dans l'ordre inverse selon le juge.

L'ancien secrétaire général de la Ligue arabe Amr Moussa, un des grands favoris, ne terminerait que cinquième.

A mesure que leur parvenaient les résultats du dépouillement, toutes les équipes de campagne ont reconnu la victoire de Mohamed Morsi. Le nom de son dauphin a en revanche varié, la percée surprise d'Hamdine Sabahi ayant brouillé les cartes.

Selon le responsable des Frères musulmans s'exprimant sous le sceau de l'anonymat, Morsi aurait obtenu 25% et Chafik 23%. Abdel Moneim Aboul Fotouh et Hamdine Sabahi les suivraient de près avec environ 20%.

Ces résultats provisoires sont issus des décomptes réalisés dans 12.800 des 13.100 bureaux de vote du pays, a-t-il précisé. Selon les autorités électorales, le taux de participation au premier tour avoisinait les 50%.

Le vote organisé mercredi et jeudi s'est globalement déroulé dans le calme et les observateurs indépendants n'ont recensé que des infractions mineures se limitant à des actes de campagne électorale à proximité de certains bureaux de vote.

NOUVELLE RÉVOLUTION?

Les Egyptiens semblent partagés entre leur refus de voir les partisans de l'ancien régime revenir au pouvoir et leur inquiétude face à un potentiel monopole des islamistes, déjà majoritaires au Parlement.

"Choisir entre Chafik et Morsi, c'est un peu comme se demander si on veut se suicider en se jetant dans un feu ou dans les mâchoires d'un requin", a commenté avec amertume Adel Abdel Ghafar sur Twitter.

Sur le réseau social, qui avait été un moteur du soulèvement contre Hosni Moubarak, nombre d'utilisateurs promettent de retourner sur l'emblématique place Tahrir, au Caire, en cas de victoire de Chafik.

Ils sont tout aussi nombreux à prédire un succès écrasant de Morsi, mais en l'absence d'élément de comparaison, il est difficile de dire lequel des deux candidats pourrait bénéficier le plus les reports de voix, nombre d'inscrits risquant d'être tentés par l'abstention.

L'enjeu est pourtant de taille. A peine élu, le prochain chef de l'Etat devra trancher sur la rédaction de la Constitution, qui fait l'objet de vifs débats entre les islamistes et les laïcs, et pourrait également voir sa marge de manoeuvre limitée par le Conseil suprême des forces armées (CSFA), soupçonné de vouloir conserver une grande partie de ses prérogatives.

Les généraux, qui assurent la transition depuis la chute de Moubarak, se sont toutefois engagés à remettre le pouvoir au nouveau président élu le 1er juillet, ce qu'ils feront d'autant plus volontiers si l'un des leurs, Ahmed Chafik, venait à être élu.

Avec Tom Perry, Edmund Blair, Omar Fahmy, Tamim Elyan et Samia Nakhoul; Tangi Salaün, Jean-Loup Fiévet et Bertrand Boucey pour le service français