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Le Royaume-Uni a envisagé de détruire le tunnel sous la Manche avec une bombe nucléaire

L'entrée du tunnel sous la Manche en France.

L'entrée du tunnel sous la Manche en France. - Holger Weinandt via Wikimedia Creative Commons

Dans les années 60 et 70, le ministère de la Défense britannique avait pensé à un plan prévoyant la destruction future du tunnel sous la Manche qui n'était alors qu'un lointain projet, en cas de risque d'invasion soviétique depuis le continent. La France n'aura jamais été mise dans le secret.

La solution radicale aura été envisagée pendant une quinzaine d'années dans les bureaux du ministère de la Défense britannique. Alors que le tunnel sous la Manche entre la France et le Royaume-Uni n'était lui-même qu'un projet encore lointain (il ne sera inauguré qu'en 1994), des fonctionnaires et des officiers supérieurs britanniques avaient échafaudé un plan pour se prémunir contre une potentielle invasion de l'Union soviétique par ce biais. Il était question ni plus ni moins que de détruire le tunnel au moyen d'une bombe atomique si les forces de l'URSS, désignées sous le nom de "barbares" dans un document, étaient sur le point de l'emprunter. 

"100% efficace"

Ces informations sont tirées de documents anciennement confidentiels mais à présent versés aux Archives nationales de Kew, un quartier de Londres, et que The Independent a pu consulter. En novembre 1959, alors que l'idée d'un tunnel reliant les côtés britanniques et françaises revient sur la table (pour la énième fois depuis la première proposition, en 1802), une main mentionne pour la première fois cette possibilité d'explosion par écrit: "Le tunnel pourrait être totalement détruit afin de poursuivre des objectifs défensifs, si nécessaire". 

Mais pourquoi donc employer une bombe nucléaire, dont dispose le Royaume-Uni depuis 1952, et non un armement plus conventionnel? D'autant que, comme l'observent des fonctionnaires du ministère de la Défense dans une note, une telle initiative pourrait provoquer des "dommages collatéraux" dans le Kent et le Pas-de-Calais. C'est que, comme l'explique Michael Legge, un responsable du ministère, en février 1974, des explosifs normaux ne susciteraient que quelques éboulements qu'il serait facile de déblayer en quelques jours. La bombe nucléaire serait quant à elle "100% efficace" pour court-circuiter tout mouvement dans le tunnel. 

L'idée est délaissée au milieu des années 70

La France ne sera jamais mise dans la confidence. La raison en est résumée dans un courrier adressé au ministère des Transports par celui de la Défense en mars 1969. On se demande s'il serait judicieux de prévenir les Français de "ces plans pour détruire éventuellement notre seul lien avec la France et le reste du continent... alors que le Royaume-Uni s'efforce de devenir un membre du Marché commun et de convaincre l'Europe continentale que nous avons renoncé pour toujours à notre esprit insulaire". Le Royaume-Uni est alors en pleine négociation pour intégrer la Communauté économique européenne (CEE). Il y fait son entrée en 1973 et cette appartenance est confirmée en 1975 par référendum. 

C'est d'ailleurs à cette période que l'idée folle de détruire le tunnel par la bombe atomique est abandonnée. Tout d'abord, Michael Legge, du ministère de la Défense, concède en 1974 que si un jour "les forces du Pacte de Varsovie" parviennent à Calais, il y a fort à parier qu'il ne sera alors plus temps de les arrêter en coupant un simple tunnel sous-marin. Par ailleurs, le très pragmatique Michael Legge trouve que le moyen serait trop onéreux. Enfin, en juin 1974, il estime qu'il serait peut-être plus sage d'inonder le tunnel par divers moyens pour stopper la course d'hypothétiques envahisseurs. Pour couronner le tout, le projet de construction du tunnel sous la Manche sera suspendu en 1975. Les travaux ne commenceront finalement qu'en 1987 pour une ouverture en 1994. Or, à cette date, il n'y aura plus ni URSS, ni Pacte de Varsovie. 

R.V.