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Le gouvernement entre urgence et long terme sur l'automobile

Pris de vitesse par le plan social massif et politiquement sensible de PSA Peugeot Citroën, le gouvernement est confronté à une équation difficile : gérer l'urgence tout en imaginant des mesures structurelles à moyen et long termes pour le secteur. /Photo

Pris de vitesse par le plan social massif et politiquement sensible de PSA Peugeot Citroën, le gouvernement est confronté à une équation difficile : gérer l'urgence tout en imaginant des mesures structurelles à moyen et long termes pour le secteur. /Photo - -

par Emmanuel Jarry et Gilles Guillaume PARIS (Reuters) - Pris de vitesse par le plan social massif et politiquement sensible de PSA Peugeot Citroën,...

par Emmanuel Jarry et Gilles Guillaume

PARIS (Reuters) - Pris de vitesse par le plan social massif et politiquement sensible de PSA Peugeot Citroën, le gouvernement est confronté à une équation difficile: gérer l'urgence tout en imaginant des mesures structurelles à moyen et long termes.

Pour François Hollande et Jean-Marc Ayrault, l'enjeu est d'éviter de revivre en début de quinquennat le cauchemar des restructurations à la hache de la sidérurgie, qui marquèrent une rupture entre la gauche et les classes populaires en 1983-84.

Le chef de l'Etat, qui s'exprimera sur le sujet samedi à l'occasion du 14-Juillet, et le Premier ministre sont ainsi sommés de sortir du discours de la méthode, qui a été le leur jusqu'ici, pour entrer dans la gestion concrète de la crise.

"On s'y attendait pour la rentrée, ça vient deux mois plus tôt", souligne Jérôme Sainte-Marie, de l'institut CSA.

François Hollande a estimé vendredi que le gouvernement avait réagi "comme il convenait" en nommant un expert pour établir un diagnostic de la situation de PSA, avec "la volonté de revoir ce qui a été présenté" par le groupe et l'annonce d'un plan de soutien à l'industrie automobile pour fin juillet.

Mais ses marges de manoeuvre sont en réalité très réduites.

La direction de PSA a fait savoir que si elle était prête à discuter des modalités de la suppression de 8.000 emplois en France et de la fermeture de son site d'Aulnay-sous-Bois, il était hors de question pour elle de revenir sur ses décisions.

Quant au plan destiné à maintenir en vie le secteur automobile en France, qui doit être présenté le 25 juillet, il sera contraint par l'absence de marges budgétaires.

"Le risque, c'est qu'on ait surtout un plan de bonne conscience pour essayer de masquer les conséquences de la stratégie de réduction des déficits à tout prix, qui reste la priorité du gouvernement", estime Xavier Timbeau, directeur de l'Observatoire des conjonctures économiques (OFCE).

PAS DE NOUVELLE PRIME À LA CASSE

Des pistes semblent déjà éliminées. Pas question par exemple de rétablir une "prime à la casse" dont presque tout le monde aujourd'hui met en doute l'efficacité.

Cette mesure, de même que la politique de bonus pour l'achat de véhicules non polluants, a surtout profité aux petites voitures fabriquées en majorité hors de France.

"Les caisses sont vides, donc des plans de soutien coûteux du type prime à la casse ne sont plus possibles", souligne Aurélien Duthoit, directeur d'études chez Xerfi.

Le gouvernement ne paraît pas non plus envisager de renouer avec la politique de prêts aux constructeurs automobiles, qui a permis à la filière de surmonter la crise de 2009 (7,8 milliards d'euros au total, en contrepartie d'un engagement de ne pas fermer de sites pendant la durée des prêts).

Il envisage encore moins une entrée de l'Etat dans le capital des groupes, ce que Philippe Varin, président du directoire de PSA, a lui-même exclu.

Le principe directeur paraît plutôt d'essayer de mettre en place une politique de filière à long terme.

La restructuration de PSA ramène sur le devant de la scène la question de la compétitivité des entreprises, trois jours après la conférence sociale dont elle a été un thème.

Philippe Varin a ainsi souhaité vendredi que le gouvernement fasse une place centrale à la question du coût du travail dans son plan de soutien.

Réponse de Jean-Marc Ayrault, lors d'un déplacement dans sa ville de Nantes: le coût du travail n'est pas en cause dans l'annonce des réductions d'effectifs de PSA.

"J'ai dit (...) que le gouvernement était prêt à engager une réflexion sur le financement de notre système de protection sociale mais ce n'est pas la question aujourd'hui", a-t-il dit.

"Ce serait un peu facile que le PDG de cette entreprise se défausse en disant: traitez la question du coût du travail et tout sera résolu", a-t-il ajouté.

PRIVILÉGIER L'OFFRE

Il n'en a pas moins confié à l'ex-président d'EADS Louis Gallois une mission sur la compétitivité des entreprises.

Il a par ailleurs annoncé une accélération de la création de la future Banque publique d'investissement pour disposer d'un avant-projet cet automne et faire en sorte que cet établissement soit opérationnel "au plus tard au début de l'année prochaine".

Pour Aurélien Duthoit, "on peut aussi essayer de fédérer la recherche et l'innovation autour des constructeurs en associant pôles d'excellence, pôles de recherche et universités".

"Mais ce sont des politiques de long terme", prévient l'analyste de Xerfi. "Les politiques de soutien à l'offre prennent des années. C'est très difficile d'en faire la pédagogie et cela inclut des choses assez douloureuses."

Autres pistes: la stimulation de l'investissement productif en différenciant la taxation des bénéfices, selon qu'ils sont réinvestis ou distribués aux actionnaires, et un renforcement du crédit impôt-recherche.

Philippe Varin plaide pour sa part pour le maintien du bonus pour les véhicules émettant le moins de CO2, ainsi que pour des mesures fiscales ou d'assouplissement du crédit pour l'achat d'automobiles par les entreprises et les particuliers.

La question reste cependant de savoir s'il n'est pas déjà trop tard. Pour Aurélien Duthoit, les constructeurs automobiles français, et en particulier PSA, paient des erreurs stratégiques qu'il paraît difficile de réparer rapidement.

Contrairement aux constructeurs allemands, ils se sont concentrés sur les véhicules de milieu de gamme, un secteur dans lequel le contrôle des coûts est déterminant, explique-t-il.

"La montée en gamme est la seule sortie de crise possible" mais à condition de ne pas se contenter d'imiter les Allemands, souligne Aurélien Duthoit. "Si on ne fait qu'imiter, on est au mieux au niveau de l'adversaire", explique-t-il.

Le virage est d'autant plus dur à négocier que certains des atouts de l'Allemagne, comme la qualité du dialogue social et la flexibilité du travail, paraissent difficilement transposables à la France, ajoute l'analyste de Xerfi.

Pour continuer à construire en France, souligne-t-il, les groupes français doivent donc privilégier la différenciation, la valeur ajoutée et le style, investir dans la marque et l'innovation, ce qui demande temps et argent.

Avec Marc Joanny, Guillaume Frouin et Julien Ponthus, édité par Patrick Vignal