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La bataille d'Alep se poursuit

Bus des forces de Bachar al Assad à Alep, dimanche. Malgré les cris de victoire des forces gouvernementales, les tirs d'artillerie se poursuivaient lundi dans la grande ville du nord de la Syrie dont l'armée et les insurgés se disputent le contrôle. /Phot

Bus des forces de Bachar al Assad à Alep, dimanche. Malgré les cris de victoire des forces gouvernementales, les tirs d'artillerie se poursuivaient lundi dans la grande ville du nord de la Syrie dont l'armée et les insurgés se disputent le contrôle. /Phot - -

par Erika Solomon ALEP, Syrie (Reuters) - Malgré les cris de victoire des forces gouvernementales, les tirs d'artillerie se poursuivaient lundi à...

par Erika Solomon

ALEP, Syrie (Reuters) - Malgré les cris de victoire des forces gouvernementales, les tirs d'artillerie se poursuivaient lundi à Alep, la grande ville du nord de la Syrie dont l'armée de Bachar al Assad et les insurgés se disputent le contrôle.

Après deux jours d'une offensive qui a poussé, selon l'Onu, 200.000 personnes à fuir la capitale économique du pays, l'armée syrienne a affirmé dimanche soir avoir repris le contrôle du quartier de Salaheddine, ce que les rebelles ont démenti.

"C'est totalement faux", a dit un porte-parole des insurgés. "Les hommes d'Assad n'ont pas pu franchir le pont qui relie le quartier d'Hamadanyeh à celui de Salaheddine."

Inquiète de l'aggravation de la situation, la Turquie, qui craint comme la communauté internationale de nouveaux massacres, a envoyé des renforts à sa frontière avec la Syrie et la France a réclamé une réunion du Conseil de sécurité de l'Onu au niveau ministériel.

Dans la matinée, des obus se sont abattus sur certains quartiers d'Alep, la ville la plus peuplée de Syrie avec deux millions et demi d'habitants. Un hélicoptère et un avion de chasse ont survolé le quartier de Salaheddine.

Les hôpitaux et les dispensaires de fortune établis dans l'est de la ville sont bondés. "Certains jours nous recevons trente ou quarante blessés, et je ne parle pas des morts, dont certains nous arrivent totalement réduits en bouillie", raconte un membre des services médicaux.

Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), une ONG pro-opposition basée en Grande-Bretagne, les combats de dimanche à travers la Syrie ont fait plus de 150 morts, dont 18 dans le seul secteur d'Alep où les pénuries se font de plus en plus sentir. Les trois quarts des victimes sont des civils.

RENFORTS TURCS À LA FRONTIÈRE

Les combattants rebelles, qui patrouillaient dimanche dans Salaheddine en brandissant les drapeaux vert-blanc-noir de l'opposition malgré les pilonnages de l'artillerie et des hélicoptères de l'armée, ne doutaient pas de leur victoire.

"Alep sera le tombeau du régime Assad. Damas est la capitale mais ici nous avons le quart de la population syrienne et c'est ici que bat le coeur de l'économie", expliquait un combattant rebelle. "D'ici dix jours, la ville sera entièrement à nous", affirmait un autre.

Les journalistes de Reuters n'ont pu se rendre lundi dans le quartier de Salaheddine pour savoir quel camp le contrôlait effectivement.

L'armée syrienne a annoncé dimanche avoir repris le contrôle total de ce quartier du sud-ouest de la ville et en avoir chassé les "mercenaires". Ce mois-ci, les gouvernementaux ont repoussé les rebelles qui occupaient certains quartiers de Damas, la capitale.

Le régime a présenté la bataille d'Alep comme "la reine de toutes les batailles". Pour lui, la perte de la ville serait un coup terrible, stratégiquement comme psychologiquement.

Les experts militaires pensent que les insurgés, en raison de la faiblesse de leur armement, ne sont pas en mesure de tenir longtemps tête aux gouvernementaux.

La rébellion a d'ailleurs demandé dimanche à la communauté internationale de lui fournir des armes lourdes pour faire face aux chars, aux hélicoptères et aux avions d'Assad.

Les défections continuent de toucher l'armée syrienne. Un général de brigade, chef adjoint de la police de Lattaquié, le grand port de la Syrie, a déserté et gagné la Turquie dans la nuit de dimanche à lundi, en compagnie de onze autres policiers, a indiqué un responsable turc.

Selon la même source, 600 Syriens ont franchi la frontière turque lors de ces dernières 24 heures.

PARIS VA DEMANDER UNE RÉUNION DU CONSEIL DE SÉCURITÉ

Inquiète de l'évolution de la situation, la Turquie a envoyé lundi à la frontière une vingtaine de véhicules de transport de troupes, des batteries de missiles et des véhicules blindés.

Le convoi militaire a quitté une base située dans la province de Gaziantep pour gagner la province de Kilis, selon l'agence anatolienne de presse. Plus de 43.000 Syriens se sont réfugiés ces derniers mois en Turquie et un vaste camp d'accueil a été installé à Kilis.

Sur le plan diplomatique, la France va demander une réunion du Conseil de sécurité au niveau ministériel.

"Puisque la France prend la présidence du Conseil de sécurité (des Nations unies) au 1er août, nous allons donc demander avant la fin de cette semaine la réunion du Conseil de sécurité, probablement au niveau ministériel, à la fois pour essayer d'arrêter les massacres et préparer la transition politique", a dit le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius.

Depuis le début de l'insurrection en mars 2011, la Russie a opposé par trois fois son veto au Conseil de sécurité à des résolutions sanctionnant le régime de Bachar al Assad.

Laurent Fabius estime qu'il faut avancer diplomatiquement même si un nouveau blocage à l'Onu est probable. "Les règles internationales sont ainsi faites qu'ils ont la possibilité de bloquer le conseil de sécurité. Mais il ne faut pas arrêter, il ne faut pas se démobiliser, il faut continuer", a dit Laurent Fabius su RTL.

Il juge erroné l'argument selon lequel la chute du régime syrien pourrait déstabiliser le pays et la région et aboutir à un régime plus autoritaire et plus meurtrier encore.

"Il n'y a pas de plus grand désordre massacreur que ce qui se passe aujourd'hui", a-t-il dit, qualifiant Bachar al Assad de "bourreau".

Prié de dire si la France pouvait répondre aux demandes de livraison d'armes des insurgés, il n'a pas répondu directement.

"Il y a des armes qui leur sont livrées par le Qatar, l'Arabie saoudite, probablement d'autres. Pas nous. Mais c'est vrai qu'il y a un déséquilibre massif", a-t-il dit.

Pour le secrétaire d'Etat américain à la Défense Leon Panetta, les attaques gouvernementales contre Alep ne font que démontrer l'illégitimité du régime. "S'il continue comme ça, Assad creusera sa propre tombe", a-t-il dit.

Avec Yara Bayoumy et Dominic Evans; Benjamin Massot et Guy Kerivel pour le service français