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Le retour de Poutine au Kremlin plus délicat que prévu ?

Vladimir Poutine est pour ainsi dire assuré de faire son retour au Kremlin à la faveur de l'élection présidentielle de dimanche, mais depuis l'an 2000 où il avait été élu pour la première fois à la tête du pays, la Russie a changé et un mouvement de conte

Vladimir Poutine est pour ainsi dire assuré de faire son retour au Kremlin à la faveur de l'élection présidentielle de dimanche, mais depuis l'an 2000 où il avait été élu pour la première fois à la tête du pays, la Russie a changé et un mouvement de conte - -

par Timothy Heritage MOSCOU (Reuters) - Vladimir Poutine est pour ainsi dire assuré de faire son retour au Kremlin à la faveur de l'élection...

par Timothy Heritage

MOSCOU (Reuters) - Vladimir Poutine est pour ainsi dire assuré de faire son retour au Kremlin à la faveur de l'élection présidentielle de dimanche, mais depuis l'an 2000 où il avait été élu pour la première fois à la tête du pays, la Russie a changé et un mouvement de contestation contre la corruption et les manipulations électorales a vu le jour.

Il y a quelques mois encore, l'ancien espion du KGB semblait sur une voie royale et la principale interrogation était de savoir s'il allait rester aussi longtemps au pouvoir que Josef Staline. A la faveur d'une réforme du mandat présidentiel passé de quatre à six ans, avec deux présidences successives, Poutine, âgé de 59 ans, a la possibilité de conserver les rênes du pays jusqu'en 2024.

Mais tout a déraillé pour Poutine depuis septembre, d'abord lorsqu'il a annoncé un échange Premier ministre-présidence avec Dmitri Medvedev, un "pacte" perçu par beaucoup de Russes comme un tour de passe-passe électoraliste.

Puis les élections législatives du 4 décembre dernier ont été dénoncées comme frauduleuses par une grande partie de l'opposition, créant un mouvement de contestation sans précédent depuis des années, avec des dizaines de milliers de manifestants défilant en plein hiver russe.

Un diplomate occidental en poste en Russie résume en deux phrases le sentiment général qui l'emporte dans les ambassades. "Il y a six mois, les diplomates s'interrogeaient sur ce que ferait Poutine lors de ces douze prochaines années. Maintenant on se demande tous s'il va aller au terme de son mandat de six ans", dit-il sous couvert d'anonymat.

D'autant qu'il a semblé faire preuve de suffisance vis-à-vis des contestataires, ralliant les ballons et rubans blancs déployés lors des marches de l'opposition, les comparant à des préservatifs lors d'une apparition à la télévision publique. L'actuel Premier ministre a aussi agacé les puissances occidentales, les accusant d'être à l'origine des manifestations.

Surtout, depuis l'arrivée de Poutine au pouvoir en 1999, la Russie a changé. Une classe moyenne est apparue dans les villes, s'enrichissant lors de la croissance effrénée des années 2000, et réclame l'établissement d'un pays moderne, débarrassé de la corruption, avec une justice indépendante.

En outre, Poutine semblait avoir les idées bien claires au début des années 2000, à la suite de la période de troubles caractérisant les années Eltsine. "Il fallait montrer que la Russie avait de l'ambition, et il y a eu toutes ces réformes libérales", juge le politologue Igor Mintousov. "Aujourd'hui, on ne sait pas où l'on va".

Pour beaucoup, son discours de la semaine passée évoquant la victoire du peuple russe contre Napoléon en 1812, a montré qu'il était à court d'idées, plongé dans le passé, se bornant à flatter le nationalisme russe.

HAUSSE DU NIVEAU DE VIE

En dépit de ces défiances, Poutine est quasi certain de l'emporter dimanche, et devrait éviter la tenue d'un embarrassant second tour, qui aura lieu en mars s'il n'arrive pas à dépasser les 50% des voix dimanche.

Les dernières études d'opinion montrent en effet qu'il distance largement le communiste Guennadi Ziouganov, le nationaliste Vladimir Jirinovski, le milliardaire de la finance Mikhaïl Prokhorov et l'ancien président de la Chambre haute du Parlement russe Sergueï Mironov.

Cette avance s'explique notamment parce que de très nombreux Russes lui savent gré d'avoir préservé un Etat fort, combattant ainsi d'une main de fer les rébellions islamistes dans le sud, et d'avoir encouragé la libéralisation du marché, permettant un accroissement sans précédent du niveau de vie.

Marina Kouzima, âgée de 46 ans, est ainsi descendue dans la rue la semaine dernière lors d'un grand défilé à Moscou pour montrer son attachement à la Russie de Poutine.

"Je suis venue ici parce que je suis attachée à la stabilité, je ne veux pas de révolutions dans les années à venir. Je dois dire que personnellement, j'ai une bien meilleure qualité de vie (depuis que Poutine est au pouvoir)", a-t-elle dit.

Surtout, Poutine semble bien trop présent dans toutes les sphères du pouvoir pour connaître une déconvenue électorale. Aussi contrôle-t-il la plupart des médias, les milieux d'affaires sont derrière lui, tout comme le réseau des forces de sécurité et de l'armée, surtout après avoir promis près de 600 milliards de dépenses militaires d'ici 2020.

Nul doute que dimanche les opposants vont scruter à la loupe le déroulement du scrutin alors que 109 millions de Russes sont appelés à s'exprimer dans 95.000 bureaux de vote. Signe du désaveu d'une partie des votants, une marche de protestation est d'ores et déjà prévue le lendemain de l'élection.

Le résultat de dimanche devrait montrer la hauteur des concessions que devra fournir Poutine pour limiter la contestation, alors que la prise de fonction du président doit avoir lieu en mai.

De sources autorisées, on estime que Poutine devrait garder pendant une période relativement courte Dmitri Medvedev au poste de Premier ministre, avant de nommer Alexeï Koudrine, un ancien ministre des Finances bien vu des occidentaux.

Un autre signe d'apaisement serait l'annonce d'élections législatives anticipées. Mais des annonces précipitées pourraient également être critiquées par la frange conservatrice de son électorat, soucieuse du maintien du statu quo.

Benjamin Massot pour le service français