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Le pouvoir égyptien tente de contrôler le changement en cours

Manifestants installés près de chars de l'armée égyptienne, place Tahrir dans le centre du Caire. Les manifestants qui réclament depuis près de deux semaines la démission immédiate du président Hosni Moubarak sont encore loin de leur objectif. Le pouvoir

Manifestants installés près de chars de l'armée égyptienne, place Tahrir dans le centre du Caire. Les manifestants qui réclament depuis près de deux semaines la démission immédiate du président Hosni Moubarak sont encore loin de leur objectif. Le pouvoir - -

Les manifestants qui réclament depuis près de deux semaines la démission immédiate du président Hosni Moubarak sont encore loin de leur objectif.

Les manifestants qui réclament depuis près de deux semaines la démission immédiate du président Hosni Moubarak sont encore loin de leur objectif. Le pouvoir égyptien semble au contraire avoir repris la main dans la conduite du changement, du moins pour le moment.

Les protestataires ont néanmoins obtenu que Moubarak s'engage à ne pas briguer de nouveau mandat et que son fils Gamal ne tente pas de lui succéder. Un vice-président a été nommé pour la première fois depuis l'arrivée de Moubarak au pouvoir, il y a près de trente ans, le gouvernement a été remanié et le bureau exécutif du Parti national démocrate (PND) a démissionné. En outre, les manifestants protestent maintenant par centaines de milliers dans les rues, presque sans impunité, alors qu'auparavant, le moindre rassemblement était sévèrement réprimé par la police.

Des acquis fragiles

Mais il s'agit d'acquis fragiles arrachés à un pouvoir qui a pratiquement muselé toute opposition et le gouvernement n'a toujours pas cédé sur la principale revendication des manifestants: le départ immédiat du président. La une de l'édition de lundi du journal gouvernemental al Gomhuria résume parfaitement la situation: sous le titre « Nouvelle ère », figure une photo du vice-président Omar Souleimane rencontrant des représentants de l'opposition avec, derrière lui, un portrait géant de Moubarak.

Bien que le noyau dur de l'opposition se refuse à toute concession sur le départ immédiat du raïs, certains opposants, plus pragmatiques, ont envisagé que le président délègue au moins ses pouvoirs au vice-président Souleimane. Mais une telle solution a elle aussi été rejetée par le gouvernement qui a au contraire fait adopter par les représentants de l'opposition participant à la réunion de dimanche une déclaration gouvernementale plaçant le pouvoir actuel en position de fixer l'échéancier. La déclaration précise en effet que le président terminera son mandat actuel en septembre, lors de la prochaine élection présidentielle.

Une opposition divisée

Les manifestants ont par ailleurs réclamé la levée de la loi d'urgence, en vigueur depuis des décennies, mais la déclaration se contente de dire que sa levée dépendra des « conditions sécuritaires ». Plutôt que d'accepter la dissolution du Parlement exigée par les protestataires, la déclaration affirme que le gouvernement acceptera les verdicts des tribunaux annulant certains résultats frauduleux des élections législatives de novembre 2010. Mais elle ne va pas jusqu'à accepter la tenue d'un autre scrutin pour remplacer le parlement massivement dominé par le PND de Moubarak.

Autre difficulté pour l'opposition: elle semble divisée entre la jeunesse - qui peut se targuer d'avoir été le moteur des manifestations - et des groupes plus structurés allant des libéraux à la gauche en passant par les islamistes, qui sont plus pragmatiques et mieux disposés à l'ouverture de négociations politiques.

L'une des voix les plus fermes de l'opposition est celle des Frères musulmans qui sont restés en retrait au tout début des manifestations. Ils discutent maintenant avec le gouvernement, ce qui aurait été impensable avant le 25 janvier. L'Etat les a longtemps diabolisés en se présentant, en particulier aux yeux de l'Occident, comme un rempart contre l'islamisme. Mais aujourd'hui, les Frères, qui avaient exclu toute discussion avec le gouvernement tant que Moubarak serait président, se sont joints aux discussions. Dans les rangs des Frères, certains reprochent néanmoins à leurs dirigeants d'avoir cédé trop facilement à des manoeuvres du gouvernement.

Les jeunes gens campant sur la place Tahrir, dans le centre du Caire, restent pour leur part inflexibles: « Nous rejetons ces discussions, Moubarak doit partir », affirme Sayed Abdel Hadi, un comptable de 28 ans. Mais ces jeunes sont peu structurés et ils doivent maintenant lutter contre l'essoufflement du mouvement alors que nombre d'Egyptiens aspirent à un retour à une vie normale.

Risques d’enlisement

Les risques d'enlisement sont bien réels et les discussions avec le gouvernement pourraient fort bien buter sur des détails constitutionnels.

Deux articles en particulier font débat. L'un dit qu'un vice-président bénéficiant d'une délégation de pouvoirs présidentiels ne peut dissoudre le Parlement ou amender la Constitution. Mais l'autre stipule que le président peut nommer un vice-président et « définir ses compétences », ce qui peut être interprété comme la possibilité de confier au vice-président les pleins pouvoirs présidentiels.

Un tel débat pourrait durer des mois, ce qui jouerait en faveur du gouvernement et permettrait à Moubarak de rester jusqu'en septembre. Et à mesure que le temps passe, les Egyptiens qui exigeaient un changement immédiat pourraient perdre patience et redescendre dans la rue. Après avoir fait preuve de bonne volonté en participant à des discussions, les groupes d'opposition pourraient quant à eux s'en retirer si le gouvernement ne cède pas suffisamment de terrain, ce qui là aussi pourrait provoquer de nouvelles manifestations.

L'économie devrait jouer un rôle important. Si les investisseurs sanctionnent la livre égyptienne, cela entraînera une nouvelle hausse des prix des produits alimentaires et de l'inflation qui avait déjà incité de nombreux Egyptiens à manifester. La rapidité avec laquelle le tourisme reprendra sera elle aussi essentielle, ce secteur représentant 11% du PIB.

Nicole Dupont pour le service français.