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Le renseignement américain à nouveau sur la sellette

Au siège de la CIA, à McLean en Virginie. La fuite massive de documents diplomatiques américains, dévoilés ces derniers jours par le site WikiLeaks, pourrait geler le processus de partage d'informations par les services de renseignement, encouragé par Was

Au siège de la CIA, à McLean en Virginie. La fuite massive de documents diplomatiques américains, dévoilés ces derniers jours par le site WikiLeaks, pourrait geler le processus de partage d'informations par les services de renseignement, encouragé par Was - -

par Phil Stewart WASHINGTON (Reuters) - La fuite massive de documents diplomatiques américains, dévoilés ces derniers jours par le site WikiLeaks,...

par Phil Stewart

WASHINGTON (Reuters) - La fuite massive de documents diplomatiques américains, dévoilés ces derniers jours par le site WikiLeaks, pourrait geler le processus de partage d'informations encouragé par Washington après les attentats du 11 septembre 2001.

La divulgation de ces quelque 250.000 messages a entamé la crédibilité du système en place aux Etats-Unis pour préserver la confidentialité des documents et renforce les arguments de ceux qui jugent que les renseignements sont partagés par un trop grand nombre.

"C'est un échec énorme de notre communauté du renseignement, de notre département de la Défense", a estimé Peter Hoekstra, premier représentant républicain à la commission de la Chambre sur les renseignements. "Cette base de données n'aurait jamais dû exister. Des centaines de milliers de personnes n'auraient pas dû y avoir accès", a-t-il dit sur CBS.

Les responsables gouvernementaux, qui s'expriment sous le sceau de l'anonymat, sont persuadés que les fuites, que ce soit la dernière en date ou celle concernant les notes militaires sur l'Irak et l'Afghanistan, proviennent de la même source, le Secret Internet Protocol Router Network.

Ce réseau, connu sous le nom de SIPRNet, permet aux responsables de la sécurité nationale américaine, qui englobe département d'Etat et Pentagone, d'avoir accès aux documents confidentiels, hors ceux classés top secret.

"On va sur le SIPRNet et on accède à des tonnes de matériel en plus qu'il y a quelques années, quand tout était sur papier", déclare Paul Pillar, un ancien responsable de la CIA qui collabore aujourd'hui à l'université de Georgetown.

LE CAS MANNING

Un porte-parole du Pentagone a reconnu que les efforts menés après le 11-Septembre pour accélérer et faciliter l'accès aux données pour les diplomates, les militaires, les responsables de la sécurité et les spécialistes du renseignement avaient eu "des conséquences inattendues".

Après les attentats, les responsables du renseignement américain s'étaient vu reprocher de ne pas avoir "relié les points" et d'avoir péché par manque de coordination.

La Maison blanche a ordonné lundi un renforcement des procédures de sécurité dans les services gouvernementaux. "La balance va pencher en faveur d'un partage plus restreint et d'un contrôle accru", dit Paul Pillar, mais il note que cette balance pourrait à nouveau pencher en sens inverse en cas d'attentat réussi d'Al Qaïda par exemple.

L'enquête sur les fuites menée par les autorités se concentre sur Bradley Manning.

Ce jeune soldat, ancien analyste de données en Irak, a été arrêté et inculpé en juillet pour s'être illégalement procuré une vidéo de l'armée montrant un raid d'hélicoptère américain en Irak, dans lequel une douzaine de personnes avait trouvé la mort en 2007, dont deux journalistes de Reuters. L'enregistrement a été diffusé en avril par WikiLeaks.

Détenu dans la base des marines de Quantico, en Virginie, Manning est aussi accusé d'avoir téléchargé des milliers de messages du département d'Etat.

Manning a été arrêté au Koweït puis transféré aux Etats-Unis. Il s'était vanté de ses exploits auprès d'un ancien hacker, Adrian Lamo, qui a prévenu les autorités.

Dans ses conversations par internet avec Lamo, Manning expliquait arriver à son travail muni d'un CD enregistrable avec de la musique "genre Lady Gaga" qu'il effaçait pour télécharger les données contenues dans le SIPRNet.

COMPARTIMENTER

Les responsables gouvernementaux refusent pour le moment d'évoquer le dossier et son éventuel lien avec WikiLeaks, expliquant que l'enquête est en cours.

D'autant que l'opposition républicaine s'insurge qu'un analyste de rang subalterne ait pu avoir accès à tant de documents confidentiels.

Le Pentagone étudie désormais les contrôles mis en place par certaines entreprises, comme les sociétés de cartes de crédit, pour détecter un comportement anormal. Il désactive aussi la possibilité de télécharger des données à partir d'outils de stockage mobiles comme les clés USB et compte accroître les formations pour prévenir une "menace interne".

"Il est maintenant beaucoup plus difficile pour un acteur déterminé d'avoir accès à des informations et de les transférer en dehors des canaux autorisés", a déclaré le porte-parole du département de la Défense Bryan Whitman.

James Clapper, le directeur des renseignements nationaux chargé de promouvoir une meilleure coopération entre les diverses agences, estimait déjà le mois dernier que "face à l'hémorragie des fuites dans cette ville (Washington), le compartimentage, un compartimentage approprié et raisonnable, est la bonne chose à faire".

Jean-Stéphane Brosse pour le service français