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L'Egypte tendue avant le verdict du procès d'Hosni Moubarak

Familles de victimes de la répression de la "Révolution du Nil" devant une école de police du Caire, où s'est déroulé le procès d'Hosni Moubarak. Le procès d'Hosni Moubarak aurait été inconcevable il y a un an et demi, mais ceux qui l'ont contraint à la d

Familles de victimes de la répression de la "Révolution du Nil" devant une école de police du Caire, où s'est déroulé le procès d'Hosni Moubarak. Le procès d'Hosni Moubarak aurait été inconcevable il y a un an et demi, mais ceux qui l'ont contraint à la d - -

par Edmund Blair et Dina Zayed LE CAIRE (Reuters) - Le procès d'Hosni Moubarak aurait été inconcevable il y a un an et demi, mais ceux qui l'ont...

par Edmund Blair et Dina Zayed

LE CAIRE (Reuters) - Le procès d'Hosni Moubarak aurait été inconcevable il y a un an et demi, mais ceux qui l'ont contraint à la démission en février 2011 craignent désormais que le verdict attendu ce samedi ne rende pas justice aux 850 manifestants tués.

L'ancien président égyptien, âgé de 84 ans, est accusé de corruption et d'avoir donné l'ordre de tirer à balles réelles sur les manifestants, pendant les rassemblements de la "révolution du Nil".

Son ancien ministre de l'Intérieur Habib al Adli, ses deux fils, Gamal et Alaa, et six responsables de la sécurité ont été jugés à ses côtés.

Des centaines de policiers étaient déployés samedi matin aux alentours d'une école de police dans la banlieue du Caire, où le verdict sera connu.

Des protestataires arboraient des pancartes montrant des photos des victimes de la répression de la "Révolution du Nil", réclamant l'exécution de Moubarak.

L'ancien "raïs" est passible de la peine de mort par pendaison, mais un telle condamnation est peu probable étant donné son âge et la faiblesse, selon nombre d'observateurs, du dossier réuni par l'accusation. Le procès pourrait également être prolongé de plusieurs années par de possibles appels.

Le verdict, qui doit être rendu plus de trois mois après la fin du procès, le 22 février, et peut encore être reporté, pourrait provoquer de nouvelles manifestations s'il se résumait à un acquittement ou une peine légère.

Il interviendra deux semaines avant le second tour de l'élection présidentielle, qui verra s'affronter Mohammed Morsi, candidat des Frères musulmans, et Ahmed Chafik, le dernier Premier ministre d'Hosni Moubarak.

FRUSTRATION

Si le verdict entraînait des violences, il pourrait mettre en position de force Ahmed Chafik et son programme sécuritaire. Une série d'acquittements risquerait toutefois d'attiser la colère des Égyptiens contre les figures de l'ancien régime, notamment les militaires au pouvoir, et nuire à l'ex-allié d'Hosni Moubarak.

Quel que soit l'issue du procès, beaucoup d'Egyptiens ont exprimé leur frustration de ne pas voir réellement remis en cause le rôle de l'armée, de la justice et de la police durant les trois décennies de l'ère Moubarak.

Hosni Moubarak et les autres accusés ont été jugés par un tribunal ordinaire tandis que 12.000 civils ont dû faire face à des tribunaux militaires en vertu de l'Etat d'urgence en vigueur depuis 1981 et seulement levée samedi.

Le procès de l'ancien "raïs" et des autres accusés concerne uniquement la période de six jours qui a suivi le début de la révolution le 25 janvier 2011.

"Les gens ne veulent pas voir un procès des derniers jours du pouvoir de Moubarak", estime Fikry Karoub, qui dirige la Cour d'appel d'Alexandrie et a déposé sa propre plainte contre l'ancien dirigeant, l'accusant de haute trahison et de déloyauté envers l'Etat, après son arrivée au pouvoir en 1981.

Les groupes de défense des droits de l'Homme craignent que le procès ne permette pas une remise en cause de l'héritage d'Hosni Moubarak, premier dirigeant arabe chassé par une insurrection à être traduit en personne en justice. L'ancien président tunisien Zine Ben Ali a, lui, été condamné par contumace. Il a trouvé refuge en Arabie saoudite.

"Il n'y a eu aucun effort sérieux pour enquêter et faire rendre des comptes (à des membres du régime) pour les morts en détention, les incarcérations illégales, la torture et d'autres abus systématiques des droits de l'homme durant l'ère Moubarak", dit un rapport publié par l'organisation Human Rights Watch.

ACQUITTEMENTS

Des acquittements d'officiers de rang subalterne accusés d'avoir tiré sur des manifestants ont déjà fait craindre aux révolutionnaires qu'Hosni Moubarak et les autres prévenus n'aient pas à rendre de comptes. "La justice ne sera pas rendue", prédit Ahmed el Fekky, qui a perdu la vue de l'oeil gauche lors des manifestations anti-Moubarak.

Il espère déjà qu'un acquittement ou une peine légère soient l'occasion de "revenir dans le droit chemin révolutionnaire".

Au cours du procès, Hosni Moubarak, détenu dans le Centre médical international du Caire et amené dans le box des accusés sur une civière, s'est contenté de confirmer son identité et de nier les accusations. Après son ouverture le 3 août, le procès, mené sans que les lois et les institutions égyptiennes aient été réformées, est devenu représentatif des imprécisions de la transition menée par l'armée.

Le procureur général, qui avait été nommé par Hosni Moubarak, a accusé le ministère de l'Intérieur, qui assume les rôles d'enquêteur et d'accusé, de ne pas coopérer. Les avocats des accusés ont soutenu qu'Hosni Moubarak et son ministre de l'intérieur n'étaient pas coupables de toutes les accusations.

"La justice ne doit pas tenir compte de l'opinion publique", a rappelé Essam al Batawy, l'avocat de l'ancien ministre, alors que certains Égyptiens, lassés de l'incertitude politique qui dure depuis quinze mois, commencent à se distancer de la révolution et à exprimer une certaine nostalgie.

"Moubarak n'a jamais rien fait de mal", résume Omar Abdel Latif, un fermier de 59 ans, exprimant une opinion souvent exprimée par les partisans de l'ancien président. "Il était simplement entouré par les mauvaises personnes."

Julien Dury et Benjamin Massot pour le service français