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La zone euro prête à mobiliser des fonds pour l'Espagne

Le ministre de l'Economie espagnol, Luis de Guindos. Les ministres des Finances de la zone euro ont convenu samedi de prêter jusqu'à 100 milliards d'euros à l'Espagne afin de lui permettre de renflouer ses banques en difficulté, Madrid s'engageant à préci

Le ministre de l'Economie espagnol, Luis de Guindos. Les ministres des Finances de la zone euro ont convenu samedi de prêter jusqu'à 100 milliards d'euros à l'Espagne afin de lui permettre de renflouer ses banques en difficulté, Madrid s'engageant à préci - -

par Jan Strupczewski et Julien Toyer BRUXELLES/MADRID (Reuters) - Les ministres des Finances de la zone euro ont convenu samedi de prêter jusqu'à...

par Jan Strupczewski et Julien Toyer

BRUXELLES/MADRID (Reuters) - Les ministres des Finances de la zone euro ont convenu samedi de prêter jusqu'à 100 milliards d'euros à l'Espagne afin de lui permettre de renflouer ses banques en difficulté, Madrid s'engageant à préciser le montant de ses besoins dès que seront connus les résultats d'audits indépendants en cours sur son système bancaire.

A l'issue d'une téléconférence de plus deux heures et demie entre les argentiers de la zone euro dans un climat qualifié de tendu par plusieurs sources, l'Eurogroupe et Madrid ont déclaré que le montant de l'aide serait suffisamment conséquent pour dissiper les doutes.

"Le montant du prêt doit couvrir les besoins estimés de capitaux avec une marge de sécurité additionnelle, ce qui en porte le montant estimé jusqu'à 100 milliards d'euros au total", a précisé l'Eurogroupe dans un communiqué.

L'Espagne a dit vouloir bénéficier d'une aide pour ses banques mais sans en préciser le montant exact tant que l'évaluation des besoins de recapitalisation du système bancaire espagnol par deux cabinets de consultants indépendants, Oliver Wyman et Roland Berger, n'aura pas été publiée, ce qui doit intervenir avant le 21 juin.

"Le gouvernement espagnol déclare son intention de solliciter un financement européen pour recapitaliser les banques espagnoles qui en ont besoin", a déclaré le ministre de l'Economie espagnol, Luis de Guindos, lors d'une conférence de presse à Madrid.

Les montants nécessaires, a-t-il ajouté", sont gérables et devraient couvrir amplement tous les besoins".

L'aide à l'Espagne pour recapitaliser ses banques porte à quatre le nombre pays européens affectés par la crise des dettes souveraines dans la zone euro et ayant bénéficié d'un plan de sauvetage.

L'Union européenne et le Fonds monétaire international ont désormais mobilisé environ 500 milliards d'euros pour financer les renflouements de la Grèce, de l'Irlande, du Portugal et maintenant de l'Espagne.

Washington, qui n'a pas caché son inquiétude de voir la crise de la zone euro compromettre la reprise de l'économie américaine sur fond de campagne présidentielle, s'est félicité des décisions prises.

"Elles sont importantes pour la santé de l'économie espagnole et c'est un pas important sur la voie d'une union financière, qui est vitale pour la résistance de la zone euro", a déclaré le secrétaire américain au Trésor, Timothy Geithner.

CLIMAT TENDU

Selon plusieurs sources autorisées, les discussions sur le plan d'aide ont été tendues en particulier sur la question de l'implication du FMI -que Madrid entendait limiter au maximum- et qui n'apporte aucun concours financier.

Le FMI apportera son aide pour la mise en place et la surveillance de l'assistance financière à l'Espagne et il reviendra aux institutions européennes de s'assurer que Madrid respecte ses engagements en matière économique et budgétaire.

La directrice générale du FMI, Christine Lagarde, a déclaré que le plan d'aide de la zone euro était cohérent avec l'estimation du FMI des besoins de fonds propres des banques espagnoles et qu'il devrait donner "l'assurance que les besoins de financement du système bancaire espagnol seront pleinement couverts".

