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Ukraine: "nous ne sommes pas encore à la veille d'une guerre"

Près de Simferopol, en Crimée, des soldats lourdement armés bloquent dimanche l'accès à une frontière ukrainienne.

Près de Simferopol, en Crimée, des soldats lourdement armés bloquent dimanche l'accès à une frontière ukrainienne. - -

DECRYPTAGE. Samedi, Vladimir Poutine a obtenu du Sénat russe l'autorisation d'une intervention armée en Ukraine, officiellement pour protéger la population pro-russe de Crimée, péninsule du Sud de l'Ukraine. De son côté, Kiev a décrété l'état d'alerte. Se dirige-t-on vers une guerre?

Ce week-end, la tension est montée d'un cran en Ukraine, où des soldats lourdement armés, russes selon de nombreuses sources, ont été déployés en Crimée. Alors que Vladimir Poutine a obtenu du Sénat russe l’autorisation d’une intervention armée en Ukraine, et Kiev a décrété l’état d’alerte. Se dirige-t-on vers une guerre en Ukraine?

Entretien avec le Général Vincent Desportes, ex-Directeur de l'Ecole de guerre.

Le Premier ministre ukrainien parle de déclaration de guerre, et prépare son armée. Une guerre est-elle possible?

"N'allons pas trop vite. Nous sommes au début d'une crise. Il est parfaitement normal que le Premier ministre ukrainien fasse monter la tension, appelle l'Occident à son secours, et dramatise. Nous ne sommes pas encore à la veille d'une guerre. En revanche, on ne sait jamais comment les crises évoluent, il faut être extrêmement attentif. Il faut calmer les choses.

Maintenant, est-ce qu'une guerre est possible ? Non. Une bataille, peut-être. C’est-à-dire un affrontement armé brutal pour se saisir, par exemple, de la part des Russes de l'isthme qui raccroche la Crimée à la Russie. Mais on ne peut pas envisager une grande guerre, avec des chars qui débarquent. Cela ne se passera pas comme cela."

Quel est le poids militaire de l'Ukraine face à la Russie?

"C'est le pot de terre contre le pot de fer. L'armée russe est beaucoup plus importante en volume que l'armée ukrainienne. C'est un rapport de 1 à 10 environ. En termes d'équipement, également, c'est très différent. Vladimir Poutine est en train de reconstruire son armée, de la réarmer. Les budgets militaires russes ont crû de 25% en 2013. Nous voyons bien que Poutine compte sur son armée pour pousser sa politique d'évolution vers une grande puissance qui compte dans le monde. Donc, un coup de force, peut-être , mais pas une grande bataille".

Mais pourtant, des blindés ont été déployés en Crimée, plusieurs sources le confirment. Quelle est la stratégie de Vladimir Poutine? Il place ses pions, et ensuite, il va temporiser?

"Ce qui est sûr, c'est que Vladimir Poutine est un stratège. C’est-à-dire qu'il a véritablement une vision de la Russie. On l'a vu jouer particulièrement en Géorgie: il a avancé ses pions, et il a gagné. On l'a vu en Syrie, où il a finalement dominé le jeu international, fait arrêter l'action qui était tout-à-fait possible des Américains, des Français. Là encore, c'est un joueur d'échecs, et il est en train d'avancer ses pions. Va-t-il pousser immédiatement son cheval pour gagner? Cela n'est pas sûr.

Mais n'oublions pas, tout de même, que les accords internationaux prévoient que les Russes peuvent avoir jusqu'à 25.000 hommes en Crimée. Je crois qu'ils en ont environ 15.000. Donc ils peuvent encore augmenter leurs forces de 10.000 hommes."

Que peut faire l'OTAN? Quel rôle peut-elle jouer?

"L'OTAN a bien raison de se réunir et de dire: 'Nous existons!'. C'est un bras de fer, il faut que chacun montre qu'il existe. Maintenant, il faut rappeler que l'Ukraine ne fait pas partie de l'OTAN. Si l'Ukraine était attaquée par la Russie, l'OTAN n'aurait pas à intervenir.

Que les Européens se réunissent demain, que l'OTAN se réunisse aujourd'hui, tout cela est parfaitement normal. Nous ne pouvons pas ne rien faire. Plus la communauté internationale dans son ensemble sera ferme, moins Vladimir Poutine continuera à avancer ses pions".

La Russie est présente en Crimée depuis très longtemps. En quoi est-elle une zone stratégique pour les Russes?

"La Russie n'est pas présente en Crimée depuis si longtemps. C'est Catherine II qui a conquis la Crimée à la fin du XVIIIème siècle. Ensuite, je rappelle que la Crimée était une partie du territoire russe jusqu'en 1954 -il y a 60 ans, ce qui n'est pas si vieux que cela- lorsque Nikita Khrouchtchev a donné la Crimée à l'Ukraine. Donc, nous voyons bien qu'il y a des liens très forts entre la Crimée et l'Ukraine. Maintenant, y-a-t-il des intérêts stratégiques? Evidemment. La Crimée offre le seul port vers la mer chaude".

C.P.