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"Je ne sais pas comment j'ai tenu": otage pendant 45 jours, l'ingénieur en chef de Tchernobyl témoigne sur BFMTV

Valery Semenov, l'ingénieur en chef de la centrale de Tchernobyl, a raconté sur notre antenne ses 45 jours de captivité aux mains de Russes.

Une histoire digne d'Hollywood. Valery Semenov ne se doute de rien en se levant le 24 février dernier. Cet Ukrainien embrasse alors sa femme et son fils, quitte Slavoutych où il réside et part travailler à la centrale de Tchernobyl. Il y exerce là-bas le métier d'ingénieur en chef.

Arrivé sur place, il est le premier à voir arriver les chars russes et informe les militaires ukrainiens présents sur le site que la prise de la centrale est proche.

"Sur une caméra, je vois un tank arriver", raconte-t-il ce jeudi soir sur BFMTV. Il aperçoit ensuite neuf personnes habillées en noir tentant d'entrer dans la centrale. Le début d'une épreuve qui va alors durer 45 jours.

"J'ai puisé dans mes réserves"

200 employés et 150 personnes en charge de la sécurité sont alors pris en otage par l'armée russe, qui les retient avec d'importants effectifs: 1000 militaires russes sont alors déployés dans et aux alentours de la centrale.

"Ces 25 premiers jours, je n'ai dormi que 3h par nuit en position assise. Je devais être partout à la fois pour assurer la sécurité de la centrale", relate Valery Semenov.

Manque de nourriture, courtes nuits... Les Ukrainiens pris en otage vivent alors dans des conditions spartiates.

"Je ne sais pas trop comment j'ai tenu, mes collègues m'ont beaucoup aidé, j'ai puisé dans mes réserves. Mes 30 années à la centrale m'ont préparé à ce que je viens de vivre", poursuit Valery Semenov. "Je connaissais parfaitement tous les gens sous mes ordres, ce sont presque ma famille. Cela m'a aidé."

La crainte d'une menace nucléaire

Début mars, les otages n’ont plus aucun contact avec l’extérieur: l'armée russe prend leurs téléphones. Le 9 mars, une panne d’électricité paralyse la centrale, le risque nucléaire est réel. Valery Semenov parvient alors à négocier avec l’occupant et raccorde la centrale au réseau électrique biélorusse.

"Aucun des envahisseurs n’a réussi à rentrer dans la pièce de commandement spécial", assure l'ingénieur en chef sur BFMTV. "Aujourd’hui, je ne sais même pas comment c’est possible, ils auraient pu faire un acte de sabotage, mais on les en a empêchés. Je n’aime pas trop me mettre en avant mais c’est moi à chaque fois qui me mettais en travers de leur chemin pour les dissuader d’entrer, je montais la garde."

"La station est aussi sûre qu'avant"

Pendant cette prise d’otage, il y a eu une lueur d’espoir. Deux rotations sont acceptées par l’armée russe, les équipes peuvent alors être remplacées. Valery Semenov refuse, c’est lui qui connaît le mieux la centrale. Fin mars, la centrale est finalement libérée par les forces ukrainiennes. Valery aussi. Il n’y a pas de danger radioactif majeur, mission accomplie.

"Quand ils ont hissé le drapeau (ukrainien), c'était vraiment incroyable, on avait les larmes aux yeux, mais c'est quand ils ont parlé ukrainien via la communication interne que c'était vraiment fou", confie-t-il. "Je n'ai même pas de mots pour décrire ce que j'ai ressenti, je me sentais reboosté psychologiquement."

"La station est aussi sûre qu’avant", poursuit-il. "Seuls quelques éléments techniques ont été endommagés par les Russes. Les équipements eux n’ont pas été touchés. On a tenu grâce au personnel et à la fiabilité des équipements."

La catastrophe a été évitée, un immense soulagement pour Valery: "je me réjouis déjà d'être en vie et maintenant, il faut vaincre l'ennemi et que la paix et l'ordre reviennent en Ukraine".

Nelson Getten avec Hugues Garnier