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L'avenir de Pompéi inquiète l'Italie

L'effondrement en novembre de la Maison des Gladiateurs à Pompéi. La préservation de l'ancienne cité romaine est devenue un sujet de premier plan en Italie après de nombreux écroulements cette année. /Photo prise le 6 novembre 2010/REUTERS/Ciro De Luca

L'effondrement en novembre de la Maison des Gladiateurs à Pompéi. La préservation de l'ancienne cité romaine est devenue un sujet de premier plan en Italie après de nombreux écroulements cette année. /Photo prise le 6 novembre 2010/REUTERS/Ciro De Luca - -

par Philip Pullella POMPEI, Italie (Reuters) - Claudio D'Alessio ne veut pas entrer dans l'Histoire aux côtés de Pline le Jeune, qui rendit compte...

par Philip Pullella

POMPEI, Italie (Reuters) - Claudio D'Alessio ne veut pas entrer dans l'Histoire aux côtés de Pline le Jeune, qui rendit compte il y a près de 2.000 ans de la destruction de l'antique Pompéi par une éruption du Vésuve.

Le maire de la ville moderne n'entend pas rester bras croisés face à la décrépitude de la cité antique, où les effondrements de murs ou de bâtiments se succèdent.

"La ville souffre et part en lambeaux", déplore-t-il près de la Via dell'Abbondanza (rue de l'Abondance), l'artère principale de la cité romaine menant au Forum.

Claudio D'Alessio ne s'inquiète pas seulement par amour de la culture. L'économie de sa ville de 25.000 habitants repose sur le tourisme, le site archéologique classé au patrimoine mondial de l'Unesco attirant des visiteurs du monde entier.

La préservation de Pompéi est devenue un sujet de premier plan en Italie après l'effondrement en novembre de la Maison des Gladiateurs et d'un long mur de soutènement dans le jardin de la Maison du moraliste.

Le gouvernement de Silvio Berlusconi a été accusé de négliger les monuments historiques et des appels à la démission ont été lancés contre le ministre de la Culture, Sandro Bondi, qui a réduit les dépenses dans le domaine culturel dans le cadre de la politique d'austérité.

"Nous ne pouvons pas nous payer le luxe d'attendre. On ne peut pas attendre de nouveaux écroulements. Il faut une intervention immédiate pour soigner les plaies ouvertes par des années de retards et de négligence", prévient Claudio D'Alessio.

PROJETS SPECTACULAIRES

Comme de nombreux sites culturels en Italie, la cité antique de Pompéi, détruite par le Vésuve en 79, est un moteur de l'économie locale en soutenant l'activité de l'hôtellerie, de la restauration, des guides, des transports et des agences de voyage.

Les détracteurs de Sandro Bondi accusent le ministre de la Culture d'être le principal responsable des dégâts subis par les vestiges de la cité romaine, ensevelis sous une épaisse couche de cendres pendant près de 1.700 ans jusqu'à des fouilles à partir du milieu du XVIIIe siècle.

"Ces deux dernières années, les décisions au sujet de Pompéi ont été prises par des politiques et non par des experts", remarque Tsao Cevoli, président de la Fédération nationale des archéologues.

Comme d'autres, il reproche aux services de Sandro Bondi d'avoir concentré leurs efforts sur des projets spectaculaires au détriment de l'entretien régulier du site.

Il cite en exemple l'argent investi dans la visite virtuelle d'une villa somptueuse reproduite en trois dimensions conduite par une représentation en hologramme du maître des lieux, Julius Polybius, un aristocrate de l'époque antique.

"Il faut investir dans l'entretien quotidien. Ce n'est pas spectaculaire mais c'est absolument nécessaire", réclame Tsao Cevoli. Désherber les murs et les toits n'est pas aussi valorisant qu'organiser des spectacles de sons et lumières mais cela empêche les infiltrations d'eau, remarque-t-il.

Selon Tsao Cevoli, Pompéi a été le théâtre de sept effondrements en un an mais tous n'ont pas eu la publicité méritée.

PRIVATISATION

"Le fait qu'il y ait eu autant d'effondrements en une période si courte signifie que quelque chose de grave est en train de se produire. Ce sont des signes très alarmants", dit-il.

Il estime que 80 millions d'euros ont été consacrés au cours des deux dernières années à des "restaurations spectaculaires mais pas indispensables" de structures uniques telles que le Grand Théâtre.

"Le ministre est responsable d'avoir choisi un mode de gestion à Pompéi favorisant le superficiel par rapport à l'essentiel. Aucun expert n'aurait agi ainsi. Techniciens, restaurateurs et archéologues n'ont pas eu leur mot à dire", regrette Cevoli.

La spécificité de Pompéi tient au fait que la cité a été en grande partie préservée des attaques du temps en restant ensevelie pendant des siècles, fournissant ainsi aux archéologues une image précise du monde antique.

Pline le Jeune a assisté à la catastrophe de Misenum (Misène de nos jours), située sur la partie nord de la baie de Naples.

Pour certains, la seule solution pour sauver Pompéi consiste à privatiser le site.

"Précisément car il appartient à l'humanité tout entière, sa gestion devrait être retirée à un Etat qui s'est montré incapable de le protéger", a écrit dans un éditorial le quotidien des milieux d'affaires, Il Sole 24 Ore.

La privatisation des biens culturels suscite toutefois une vive opposition en Italie. Certains prônent donc un partenariat public-privé.

Bertrand Boucey pour le service français, édité par Gilles Trequesser