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La Russie fête le putsch qui enterra l'URSS

Le 19 août 1991, le président russe, Boris Eltsine (au centre) sur un char devant la Maison blanche, le parlement de la république soviétique de Russie, exhorte les militaires à ne pas s'en prendre à la population et appelle à la grève générale. La Russie

Le 19 août 1991, le président russe, Boris Eltsine (au centre) sur un char devant la Maison blanche, le parlement de la république soviétique de Russie, exhorte les militaires à ne pas s'en prendre à la population et appelle à la grève générale. La Russie - -

par Timothy Heritage MOSCOU (Reuters) - La Russie fête cette semaine le 20e anniversaire de la tentative manquée de coup d'Etat fomenté par un...

par Timothy Heritage

MOSCOU (Reuters) - La Russie fête cette semaine le 20e anniversaire de la tentative manquée de coup d'Etat fomenté par un quarteron de dignitaires du Parti communiste dont le résultat ne fit que hâter l'effondrement de l'Union soviétique.

Rétrospectivement, cet épisode de l'Histoire étonne autant par sa brièveté - deux jours - que par ses conséquences: le bloc soviétique devint en 1991 la Communauté des Etats indépendants (CEI) avant de disparaître tout à fait.

Les conspirateurs, dont le vice-président Guennadi Ianaïev, le patron du KGB, Vladimir Krioutchov, le ministre de la Défense, Dmitri Iazov, et le Premier ministre, Boris Pougo, entendaient reprendre le pouvoir et mettre fin à la "perestroïka" (restructuration) imaginée par Mikhaïl Gorbatchev.

Le secrétaire général du PCUS se trouve en vacances dans sa datcha de Foros en Crimée lorsque les putschistes décident de passer à l'action.

Le 19 août, ils se rendent à Foros et exigent de Mikhaïl Gorbatchev qu'il instaure l'état d'urgence et désigne Guennadi Ianaïev comme président intérimaire afin de "rétablir l'ordre" et d'éviter à l'Union soviétique "une catastrophe nationale".

Face au refus que leur oppose le patron du Parti communiste, les conspirateurs le retiennent captif dans sa résidence d'été et poursuivent leur plan de reconquête du pouvoir central.

Mais leur tentative souffre d'un flagrant manque de préparation: les moyens de communications n'ont pas été placés sous contrôle et les opposants potentiels au sein de l'appareil politique n'ont pas été appréhendés.

L'autre paramètre non pris en compte par les comploteurs est la réaction de la population deux ans après la chute du Mur de Berlin et la contestation qui a soufflé sur l'Europe de l'Est.

ELTSINE MONTE SUR UN CHAR

Des milliers de Moscovites se mobilisent face à l'armée et se rassemblent devant la Maison blanche, le parlement de la république soviétique de Russie.

Les opposants trouvent immédiatement une figure charismatique autour de laquelle se mobiliser en la personne du président russe, Boris Eltsine, personnage haut en couleur, qui n'hésite pas à monter sur un char pour exhorter les militaires à ne pas s'en prendre à la population.

Dans une image restée célèbre, Boris Eltsine lance un appel à la grève générale tandis que les dirigeants étrangers, dont George H. Bush, condamnent la tentative de putsch.

Déstabilisés, les soldats hésitent quant à la conduite à tenir et décident de ne pas avoir recours à la force lors de manifestations qui se soldent par la mort de trois personnes.

Le 21 août, les militaires se retirent de Moscou, les putschistes sont arrêtés, Mikhaïl Gorbatchev peut rentrer dans la capitale mais le dirigeant soviétique ne se remettra jamais de cet épisode. Il démissionne le 24 août et Boris Eltsine interdit le PC de toutes activités en Russie le 6 novembre.

A vingt ans de distance, peu se souviennent des noms des conspirateurs, qui furent condamnés pour trahison avant d'être amnistiés en 1994, mais leur tentative reste aux yeux des historiens d'une portée considérable.

Son échec a démontré que les Russes avaient enfin surmonté leur peur du parti unique et de l'appareil du pouvoir qui servaient de fondement au fonctionnement du régime soviétique.

"Cela fut le dernier clou planté dans le cercueil de l'Union soviétique", estime Anton Defiachine, historien spécialiste de la Russie à l'Université de Washington.

"Rétrospectivement, c'est un des exemples les plus spectaculaires dans l'Histoire d'un événement dont l'issue fut à ce point contraire à ce que ses auteurs espéraient réussir", note-t-il. "Ce fut le catalyseur de la fin de l'URSS".

SORTIR DE L'ORNIÈRE

Si le Parti communiste a disparu, son souvenir reste pourtant vivace dans la mémoire de certains Russes âgés qui regrettent cette époque marquée par la stabilité politique et souffrent de l'incertitude accompagnant l'époque actuelle.

L'empire soviétique n'existe plus mais le fonctionnement des institutions politiques russes, dominées par l'actuel Premier ministre, Vladimir Poutine, depuis 2000, montrent que le chemin vers la démocratie est parsemé d'embûches.

"La Russie n'est encore qu'une imitation de la démocratie", estime Olga Krychtanovskaïa, directrice du Centre pour les élites à l'Académie russe de l'Institut des sciences de la sociologie.

"Les gens ont le sentiment que peu importe pour qui ils votent, que peu importe si Poutine se présente, quelqu'un exactement comme lui sera candidat. Ils sont résignés car ils ont le sentiment que l'Etat russe est comme cela depuis des siècles et que cela ne changera pas", ajoute-t-elle.

Mikhaïl Gorbatchev, aujourd'hui âgé de 80 ans, juge sévèrement ceux qui lui ont succédé à la tête de la Russie. "Il nous faut un changement au sommet de la hiérarchie. Il y a un moment où il faut sortir de l'ornière", dit-il.

Pierre Sérisier pour le service français, édité par Gilles Trequesser