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"Il est en train de s'enliser": comment la résistance ukrainienne contrecarre la stratégie de Poutine

Vladimir Poutine, le 24 février 2022.

Vladimir Poutine, le 24 février 2022. - Alexey NIKOLSKY / SPUTNIK / AFP

Vladimir Poutine, qui multipliait les manœuvres militaires ces derniers mois aux abords de la frontière ukrainienne, a brandi dimanche la menace de la "force de dissuasion". Un aveu de faiblesse selon des spécialistes, qui voient dans cette décision le fruit de plusieurs échecs du président russe.

"Je ne suis pas certain que le président Poutine imaginait que son opération allait être aussi difficile". Le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a salué ce lundi soir sur BFMTV "la force de résistance du peuple ukrainien", cinq jours après le début de l'invasion russe. Une invasion plus longue que ce qui était prévu par Moscou.

La guerre éclair n'aura effectivement pas eu lieu. Le scénario espéré par Vladimir Poutine de prendre en quelques heures l'Ukraine des mains du président Volodymyr Zelensky s'éloigne désormais. Un conflit qui se prolonge et entraîne des pertes militaires des deux côtés, mais aussi civiles parmi la population ukrainienne.

La ville de Kharkiv a été frappée ce lundi par des bombardements russes. Des quartiers résidentiels ont été touchés et au moins onze personnes sont mortes dans cette attaque russe. Ici c'est la deuxième ville d'Ukraine qui a été visée. Comme un aveu d'échec des militaires russes qui sont confrontés à une résistance ukrainienne à Kiev, la capitale du pays.

"Quand on parle nucléaire, on ne bluffe pas"

L'état-major ukrainien a affirmé lundi dans un communiqué que la Russie avait "ralenti le rythme de l'offensive" même si elle tentait "d'engranger des succès dans certaines zones".

"Le problème de monsieur Poutine, c'est qu'il est en train de s'enliser [...] il aurait dû prendre Kiev vendredi, on est 72 heures après, donc il y a évidemment un enlisement", analyse le général Vincent Desportes sur BFMTV. "Depuis le début de la guerre il manque de discernement, il n'a pas arrêté de faire des erreurs depuis jeudi matin", poursuit-il.

L'ancien directeur de l'École de guerre, qui assure que les sanctions économiques jouent "un rôle" certain dans ce conflit, a néanmoins estimé que la dernière grandemanoeuvre de Moscou devait être jugée comme étant "très sérieuse".

Dimanche, Vladimir Poutine a ordonné de mettre les "forces de dissuasion" de l'armée russe en "régime spécial d'alerte au combat". Forces qui renvoient en partie à des armes atomiques.

"La guerre vient de changer de nature. Nous sommes passés d’une guerre de type conventionnelle à une guerre à composante nucléaire", a relevé le général dans les colonnes du Parisien. "Chacun met sur la table un peu plus... on est au poker", développe-t-il ce lundi matin sur BFMTV, avec toutefois une réserve: "quand on parle nucléaire, on ne bluffe pas".

"Il ne remplit pas ses objectifs"

Dominique Trinquand, ex-général et ancien chef de mission militaire française auprès de l'ONU, a estimé ce lundi sur RMC que le menace brandie par le président russe était "une preuve de faiblesse".

"Le président Poutine ne remplit pas ses objectifs, il connaît un relatif échec en Ukraine et agite cette menace de façon à pouvoir effrayer et faire pression", juge l'ancien militaire. "Il utilise cette menace contre les Occidentaux mais devant l'opinion publique russe, il évoque la négociation pour montrer qu'il est prêt à négocier et que ce sont 'les Ukrainiens qui ne veulent pas négocier'", poursuit-il.

Premiers pourparlers entre les deux nations

Cinq jours après l'entrée des forces armées russes sur le territoire ukrainien, Kiev tient toujours, le président Zelensky demeure au pouvoir, et la Russie reconnaît pour la première fois des morts depuis le début de l'invasion. L'attaque massive et rapide menée par le Kremlin se voit freinée, et les pourparlers - encore inimaginables il y a peu - ont débuté ce lundi en Biélorussie.

"Il y a deux façons de sortir d'une guerre: soit par le dialogue, soit par la destruction", avance le général Vincent Desportes, se rapportant au dialogue entre Kennedy et Khrouchtchev. "On ne peut sortir d'une crise que par du donnant-donnant".

Vladimir Poutine, qui a échangé ce lundi avec Emmanuel Macron pendant une heure et demi, a exigé la reconnaissance de la Crimée comme territoire russe, la "dénazification" du gouvernement ukrainien et un "statut neutre" de Kiev comme préalable à la fin de l'intervention militaire.

Le président russe a qualifié le gouvernement pro-occidental à Kiev de "néonazi", ce qui signifie pour de nombreux observateurs qu'il n'entend pas mener sérieusement des négociations avec lui. Le président Volodymyr Zelensky a également admis ne "pas trop croire" à des négociations fructueuses, appelant l'armée russe à déposer les armes. Reste que les deux délégations ont toutefois convenu d'un "deuxième round" de pourparlers.

Hugues Garnier avec AFP Journaliste BFMTV