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Ukraine: un accord et ensuite?

Sur les barricades de la place Maïdan, le 21 février, jour de l'accord entre l'opposition et la présidence ukrainienne.

Sur les barricades de la place Maïdan, le 21 février, jour de l'accord entre l'opposition et la présidence ukrainienne. - -

Pouvoir et opposition sont parvenus à un accord de sortie de crise, ce vendredi, à Kiev, sous l'égide de représentants de l'Union européenne.

L'accord sera-t-il suffisant? Vendredi après-midi, les représentants de l'opposition ont signé un accord de sortie de crise avec le président ukrainien Viktor Ianoukovitch, dans le cadre d'une médiation européenne qui a mené d'intenses négociations diplomatiques entre les deux parties. Cet accord intervient après plusieurs jours d'affrontements meurtriers entre opposants et forces de l'ordre, qui se sont soldés par un bain de sang jeudi, où au moins 100 personnes ont trouvé la mort. Entamé en novembre dernier, le conflit pourrait donc, avec cet accord, toucher à sa fin. Que contient ce texte? Peut-il véritablement mettre un terme à la crise? BFMTV.com fait le point.

> Que dit l'accord?

Négocié en moins de deux jours, le texte a été signé par le président ukrainien Viktor Ianoukovitch et les trois principaux leaders de l'opposition, Vitali Klitschko, Arseni Iatseniouk et Oleg Tiagnibok, ainsi que par les ministres des Affaires étrangères allemand et polonais.

• Réforme constitutionnelle et élections anticipées. L'accord prévoit d'importantes concessions du pouvoir, parmi lesquelles une réforme de la Constitution d'ici septembre 2014, qui doit notamment rééquilibrer la répartition des pouvoirs entre le président, le gouvernement et le Parlement. Des élections présidentielles anticipées se tiendront lorsque la nouvelle Constitution aura été adoptée, au plus tard en décembre 2014. De nouvelles lois électorales seront définies à cette occasion.

L'opposant Vitali Klitschko et le président Viktor Ianoukovitch se serrent la main après la signature de l'accord, à Kiev, le 21 février.
L'opposant Vitali Klitschko et le président Viktor Ianoukovitch se serrent la main après la signature de l'accord, à Kiev, le 21 février. © -

• Retour à la Constitution de 2004. L'accord prévoit également d'importants effets à très court terme, comme la restauration de la Constitution de 2004, qui donnait moins de pouvoirs au président que l'actuelle, dans les 48 heures après la signature de l'accord. Un gouvernement de coalition nationale devra être créé dans un délai de dix jours suivant la restauration de l'ancienne Constitution. Vendredi après-midi, le Parlement s'est largement prononcé pour ce retour au texte de 2004 et a aussi voté, à la surprise générale, une loi ouvrant la voie à la libération de l'opposante Ioulia Timochenko.

• Des mesures liées aux violences. Par ailleurs, l'opposition et le pouvoir se sont engagés sur un certain nombre de mesures directement liées aux violences qui ont secoué les rues de Kiev pendant trois mois, telles que la fin de l'utilisation de la violence par les deux parties, la non-instauration d'un état d'urgence par les autorités, l'adoption d'une nouvelle loi d'amnistie par le Parlement, le retour à la normale dans les villes concernées par les affrontements et la remise des armes détenues illégalement au ministère de l'Intérieur. Enfin, le gouvernement ne pourra mobiliser les forces de l'ordre que dans le cadre de la protection des bâtiments publics. Des enquêtes sur les violences meurtrières de ces derniers jours doivent également être menées, sous le contrôle conjoint des autorités ukrainiennes, de l'opposition et du Conseil de l'Europe.

> La communauté internationale prudente

Aussitôt après sa signature, les représentants occidentaux ont salué cet accord de sortie de crise, mais l'ont accueilli avec prudence, appelant à sa mise en oeuvre rapide. "Après les violences inacceptables, insupportables, injustifiables, qui ont endeuillé l'Ukraine au cours des derniers jours, le président de la République appelle à la mise en oeuvre dans son intégralité et dans les meilleurs délais de l'accord qui vient d'être signé", a ainsi fait savoir l'Elysée, dans un communiqué.

Même son de cloche outre-Atlantique, où la Maison Blanche a indiqué que les Etats-Unis "surveilleraient de près" l'application du texte de compromis. De son côté, l'Union européenne, qui a annoncé des sanctions à l'égard des dirigeants européens jeudi, a appelé le pouvoir ukrainien et l'opposition à "passer des paroles aux actes".

> A Kiev, les manifestants mitigés

Des manifestants attendent sur la place Maïdan, vendredi 21 février.
Des manifestants attendent sur la place Maïdan, vendredi 21 février. © -

Sur la place Maïdan de Kiev, épicentre des affrontements depuis le début de la révolte de l'opposition, l'annonce a été accueillie avec prudence par les manifestants, ce vendredi après-midi, beaucoup considérant cet accord comme tardif et insuffisant de la part du président. "Personnellement je ne fais pas confiance à Ianoukovitch. Cela fait un an qu'il nous dit ça. Personne ne le croit", a ainsi expliqué un opposant, mobilisé sur la fameuse place. "Nous ne sommes pas satisfaits. Cet accord aurait été suffisant la semaine dernière, mais aujourd'hui, avec tout le sang qui a coulé, il devrait démissionner et aller en prison, pas autre chose", a ajouté une autre manifestante.

La signature de ce compromis ne laisse en effet en rien présager une fin immédiate de la mobilisation sur Maïdan, où l'une des revendications phares des opposants reste le départ pur et simple de Viktor Ianoukovitch, désormais perçu comme un "criminel" après la violente répression des derniers jours. "Pour les Ukrainiens, les mesures de l'accord ne sont pas suffisantes, ils veulent sa démission. Ses mains sont tâchées de sang, il doit payer pour ce qu'il a fait", a ainsi justifié Olga Rechotko, professeur d'université à Kiev, sur BFMTV.

Bien que la tension ait baissé d'un cran, dans les rues de Kiev, des dizaines de milliers de personnes continuaient d'occuper la place de l'Indépendance, vendredi.

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Adrienne Sigel et avec AFP