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Irak: qui va recevoir des armes?

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EDITO - Les Etats-Unis ont annoncé lundi qu'ils comptaient livrer des armes aux combattants kurdes. Une bonne idée?

Les élus et diplomates le répètent: attention à qui l'on fournit des armes en Irak. "On ne voudrait pas que ces armes finissent dans de mauvaises mains, et qu'elles se retournent contre nous." Une idée frappée au coin du bon sens... en apparence seulement. En fait, cette idée est plus fausse que vraie.

Les USA ont donné à l'armée irakienne du matériel en grande quantité. Cette armée, mal formée, peu loyale à une hiérarchie détestée, s'est débandée à Mossoul dès l'approche de l'État islamique. Huit cents véhicules de transports, dont une grande partie de véhicules blindés, abandonnés par les troupes, et récupérés en parfait état de marche par l'État islamique! Tout cela fonctionne contre l'armée nationale irakienne et encore davantage contre les pechmerga (armée kurde autonome d'Irak). Mais les armes américaines n'étaient pas donnés à l'État islamique, évidemment.

Le précédent libyen

Ensuite il y a le cas libyen: Kadhafi avait transformé sont pays en arsenal. Lorsqu'il est tombé, ces armes ont été pillées, et toutes les milices libyennes en détiennent. Beaucoup de ces armes ont équipé la rébellion touareg au Mali, largement formée de soldats touaregs au service du régime Kadhafi ayant lâché le dictateur pour rentrer au Mali -- l'Azawad pour ces rebelles. Les gouvernements français et britannique ont effectivement largué des armes aux rebelles berbères, mais juste en nombre limité et sans "manpad", ces missiles capables d'abattre des avions. Quant aux milices plus ou moins islamistes, elles ont eu un armement occidental, lui aussi limité aux moyens antichars, et non antiaériens car les Français tenaient le ciel de Libye.

Dans le prolonguement de la guerre en Libye, au Mali proprement dit, l'armée française a dit et redit que la plupart des armes récupérées sur les djihadistes procèdent des stocks abandonnés de l'armée malienne, défaite en 2012. Et non pas du tout des armes libyennes.

Risque zéro?

Ce qui mène à aujourd'hui, avec les Kurdes: zéro risque. Ces pechmerga sont notoirement sous-armés, étant théoriquement une force de sécurité interne à l'Irak -- une fiction partielle, mais pas totale. Pas d'armement lourd pour les Kurdes. Donc aujourd'hui plus que jamais, il faut que les puissances occidentales donnent des armes efficaces, donc "manpad" et artillerie, pour repousser l'État islamique armé de matériel américain! Évidemment, après le conflit contre les djihadistes, il ne faudrait pas s'attendre à ce que les pechmergas rendent le matériel. Ainsi armés, ils pourront un jour imposer leur indépendance par rapport à l'Irak -- faire sécession. Mais ils l'éviteront sans doute, afin de maintenir la fiction bien utile de leur appartenance à la République d'Irak. Donc Paris, Rome, Londres et Washington sont en train de rendre la particularisme kurde une réalité indéracinable. Cela est sans risque pour l'Occident.

Harold Hyman