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L'opposition kirghize affirme contrôler le pouvoir à Bichkek

Lors des heurts entre manifestants anti-gouvernement et policiers anti-émeutes mercredi près des bâtiments de l'administration présidentielle à Bichkek. L'opposition kirghize a affirmé mercredi en fin de soirée qu'elle contrôlait le pouvoir dans la capita

Lors des heurts entre manifestants anti-gouvernement et policiers anti-émeutes mercredi près des bâtiments de l'administration présidentielle à Bichkek. L'opposition kirghize a affirmé mercredi en fin de soirée qu'elle contrôlait le pouvoir dans la capita - -

MOSCOU - L'opposition kirghize a affirmé mercredi en fin de soirée qu'elle contrôlait le pouvoir dans la capitale Bichkek, rapporte l'agence de...

par Olga Dzioubenko et Maria Golovnina

BICHKEK (Reuters) - L'opposition kirghize a affirmé mercredi qu'elle contrôlait le pouvoir à Bichkek et que le président Kourmanbek Bakiev avait fui la capitale, au soir d'une journée marquée par des affrontements entre opposants et forces de l'ordre qui ont, selon l'opposition, fait une centaine de morts.

"Nous sommes parvenus à un accord sur la démission du gouvernement. Ce n'est pas encore signé", a déclaré à Reuters la députée Galina Skripkina, responsable du parti social-démocrate (opposition). "Bakiev a pris un avion reliant Bichkek à Och (NDLR: dans le sud du pays), où il a déjà atterri", a-t-elle ajouté.

"Pour l'instant, nous n'avons obtenu que la démission du gouvernement. (...) Le président lui-même n'a pas démissionné. Il doit démissionner et soumettre officiellement sa démission au parlement afin que nous puissions nommer un gouvernement provisoire", a encore dit Galina Skripkina.

Roza Otounbaïeva, dirigeante de l'opposition, a déclaré dans la nuit de mercredi à jeudi qu'elle servait provisoirement de médiatrice du gouvernement d'opposition.

"Le nouveau gouvernement n'a pas encore été formé. Actuellement, je coordonne, je sers de médiatrice", a déclaré Otounbaïeva par téléphone à Reuters.

Le département d'Etat américain a dit n'avoir pas été informé d'une chute du gouvernement et croire pour le moment que Bakiev était toujours au pouvoir.

FERMETURE DE LA FRONTIÈRE AVEC LE KAZAKHSTAN

Par ailleurs, le service kirghize de contrôle des frontières a annoncé dans la nuit de mercredi à jeudi qu'il avait fermé mercredi en fin de soirée la frontière avec le Kazakhstan, à la demande des autorités kazakhes.

Djoodar Isakonov, porte-parole du service, n'a pu dire combien de temps la frontière resterait fermée, indiquant que cela dépendrait "de la situation sociale et politique" au Kirghizistan.

Pays d'Asie centrale peuplé de 5,3 millions d'habitants, le Kirghizistan abrite à Manas une base aérienne américaine essentielle pour la guerre en Afghanistan et plusieurs bases russes.

J. Crowley, porte-parole du département d'Etat, a déclaré que les opérations à la base de Manas ne paraissaient pas affectées.

Le Kirghizistan bénéficie de l'aide financière de Moscou et de Washington, ainsi que de la Chine voisine, mais reste lourdement dépendant des transferts d'argent en provenance des travailleurs émigrés en Russie. Or cette manne, qui représente 45% du PIB, a fondu de 30% l'an dernier du fait de la crise.

Le Premier ministre russe Vladimir Poutine a lancé un appel au calme et démenti que Moscou ait joué un rôle dans les troubles. "Ni la Russie, ni votre humble serviteur, ni les autorités russes ne sont en rien liés à ces événements", a dit Poutine, cité par RIA.

Le Kirghizistan est aux prises depuis début mars avec des troubles alimentés par la pauvreté, la hausse des prix et la corruption. Un tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté.

Alors que Temir Sariev, chef de file de l'opposition, faisait état d'une centaine de morts, un médecin d'un des hôpitaux de Bichkek a parlé de dizaines de tués et d'au moins 150 blessés. Le ministère kirghize de la Santé a avancé un bilan officiel de 40 morts à Bichkek et de quelque 400 blessés pour l'ensemble du pays.

Des reporters de Reuters ont entendu des coups de feu et des explosions sur la grand-place de Bichkek et ont signalé la présence d'hommes armés dans les rues après minuit. Des restaurants et des magasins étaient pillés et des milliers de personnes parcouraient la capitale en agitant des drapeaux kirghizes.

TROUBLES EN PROVINCE

Dans la journée, des militaires avaient tiré sur des milliers de manifestants qui tentaient de percer, à l'aide de deux camions, la clôture entourant les bâtiments gouvernementaux, a rapporté un journaliste de Reuters.

Un millier de personnes ont pris d'assaut le bureau du procureur général avant de mettre le feu au bâtiment. Des militants de l'opposition ont aussi pris le contrôle de la chaîne de télévision publique KTR.

Des manifestants se sont emparés de bâtiments gouvernementaux dans trois autres villes.

A Talas, ville du Nord-Ouest où les premiers heurts avaient éclaté mardi, le premier vice-Premier ministre Aklibek Japarov et le ministre de l'Intérieur Moldomousa Kongantiev ont été molestés. Le second a même été forcé à crier: "A bas Bakiev!", disent des témoins.

Bakiev est lui-même arrivé au pouvoir à la suite de manifestations qui, en 2005, avaient renversé le président Askar Akaïev. Tous deux ont été accusés par leurs adversaires de concentrer le pouvoir entre leurs mains et celles de leurs proches.

Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations unies, qui s'est rendu la semaine dernière à Bichkek, a rappelé les autorités au respect des droits de l'homme. "Le secrétaire général est choqué par les morts et les blessés signalés aujourd'hui au Kirghizistan. Il appelle à un dialogue urgent et à la retenue pour éviter de nouvelles effusions de sang", a déclaré mercredi son porte-parole, Martin Nesirky, de passage à Moscou.

A Washington, la Maison blanche a fait savoir qu'elle suivait de près la situation et qu'elle était préoccupée par les informations faisant état de pillages et de violences.

L'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe, présidée par le Kazakhstan voisin, a lancé un appel au calme et proposé de servir d'intermédiaire pour des négociations.

Pascal Lietout, Jean-Philippe Lefief et Nicole Dupont pour le service français