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La crise alimente le sentiment indépendantiste en Catalogne

Meeting électoral d'Artur Mas, président nationaliste de la communauté autonome, à Barcelone. Au-delà de l'affirmation d'une identité culturelle, les velléités sécessionnistes de la Catalogne expriment aussi désormais une frustration croissante à l'égard

Meeting électoral d'Artur Mas, président nationaliste de la communauté autonome, à Barcelone. Au-delà de l'affirmation d'une identité culturelle, les velléités sécessionnistes de la Catalogne expriment aussi désormais une frustration croissante à l'égard - -

par Nigel Davies BARCELONE, Espagne (Reuters) - Le mouvement en faveur de l'indépendance de la Catalogne, thème central des élections de dimanche, a...

par Nigel Davies

BARCELONE, Espagne (Reuters) - Le mouvement en faveur de l'indépendance de la Catalogne, thème central des élections de dimanche, a connu un nouvel élan en raison de la crise économique et il trouve maintenant parfois ses plus ardents défenseurs parmi des habitants venus d'autres régions d'Espagne.

Au-delà de l'affirmation d'une identité culturelle, les velléités sécessionnistes expriment aussi désormais une frustration croissante à l'égard de la récession, du chômage et du poids des impôts, autant de maux imputés au gouvernement central de Madrid.

A 72 ans, Josep Periera fait partie de ces nombreux habitants originaires d'autres régions d'Espagne et convertis à la cause de l'indépendance de la Catalogne, longtemps perçue comme un eldorado dans les provinces déshéritées du pays.

Lorsqu'il est arrivé au milieu du XXe siècle dans le cadre d'une vague d'immigration en provenance d'Andalousie, il s'appelait Jose. Il a changé son prénom par son équivalent catalan et il est désormais parfaitement intégré.

"Il y a encore trois ans, je n'étais pas favorable à l'indépendance. Mais on ne peut plus supporter tout cela", a-t-il dit à Reuters lors d'un rassemblement électoral d'Artur Mas, président nationaliste de la communauté autonome.

D'après les sondages, la coalition d'Artur Mas (CiU) et trois autres partis indépendantistes devraient obtenir dimanche deux tiers des sièges au sein du prochain Parlement régional, la majorité nécessaire à l'organisation d'un référendum d'autodétermination.

Avec la récession et l'explosion du chômage dans toute l'Espagne, la colère grandit en Catalogne face au refus du gouvernement central à Madrid de renégocier le pacte par lequel la région lui verse chaque année 16 milliards d'euros de revenus fiscaux.

D'après un récent sondage de l'institut catalan de la statistique, 80% des adultes dont les parents sont catalans sont favorables à l'indépendance de la région. Le taux est de 41% chez les adultes dont les parents ne sont pas catalans, mais il n'était que de 25% en juin 2011.

INCOMPRÉHENSION

Or ces derniers représentent environ trois des 7,5 millions d'habitants de la région.

Jadis, les immigrés d'Andalousie vivaient dans leurs propres quartiers en périphérie de Barcelone, où ils continuaient de parler espagnol. Ils souffraient de discrimination et étaient même souvent appelés des "xarnego", mot catalan désignant une race de chiens.

Désormais, leurs enfants parlent catalan et regrettent l'époque où la région était capable de créer des emplois pour les travailleurs en provenance de toute l'Espagne.

"Ce sont les circonstances qui me rendent partisan de l'indépendance en raison des conséquences brutales de la crise et du fait que l'Espagne a pillé les richesses de la Catalogne pendant des années", dit Lluis Val, dont les parents se sont installés dans la région il y a plusieurs décennies. A 32 ans, il peine à trouver un emploi bien rémunéré.

Fils d'immigrés andalous, Salvador Garcia Ruiz juge comme beaucoup de Catalans que le reste de l'Espagne ne comprend pas les sentiments exprimés dans la région.

"Les gens ne comprennent pas que nous ne sommes pas contre l'Espagne, nous sommes simplement favorables à l'indépendance et c'est pourquoi ce sentiment est désormais le plus répandu. Nous voulons toujours entretenir de bonnes relations avec l'Espagne", dit cet économiste de 36 ans.

Beaucoup de Catalans admettent qu'il sera probablement impossible de parvenir à une indépendance totale car le reste du pays s'y opposerait fermement et que cela impliquerait en outre une sortie de l'Union européenne, avec des conséquences désastreuses sur le plan économique.

Une grande majorité veut tout de même avoir le droit de s'exprimer lors d'un référendum d'autodétermination, comme l'a illustré la manifestation d'un million de personnes en septembre dans les rues de Barcelone en faveur de l'indépendance.

"La marée humaine qui est descendue dans la rue a rendu tout cela possible et la seule chose que nous réclamons, c'est un référendum pour pouvoir au moins exprimer ce que nous voulons", dit Miriam Cascales, employée de supermarché de 32 ans.

Le sentiment indépendantiste est particulièrement répandu chez les jeunes, durement frappés par le chômage. D'après l'institut de sondage Metroscopia, environ 60% des électeurs de 18 à 35 ans sont pour l'indépendance de la Catalogne.

"Le débat s'est éloigné de la simple question de l'indépendance de la Catalogne vers un débat économique plus large", juge Maria Jose Hierro, politologue à l'université Pompeu Fabra.

Beaucoup de Catalans refusent cependant de devoir choisir entre deux identités, régionale et espagnole.

Entrepreneur de 52 ans, Josep se dit favorable à l'indépendance avant d'ajouter : "Beaucoup ne se sentent ni totalement Espagnols ni totalement Catalans. Il y a une masse importante de gens qui ne savent pas pour qui voter."

Avec Braden Phillips, Bertrand Boucey pour le service français