BFMTV
International

L'Etat islamique plus fort qu'Al-Qaïda?

Des jihadistes de l'Etat islamique paradent sur un char dans leur fief de Raqqa, en Syrie, le 30 juin 2014.

Des jihadistes de l'Etat islamique paradent sur un char dans leur fief de Raqqa, en Syrie, le 30 juin 2014. - Welayat Raqa - AFP

Exécutions filmées, conquête éclair de territoires, puissance militaire: les méthodes et la force des jihadistes de l'Etat islamique inquiètent au plus haut point les Occidentaux, qui les considèrent désormais comme plus dangereux qu'Al-Qaïda.

En conquérant de larges pans du territoire irakien en l'espace de seulement quelques mois, et en publiant à quinze jours d'intervalle les vidéos des décapitations de deux journalistes américains, l'EI fait passer un message limpide aux Occidentaux: par sa redoutable efficacité et la terreur qu'il sème, il est désormais le groupe jihadiste le plus puissant sur la scène internationale, transformé de fait en premier ennemi des démocraties occidentales, devant Al-Qaïda. Explications.

• Un mouvement né d'Al-Qaïda mais désormais affranchi

Combinant puissance militaire, extrême radicalité et maîtrise parfaite des méthodes de communication modernes, l'EI aurait en effet déjà supplanté Al-Qaïda. Les Occidentaux voient désormais en lui une menace plus sérieuse que le réseau islamiste, dont il est issu. L'Etat islamique a été créé en 2006 sur les fondations d'Al-Qaïda en Irak, que dirigeait Abou Moussab al-Zarkaoui, et s'est progressivement affranchi de l'emprise de l'organisation terroriste internationale sous l'impulsion d'Abou Bakr Al-Baghdadi, le "calife" auto-proclamé.

• Une stratégie différente et plus efficace

Quand Al-Qaïda défendait un jihad à l'échelle mondiale et une vision à très long terme, déployée sur plusieurs générations, Zarkaoui - qui employait déjà des méthodes aussi expéditives que celles de l'EI aujourd'hui - préconisait de son côté un jihad "local". C'est ce que l'on retrouve aujourd'hui dans la stratégie de l'Etat islamique, qui est en train de parvenir à imposer son "califat" à cheval sur deux Etats, l'Irak et la Syrie, autrement dit sur un territoire bien déterminé.

Cette structure de quasi-Etat doté d'une administration, que le groupe parvient à se donner, inquiète particulièrement les Occidentaux. "Le chef de l'Etat islamique enchaîne les victoires militaires et semble affoler le monde entier, alors que Zawahiri, le successeur de Ben Laden à la tête d'Al-Qaïda, déblatère dans le vide, ne suscitant plus d'intérêt au-delà d'un cercle déclinant", analyse Jean-Pierre Filiu, professeur à Sciences Po, spécialiste des mouvements jihadistes.

• Un arsenal militaire puissant

C'est en conquérant la ville irakienne de Mossoul, en juin dernier, que les jihadistes mettent la main sur un arsenal militaire ultra-moderne. Le matériel a été mis à disposition de l'armée irakienne lorsque les Etats-Unis se sont retirés du pays, en 2011. Et dans sa débâcle, l'armée régulière a abandonné derrière elle des hélicoptères, des chars, de nombreux véhicules blindés et des armes lourdes de toutes sortes: missiles antichars, mitrailleuses, fusils d'assaut, et munitions. "L'EI est clairement aujourd'hui l'organisation la plus puissante, qui a remplacé dans cette région du monde Al-Qaïda", estimait ainsi le spécialiste du monde arabe et des mouvements islamistes radicaux Mathieu Guidère, sur BFMTV, fin août.

• Une machine à recruter

Mais la menace EI ne date pas de cet été. Le groupe est monté en puissance depuis quelques années déjà, années pendant lesquelles il s'est renforcé en dehors de l'Irak, notamment en Syrie voisine, où il a recruté et entraîné à tour de bras. A l'aide d'une maîtrise parfaite des réseaux sociaux et d'une propagande en ligne très active, alimentée d'idéologie et de mises en scènes macabres, le groupe a attiré dans ses rangs un grand nombre d'Occidentaux.

Il s'agit souvent de très jeunes recrues, séduites par les résultats rapides de l'Etat islamique, bien plus visibles que ceux d'Al-Qaïda. "La recrue étrangère chez Baghdadi doit, sous peine de sanctions, recruter elle-même trois ou cinq personnes. Cette personne envoie des messages sur les réseaux sociaux pour vanter son expérience et inviter à la rejoindre. C'est pourquoi la progression du recrutement jihadiste est exponentielle", explique Jean-Pierre Filiu, interrogé par Mediapart.

• Un financement propre

Pour de nombreux experts, l'Etat islamique, qui a pu être financé par des pays voisins à ses débuts, vit aujourd'hui de l'autofinancement. Selon Jean-Luc Marret, maître de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), il aurait "les moyens fiscaux d'un quasi-Etat", grâce à des taxes imposées aux populations et aux entreprises locales, mais aussi par le biais de la contrebande de pétrole, d'œuvres antiques et du pillage des réserves d'argent liquide des banques de Mossoul.