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L'évangélique Marina Silva veut devenir présidente du Brésil

Marina Silva, candidate du Parti socialiste brésilien, pourrait bien se hisser au second tour de l'élection présidentielle dimanche 5 octobre.

Marina Silva, candidate du Parti socialiste brésilien, pourrait bien se hisser au second tour de l'élection présidentielle dimanche 5 octobre. - Christophe Simon - AFP

PORTRAIT - Évangélique, écologiste et d'origine modeste, la "Lula en jupon" pourrait passer ce dimanche le premier tour de l'élection présidentielle au Brésil. Mais ses prises de position contre le mariage gay et l'avortement pourraient entacher son parcours immaculé.

Un crash. C’est par un redoutable accident d’avion que le destin politique de Marina Silva a changé. Quelques jours après la mort du candidat socialiste à la présidence du Brésil dans le crash de son jet privé, la militante écologique est désignée par son parti, le PSB, pour le remplacer dans la course à la présidentielle. Le 21 août, cette autodidacte à la carrière bien remplie reprend la campagne sur les chapeaux de roue et se propulse en bonne place dans les sondages.

Pourtant, rien ne la prédestinait à la politique. Issue d’une famille modeste de 11 enfants, Marina Silva a grandi dans l’Etat d’Acre, en pleine Amazonie brésilienne. Sans ressources, atteinte d’hépatite et illettrée, elle récolte du latex dans une plantation d’hévéas pour subvenir à ses besoins, avant de partir se soigner dans la capitale. A 16 ans, elle franchit les portes de la Congrégation des esclaves de Marie. C’est dans ce couvent que naît sa foi. Durant deux ans, les soeurs lui enseignent la lecture et l’écriture, lui permettant d'intégrer une université.

Ecologiste

Durant sa licence d’histoire, Marina Silva profite de cet univers propice pour s’engager en politique et militer contre la déforestation, tout en continuant d’exercer des petits boulots. Elle rejoint le Parti révolutionnaire communiste et participe à la création du premier syndicat de l’Etat d’Acre aux côtés de Chico Mendes, une icône, dans la région. C’est la première étape d’une longue carrière politique durant laquelle elle deviendra, à 36 ans seulement, la plus jeune sénatrice du Brésil, après avoir été conseillère municipale et députée. 

Mais avant d’entrer au Sénat, un événement va la propulser au sein du gouvernement. En 1985, elle adhère au Parti des travailleurs (PT) - dont la candidate est aujourd’hui Dilma Rousseff - et rencontre Luiz Inácio Lula da Silva, dit “Lula”. L’ex-président de la République lui propose en 2003 un poste de ministre de l’Environnement, qu’elle occupera pendant cinq ans. Un parcours largement mis en avant dans son spot de campagne.

Héritière de Lula

Désormais, la candidate à la présidentielle a rompu avec le parti de Lula. Mais la proximité de son histoire avec celle de l’ancien chef d’Etat n’est pas sans conséquence. Surnommé la "Lula en jupon", la trajectoire de Marina Silva a du sens pour les classes moyennes, qui comparent son parcours à celui de Lula, ouvrier syndicaliste originaire du Nord-Este, alphabétisé à 14 ans.

A 56 ans, cette mère de quatre enfants veut cependant proposer “une nouvelle politique” au Brésil et affirme que "ce qui va ressortir de cette élection, c'est le renouveau". En 2008, écoeurée de l’alliance conclue entre le gouvernement et un complexe agro-industriel et la construction d’usines hydroélectriques en Amazonie, elle quitte le Parti des travailleurs pour devenir candidate du Parti vert à l’élection présidentielle de 2010. Elle fera 20%. Un score qui surprend et qui la rend présidentiable.

En février 2013, elle décide de créer un nouveau parti écologique, "Réseau durable". Après deux mois de bataille, elle parvient à proposer une liste pour la présidentielle. Mais faute de signature, sa candidature est rejetée. Marina Silva revient finalement au Parti socialiste brésilien (PSD), où elle seconde Edouardo Campos pour le poste de vice-présidente, avant de le remplacer en août, après sa mort.

Evangélique

Depuis, Marina Silva surfe sur une vague qui lui est plus que favorable. Celle qu’on surnomme “Obama brésilienne” pourrait même entrer dans l'histoire en devenant le premier chef d'Etat noir et de confession évangélique du Brésil.

La religion, c’est d’ailleurs l’un de ses principaux atouts pour cette élection. Le nombre de fidèles évangéliques ne cesse de croître depuis 30 ans, au point de représenter 22% de la population en 2014. Selon le journaliste Paolo Paranagua dans son blog sur LeMonde.fr, “tout le monde fait la chasse aux voix des électeurs évangéliques”. Il donne l’exemple de Dilma Rousseff, qui s’est “précipitée à l'inauguration du nouveau Temple de Salomon”, à São Paulo, et ajoute que “Lula est parvenu à se faire élire, en 2002, après trois échecs, grâce à son alliance avec le vice-président José Alencar, dont le parti rassemblait une partie appréciable de l'électorat évangélique”.

Avortement et mariage gay

Membre depuis 1997 de l'Assemblée de Dieu, une des principales Eglises évangéliques du Brésil, Marina Silva n’a pas eu le choix. Son Eglise lui a demandé de prendre clairement position sur la question de l'avortement et du mariage homosexuel. Ce qu’il en est ressorti, c’est une opposition claire et sans détour. La candidate s’oppose à l'avortement, comme au mariage pour tous. Elle refuse aussi la recherche sur les cellules souches.

Aujourd'hui, sa position semble avoir évolué. Elle affirme que l'avortement "fait partie des sujets complexes qui méritent débat. Tout comme pour la légalisation du cannabis, je suis pour un référendum sur cette question de l'avortement".

Au lendemain de la publication de son programme, elle aurait également fait retirer les passages proposant une loi autorisant le mariage homosexuel. Quelques jours plus tôt, le pasteur Silas Malafaia l'avait sommée sur Twitter de revenir sur ses engagements. La candidate assure qu’il ne s’agissait d'une erreur lors de la relecture. Mais, interpellée par l'acteur américain Mark Ruffalo sur le réseau social, Marina Silva a affirmé qu'elle soutenait... le mariage gay et que cela figurait dans son programme. Une position particulièrement ambiguë.

A. Dt avec AFP