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Ukraine: des rugbymen devenus soldats combattent les Russes avec des drones

Lorsque la guerre a éclaté, six membres d'une équipe de rugby ukrainienne ont pris les armes pour défendre leur pays. Ils forment à présent une unité spécialisée dans les drones, que BFMTV a pu suivre sur le terrain.

Des coéquipiers devenus frères d'armes. Lorsque la Russie a commencé à envahir l'Ukraine, six membres de l'équipe de rugby de Krivy Rih, dans le sud de l'Ukraine, ont pris les armes pour défendre leur pays et se sont spécialisés dans les opérations de drones. BFMTV a pu les suivre sur l'une des lignes de front les plus actives du Donbass.

L'unité est positionnée à Avdivka, à quelques kilomètres au nord de Donetsk, la capitale du Donbass occupée depuis 2014 par les séparatistes pro-russes. Autour de la ville, le paysage est fait de champs constellés d'impacts d'obus. Le commandant Eugene et son unité de drones jouent leur vie jour et nuit, terrés dans une cave. Leur mission: débusquer des soldats russes et guider l'artillerie.

Trouver des Russes, "ça prend deux minutes, c'est rapide, il y en a beaucoup par ici", plaisante-t-il.

Aussi proche du front, la menace est constante. Sortir de la cave pour lancer un drone ici peut leur coûter la vie. Sorti rapidement pour en déployer un, Eugene est obligé de rebrousser chemin en courant se mettre à l'abri. "Ces bâtards nous attaquent", indique-t-il à ses camarades.

"Ici Rugby, vous m'entendez?"

Une fois la menace passée, l'unité reprend ses opérations et repère des ennemis. Ils utilisent alors un drone lance-grenades qu'ils ont eux-mêmes fabriqué. L'explosif est fixé sous l'appareil télécommandé et prend bientôt de l'altitude. Quelques minutes plus tard, la grenade est lancée.

Le drone lance-grenade fabriqué par l'unité, le 25 mai 2023 à Avdivka.
Le drone lance-grenade fabriqué par l'unité, le 25 mai 2023 à Avdivka. © BFMTV

"Oh yes, on a touché la tranchée! C'est tombé à trois mètres d'un soldat ennemi, on ne l'a sûrement pas tué mais il est gravement blessé", explique Loura, un membre de l'unité. Le soldat contacte alors la Première brigade de tanks, postée dans les parages.

"Ici Rugby, vous m'entendez?", demande-t-il au téléphone. "Oui, on vous entend", lui répond-t-on.

Ce surnom fait écho au passé civil et à celui de cinq autres soldats. Au premier jour de l'invasion russe, ils s'engagent ensemble, en même temps. Tous ont un surnom et des liens intimes parfois difficiles à gérer sur le champ de bataille.

"Quand les combats commencent, c'est dur parce que tu envoies ce genre de personnes à un endroit chaud. C'est dur d'envisager ce qu'il peut se passer", confie le commandant.

Blessé au front, Igor est revenu à Krivy Rih

Au fil des mois, certains des joueurs devenus combattants ont été blessés et ont quitté le reste de l'équipe. C'est le cas d'Igor. Pour BFMTV, il revient pour la première fois depuis le début de la guerre sur la pelouse de son stade de Krivy Rih. "On s'est entraîné et on a joué ici des années, toute l'équipe était là, maintenant elle est presque entièrement sur le front", explique-t-il.

Igor, rugbymen engagé avec plusieurs de ses coéquipiers dans l'armée ukrainienne et blessé au front, sur la pelouse du stade de Kryvy Rih, dans le sud de l'Ukraine, le 19 mai.
Igor, rugbymen engagé avec plusieurs de ses coéquipiers dans l'armée ukrainienne et blessé au front, sur la pelouse du stade de Kryvy Rih, dans le sud de l'Ukraine, le 19 mai. © BFMTV

Igor a reçu des éclats d'obus, une balle dans le bras et perdu un rein. Il marche aujourd'hui avec une béquille, en boitant.

"Pour moi, c'est vraiment difficile à vivre, on s'appelle tous les jours, j'aimerais vraiment les aider mais je ne peux pas à cause de ma santé, et je ne pourrai sans doute plus jamais le faire", partage-t-il encore.

En quittant le terrain de rugby pour rejoindre celui de la guerre, ces hommes ont aussi perdu un des leurs. Genya, 30 ans, est mort au combat en décembre dernier.

Juan Palencia, Jérémie Paire, Maksim Zaitsev