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Hongrie: pour la police, les femmes violées y sont "pour quelque chose"

Le message de la police hongroises contre le viol est "Tu y es pour quelque chose, tu peux faire quelque chose pour éviter ça!".

Le message de la police hongroises contre le viol est "Tu y es pour quelque chose, tu peux faire quelque chose pour éviter ça!". - BFMTV

Un clip de prévention contre le viol diffusé par la police fait polémique en Hongrie. Il met en scène des jeunes femmes habillées de façon sexy, dansant en discothèque et buvant de l'alcool. Un comportement à risque, selon les autorités. Des organisations féministes ont lancé une pétition et manifesté dimanche contre ces contrevérités sur les violences sexuelles.

Quand la police hongroise fait de la prévention, elle ne fait pas dans la dentelle mais plutôt dans le préjugé. Un clip mis en ligne la semaine dernière suscite en effet l'indignation dans le pays. Ce film, qui doit être projeté dans des lycées, est jugé sexiste et machiste par de nombreuses associations de défense des droits des femmes.

On y voit pendant plus de trois minutes le déroulé d'une soirée se terminant par un viol. Dans la première partie, des jeunes femmes se maquillent et s'habillent de façon sexy avant de sortir. Elles enchaînent ensuite les verres d'alcool tout en se déhanchant sur la piste de danse. La vidéo se termine enfin sur les images d'une jeune fille agressée à la sortie d'une boîte avec le seul message de la vidéo: "Tu y es pour quelque chose, tu peux faire quelque chose pour éviter ça!". 

Une pétition et des manifestations

Outre de nombreuses réactions sur les réseaux sociaux, cette vidéo est à l'origine d'une pétition qui a déjà été signée par plus de 5.000 personnes. Elle appelle l'Union européenne à faire pression financièrement sur la Hongrie afin que la police retire cette campagne.

Une "marche des salopes" a également eu lieu dimanche à Budapest. On pouvait notamment lire sur les pancartes "un parlement macho n'est pas une démocratie" ou "la victime n'est pas la coupable".

La plupart des viols commis dans un cercle proche

Pour Éva Cserháti du collectif des Femmes hongroises unies contre la violence (NaNe), interrogée par le Guardian, cette vidéo est "presque du niveau d'un film soft-porn". Elle suggère selon l'activiste "que les femmes ne devraient pas boire ou s'amuser d'une manière qui n'est pas tout à fait acceptable aux hommes, parce que ce genre de comportement est de la provocation ". Elle estime que la vidéo "propage intentionnellement certaines des pires idées d'une société extrêmement conservatrice et patriarcale".

Elle juge également la représentation de l'agresseur problématique. "Voir un étranger attaquer une femme dans une rue sombre est très rare. La plupart des agressions sexuelles sont commises par quelqu'un connu de la victime, souvent dans le cercle d'ami ou de la famille ", explique Éva Cserháti.

Des préjugés qui empêchent les victimes d'obtenir justice

Dans un rapport publié en 2007, Amnesty international regrettait: "le gouvernement et l’appareil judiciaire n’ont toujours pas cherché à venir à bout des préjugés largement répandus qui empêchent les femmes victimes de viol ou d’autres formes de violence sexuelle d’obtenir justice et réparations".

Il expliquait également que comme dans beaucoup de pays dans la plupart des pays du monde, "la plupart des viols et autres violences sexuelles sont commis au foyer des victimes, par des personnes de leur connaissance, le plus souvent par leur mari, leur compagnon ou d'autres personnes proches".

Sept ans après la publication de ce rapport, les préjugés n'ont visiblement pas reculé.

Karine Lambin