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Fragile retour au calme place Tahrir

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par Tamim Elyan et Edmund Blair LE CAIRE (Reuters) - Une trêve conclue entre la police antiémeute égyptienne et les manifestants de la place Tahrir a...

par Tamim Elyan et Edmund Blair

LE CAIRE (Reuters) - Une trêve conclue entre la police antiémeute égyptienne et les manifestants de la place Tahrir a permis un fragile retour au calme dans la nuit de mercredi à jeudi au Caire après cinq jours de violences.

Des milliers de protestataires jurent cependant de poursuivre leur occupation de la place tant que l'armée n'aura pas cédé le pouvoir.

Depuis les premiers affrontements entre forces de sécurité et manifestants samedi, au lendemain d'un vaste rassemblement place Tahrir, le bilan s'élève à 39 morts dans le pays, selon un décompte établi par Reuters.

Le Conseil suprême des forces armées (CSFA), qui dirige l'Egypte depuis le renversement du président Hosni Moubarak en février dernier, a présenté ses excuses pour la mort des manifestants et promis des indemnités aux familles des victimes.

Dans un communiqué, le CSFA a affirmé qu'il ferait tout "pour éviter une répétition de ces événements" qui feront, a-t-il dit, rapidement l'objet d'une enquête.

Les manifestants de la place Tahrir, dans le centre de la capitale, ont déclaré que la trêve avait tenu à partir de minuit. A l'aube, aucun incident n'était signalé, pour la première fois depuis cinq jours.

"Depuis minuit ou une heure du matin, il n'y a plus d'affrontements. Nous restons là pour nous assurer que personne ne franchit le cordon de sécurité", a déclaré Mohamed Moustafa, un protestataire de 50 ans qui barre l'accès à la rue menant au siège du ministère de l'Intérieur.

De l'autre côté de la rue, jonchée de verre brisé, de morceaux de béton et d'ordures, deux véhicules blindés de transport de troupes sont positionnés. Selon Mohamed Moustafa, la police est en première ligne, devant les militaires.

Des manifestants ont érigé d'autres barricades pour fermer la rue Mohamed Mahmoud, scène de violentes échauffourées ces derniers jours.

"Nous avons créé un espace nous séparant de la police", explique Mahmoud Adly, 42 ans, qui a rejoint une barrière humaine forte de quatre rangs de manifestants.

INCERTITUDE SUR LES LÉGISLATIVES

La contestation de ces derniers jours reste sans commune mesure avec la mobilisation de l'hiver dernier, où les Egyptiens avaient manifesté par millions et obtenu le départ d'Hosni Moubarak après trente ans de pouvoir.

Mais ce qui avait débuté comme un simple sit-in de protestation avant de virer à l'affrontement a ravivé les souvenirs des journées révolutionnaires et polarisé la société.

A quelques rues de la place Tahrir, des Egyptiens continuent d'aller au travail et s'inquiètent de voir la contestation aggraver une situation économique déjà préoccupante.

Mercredi en fin de soirée, la chaîne Al Djazira a indiqué qu'en raison du climat de violence, le ministre de l'Intérieur avait proposé aux militaires de reporter la première phase des élections législatives qui doit débuter lundi prochain, mais aucune confirmation des propos prêtés à Mansour al Essaoui n'a pu être obtenue dans l'immédiat.

Dans une intervention télévisée, le maréchal Mohamed Hussein Tantaoui, chef du CSFA, avait affirmé mardi soir que le scrutin aurait lieu dans les délais prévus.

"Jusqu'ici, les élections restent d'actualité. Mais cela pourrait changer si la trêve est rompue", a déclaré une source proche des services de sécurité. "Samedi sera le dernier jour pour revenir sur la tenue des élections."

DES TIREURS NON IDENTIFIÉS

Les concessions proposées mardi soir par le maréchal Tantaoui et le CSFA - élection présidentielle avancée de six mois, d'ici juin 2012 au plus tard, nouveau gouvernement de transition et engagement à assurer des élections libres - n'ont pas eu d'effet sur les dizaines de milliers de contestataires qui ont repris la place Tahrir le week-end dernier.

Ils considèrent que ces annonces, fruit d'un accord avec plusieurs groupes politiques, dont les Frères musulmans, sont un piège visant à diviser le mouvement.

"Le conseil militaire doit partir et remettre le pouvoir aux civils", reprend Ahmed Essam, un étudiant de 23 ans qui affirme que les généraux veulent se maintenir à la tête du pays pour ne pas que leur corruption éclate au grand jour.

En avril, un référendum sur les modifications temporaires apportées à la Constitution par l'armée avait remporté 77% d'approbation.

Les généraux bénéficiaient alors encore d'une large popularité pour avoir refusé de combattre les révolutionnaires l'hiver dernier et contribué au renversement de Moubarak.

Mercredi, le haut commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, Navi Pillay, a appelé à une enquête indépendante sur les violences de ces derniers jours.

Les autorités affirment ne pas utiliser de balles réelles contre les manifestants. Mais le ministre de l'Intérieur a déclaré à la télévision que des tireurs non identifiés ouvraient le feu depuis les terrasses d'immeubles entourant Tahrir.

Des manifestants accusent le pouvoir d'avoir recruté des hommes de main pour attiser les violences et discréditer leur mouvement.

Avec Ali Abdel Atti et Yousri Mohamed; Henri-Pierre André, Benjamin Massot et Jean-Stéphane Brosse pour le service français