Le FMI a chiffré à 40 milliards d'euros au moins les besoins de fonds propres supplémentaires des banques espagnoles.

Madrid a aussi subi de fortes pressions pour formuler une demande d'aide précise mais y a résisté, ont dit des sources impliquées dans les discussions.

Le temps pressait pour contenir le risque espagnol alors que les dirigeants de la zone euro pourraient être confrontés à celui d'une possible sortie d'Athènes de la zone euro si les élections législatives en Grèce, le 17 juin, ne parviennent pas à faire émerger une majorité soutenant les mesures d'austérité liées au deuxième plan de sauvetage du pays.

Les tensions sur les marchés financiers devraient toutefois s'apaiser à la reprise des transactions lundi, estime des analystes.

"Un montant allant jusqu'à 100 milliards est encourageant et plutôt réaliste, c'est une tentative pour maîtriser le problème", a estimé Edmund Shing, stratégiste actions pour l'Europe à la banque Barclays.

"Le problème, c'est qu'il y encore un certain flou sur l'origine des fonds, ce qui est crucial. Les marchés réagiront avec une certaine prudence jusqu'à que les modalités de financement (du plan) soient connues".

D'après le communiqué de l'Eurogroupe, les fonds pourront être apportés soit au travers du mécanisme de sauvetage temporaire de la zone euro, le Fonds européen de stabilité financière (FESF), soit au travers du mécanisme permanent, le Mécanisme européen de stabilité (MES) qui devrait être opérationnel le mois prochain. La Finlande a d'ores et déjà prévenu que si les fonds provenaient du FESF, elle exigerait de Madrid des garanties.

DES CONDITIONS LIMITÉES

La dégradation de la note souveraine de l'Espagne de trois crans à BBB par l'agence de notation Fitch jeudi, motivée par l'ampleur des portefeuilles de prêts immobiliers douteux des banques espagnoles et les risques de contagion liés à la crise grecque, avait accentué la nécessité d'une solution rapide.

Fitch avait chiffré le coût pour l'Espagne d'une recapitalisation des banques plombées par l'éclatement d'une bulle immobilière, la récession et l'envolée du chômage entre 60 et 100 milliards d'euros.

Si l'Espagne rejoint la Grèce, l'Irlande et le Portugal dans le club des pays ayant bénéficié d'un plan de sauvetage, l'aide financière qui lui est accordée est spécifiquement destinée au secteur financier et ne résulte pas de l'incapacité de Madrid à se financer sur les marchés financiers, ont souligné plusieurs sources officielles.

Cela était capital pour éviter de trop solliciter les fonds de sauvetage de la zone euro qui ne sont pas dimensionnés pour couvrir les besoins de financement de l'Espagne sur plusieurs années en plus de l'aide additionnelle dont l'Irlande et le Portugal pourraient avoir besoin.

Le plan d'aide ne semble pas non plus assorti de conditions pouvant aggraver les mesures d'austérité ou accentuer les réformes structurelles déjà mises en oeuvre par le gouvernement conservateur du Premier ministre Mariano Rajoy.

"Les fonds demandés étant destinés à couvrir les besoins du secteur financier, les conditions qui lui sont attachées, comme convenu lors de la réunion de l'Eurogroupe, porteront spécifiquement sur le secteur financier", a souligné Luis de Guindos.

Les craintes de se voir imposer de nouvelles mesures d'austérité, voire des conditions humiliantes, avaient été évoquées par des responsables allemands et de l'UE pour expliquer les réticences de Madrid à solliciter l'aide de ses partenaires européens.

L'Allemagne et la Commission européenne ont donné leur feu vert de principe la semaine dernière pour que l'Espagne puisse bénéficier d'une année supplémentaire pour ramener son déficit public à 3% du PIB en raison de la profonde récession que traverse le pays.

L'Eurogroupe a toutefois indiqué que si les fonds pourraient être apportés au Fonds de restructuration bancaire espagnol (Frob) mais que le gouvernement espagnol "garderait l'entière responsabilité de l'assistance financière".

Marc Joanny pour le service français