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La démence du Norvégien Breivik difficile à prouver ou à simuler

Anders Behring Breivik, l'homme qui a revendiqué l'attentat d'Oslo et la tuerie de l'île d'Utoya, dans un véhicule de police. Il faudra des mois et de longues démarches pour déterminer si le tueur présumé est atteint, comme le soutient son avocat, de déme

Anders Behring Breivik, l'homme qui a revendiqué l'attentat d'Oslo et la tuerie de l'île d'Utoya, dans un véhicule de police. Il faudra des mois et de longues démarches pour déterminer si le tueur présumé est atteint, comme le soutient son avocat, de déme - -

par Kate Kelland LONDRES (Reuters) - Des mois d'observation, d'interrogatoires et d'analyses seront nécessaires pour déterminer si le Norvégien...

par Kate Kelland

LONDRES (Reuters) - Des mois d'observation, d'interrogatoires et d'analyses seront nécessaires pour déterminer si le Norvégien Anders Behring Breivik, qui a avoué les massacres du 22 juillet à Oslo et sur l'île d'Utoya, est atteint de démence comme le soutient son avocat.

Les experts notent en outre qu'il est difficile de simuler les maladies mentales.

Les psychiatres et médecins légistes qui étudient l'état d'esprit des meurtriers évoquent des types de comportement qui remontent parfois loin dans le passé et peuvent fournir des indices essentiels sur les dispositions d'Anders Breivik le jour où il a tué 77 personnes dans la capitale et à Utoya.

Pour l'avocat d'Anders Breivik, Geir Lippestad, "toute l'affaire montre qu'il est atteint de démence". Des experts attirent toutefois l'attention sur des éléments clés qui peuvent jeter une autre lumière sur les faits.

Ils notent tout d'abord qu'Anders Breivik, 32 ans, sera sans doute emprisonné ou placé dans un hôpital psychiatrique sécurisé au moins jusqu'à la cinquantaine, et qu'une libération ultérieure ne sera autorisée que si un comité de probation juge cette perspective sans risque - fait hautement improbable au vu de l'ampleur et de la gravité de ses crimes.

ABONDANCE D'ÉCRITS

"La thèse de la démence est liée à la question de savoir si quelqu'un comprend ce qu'il fait et, dans l'affirmative (...) s'il est conscient que c'est contraire à la loi", déclare Seena Fazel, directeur d'études psychiatriques et médico-légales à l'université d'Oxford.

"Si vous pensez en attaquant quelqu'un que vous attaquez en fait un morceau de pain (...) et si vous n'imaginiez pas que vous alliez à l'encontre de la loi (...), cela serait admis comme un argument pour un plaidoyer en faveur de la démence", a-t-il dit lors d'un point de presse à Londres.

Ces éléments pèsent aussi sur une autre considération clé en ce qui concerne la démence: savoir si le tueur avait la capacité de former un dessein.

"Un degré d'organisation et de préméditation élevé, ainsi que la capacité de distinguer les conséquences de ses actes de façon rationnelle, impliquent une certaine capacité à former un dessein", a dit Seena Fazel.

Les écrits surabondants d'Anders Breivik - dans ses agendas et dans un manifeste de 1.500 pages où il se dépeint comme un vertueux croisé appelé à sauver la "chrétienté" européenne d'une marée islamique - font penser qu'il a planifié ses attaques durant des mois, en acquérant peu à peu les moyens et le savoir-faire qui lui étaient nécessaires.

Dans un agenda, il écrivait le 27 avril: "J'ai passé la commande des engrais qui devaient m'être livrés une semaine plus tard. Avant de faire cette commande, j'avais fait enregistrer officiellement ma société en tant qu'entreprise agricole."

Il ajoutait: "La semaine dernière dans la capitale, j'ai passé beaucoup de temps avec des amis, participant à des soirées et à des réunions. Je savais que c'était la dernière occasion avant longtemps."

A la date du 4 juillet, on lit: "Commencé préparatifs de voyage pour dégager la cache d'armes que j'avais creusée il y a un an."

SIMULATIONS

Pour Fin Larkin, psychiatre habitué à analyser les dispositions mentales des délinquants, il "faut être très manifestement malade" pour invoquer la démence avec succès.

"Ce n'est pas impossible (...) mais c'est très difficile à simuler", dit-il.

Selon Fin Larkin, qui travaille au service des troubles de la personnalité de l'hôpital psychiatrique sécurisé de Broadmoor où ont séjourné certains des criminels les plus notoires de Grande-Bretagne, les psychiatres procédant à ces évaluations partent du principe que tout ce que disent les accusés est un tissu de mensonges.

"Ils ont de puissantes motivations pour ne pas dire la vérité, ils peuvent être très bien documentés, avoir planifié les choses pendant longtemps, ils peuvent avoir des dons de simulateur ayant côtoyé des malades mentaux", souligne-t-il.

Selon des experts, si l'on relève souvent des points communs dans le parcours des tueurs de masse - enfance difficile, manque d'affection, comportement sadique, difficulté à nouer et à maintenir des relations -, ils ne fournissent guère d'indices utiles à un diagnostic de démence.

Pour une évaluation correcte, l'idéal serait d'admettre les criminels dans un centre médical sécurisé où des psychiatres et d'autres spécialistes observeraient jour et nuit leurs réactions aux autres, aux changements de situation et aux contraintes de la vie quotidienne, estiment-ils.

Cela prendrait plusieurs mois et il faudrait mener parallèlement des recherches précises sur la vie du sujet, notamment des entretiens avec sa famille, d'anciens amis, des contacts "en ligne", des analyses de journaux personnels, en remontant aux bulletins scolaires ainsi qu'à des notations de médecins ou représentants d'autres professions, dit Seena Fazel.

"Il est trop tôt pour se prononcer sur cet homme en termes de diagnostic, mais il est très important de consulter ses écrits, ses informateurs, ses amis et proches, pour obtenir autant d'informations objectives que possible", ajoute-t-il.

Philippe Bas-Rabérin pour le service français, édité par Gilles Trequesser