BFMTV
International

Les biocarburants responsables de la crise alimentaire ?

-

- - -

Les biocarburants sont accusés de faire monter les prix des denrées alimentaires en réduisant les superficies consacrées aux cultures vivrières.

Le débat enflamme le sommet de la FAO (Food and Agriculture Organization), l'organisation de l'ONU pour l'agriculture et l'alimentation, qui s'est ouvert hier à Rome pour trois jours : les biocarburants sont-ils en train d'affamer les pays pauvres ?

40 chefs d'Etats et de gouvernements, dont Nicolas Sarkozy, participent à ce sommet, dont l'objectif est d'envisager un plan d'action face à la flambée des prix du pétrole et de trouver des solutions à la crise alimentaire mondiale qui a provoqué des émeutes de la faim. Le premier jour de débat a été marqué par une controverse sur les biocarburants. Ils sont accusés par les pays les plus pauvres d'aggraver la flambée des prix des denrées alimentaires.

Selon le FMI, le Fonds Monétaire International, la conversion de terres à des fins énergétiques explique entre 20 et 30% de la flambée des prix. De son côté, Lula Da Silva, le président du Brésil, deuxième pays producteur d'éthanol après les Etats-Unis, affirme que les producteurs de biocarburants, ou agrocarburants, ne sont pas des « bandits ».

Biocarburants à l'origine de la crise alimentaire
Les avis sur la question sont plus que tranchés. Par exemple, pour Fabrice Nicolino, journaliste spécialisé et auteur de « La faim, la bagnole, le blé et nous » aux éditions Fayard, « l'arrivée des biocarburants et la mobilisation de dizaine de millions d'hectares dans le monde destinés à leur fabrication est au point de départ de ce grand déséquilibre du marché alimentaire mondial. Il faut développer l'agriculture vivrière qui permet aux gens de manger et relancer les productions locales, par exemple le manioc en Afrique. Le manioc, qui est une plante extraordinaire sur le plan alimentaire, sert de plus en plus, dans des pays parmi les plus pauvres de la planète, à fabriquer des biocarburants. C'est une infamie de préférer faire rouler des véhicules automobiles plutôt que de nourrir des gens affamés ».

Le climat, cause principale de la crise
Le son de cloche est tout autre avec Pierre Cuypers. Président de l'association pour le développement des carburants agricoles, il estime que les biocarburants n'ont rien à voir avec la crise alimentaire, qui serait due « au climat, parce qu'il y a eu des incidents climatiques. Avec ce qu'il s'est passé en Chine, il y a des gens désespérés, il va falloir aller les nourrir. Est-ce que la Chine a la capacité de satisfaire sa propre demande ? Il y a aussi un problème climatique en Australie qui exportait plus de 3 millions de tonnes de céréales et qui cette année en a importé tout autant. C'est aussi la consommation des pays en développement. Ca a raréfié la matière première. Les biocarburants peuvent être une source de surenchérissement parce que ça peut diminuer les volumes de stock mais ce n'est pas ça qui tire les prix des matières premières vers le haut aujourd'hui, ça n'est pas possible ».

Biocarburants, un facteur parmi tant d'autres
La vérité entre ces points de vue divergents se trouve probablement dans les propos de Tamara Kummer, la représentante en France du PAM, le programme alimentaire mondial : « Le développement des biocarburants est l'un des nombreux facteurs structurels profonds. Cependant, on ne peut pas dire que c'est seulement les biocarburants. Il y a, purement et simplement, la flambée des prix du pétrole. Il y aussi des phénomènes climatiques, il y a les biocarburants, il y a la spéculation, la croissance démographique, donc un accroissement de la demande. Les biocarburants peuvent aussi être fabriqués à partir de denrées qui ne sont pas propres à la consommation humaine, ce qui permettrait de développer à la fois l'utilisation des biocarburants et d'accroître la production de petits exploitants dans les pays en développement ».

La rédaction et Nicolas Marsan