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Ukraine: mais quelle est la stratégie de Vladimir Poutine?

Le président russe Vladimir Poutine, ce lundi 3 mars, avec l'un des principaux chefs de son armée, Ivan Buvaltsev, pendant un exercice militaire dans la région de Leningrad.

Le président russe Vladimir Poutine, ce lundi 3 mars, avec l'un des principaux chefs de son armée, Ivan Buvaltsev, pendant un exercice militaire dans la région de Leningrad. - -

En intervenant militairement en Crimée, le président russe s'est attiré les foudres de la communauté internationale. Mais Vladimir Poutine ne semble pas bluffer.

En ordonnant à ses troupes d'investir la Crimée, cette péninsule russophone du sud de l'Ukraine, Vladimir Poutine joue gros. En l'espace d'un week-end, le président russe s'est attiré les foudres et les menaces de la plupart des dirigeants occidentaux. Mais pour Moscou, il s'agit de ne pas perdre le contrôle sur l'Ukraine, désormais dans le giron des pro-Européens depuis la chute, il y a dix jours, du président Viktor Ianoukovitch. Et, selon des experts, Vladimir Poutine est on ne peut plus déterminé.

> La Russie s'estime dans son droit

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Dimanche, le secrétaire d'Etat John Kerry a dénoncé "l'occupation" de la Crimée par la Russie. Mais cette "occupation", Vladimir Poutine, lui, ne la perçoit pas comme telle. "Pour Moscou, le gouvernement de Viktor Ianoukovitch était légitime, et ceux qui l'ont chassé ont réalisé un coup d'Etat. En soutenant Ianoukovitch, la Russie s'estime donc le seul pays qui agit aujourd'hui dans le champ légal", indique Tatiana Kastouéva-Jean, chercheuse à l'Ifri et spécialiste de la Russie, jointe par BFMTV.com. "Par rapport aux autres, sa logique est inversée."

D'autant qu'une loi de défense russe permet à la Russie de défendre ses compatriotes à l'étranger – or beaucoup d’habitants de Crimée (cf carte) ont un passeport russe.

> Un avertissement aux anti-Russes

Il y a dix jours, le président Viktor Ianoukovitch, réputé proche de Moscou, a été chassé du pouvoir par une contestation à majorité pro-européenne, mais pas seulement: parmi eux se trouvent aussi les ultra-nationalistes de Svoboda et de Praviy Sektor. Au fond, ce qui rejoint les éléments de la contestation, c'est leur vision anti-russe.

Pour Philippe Migault, directeur de recherche à l'Iris, spécialiste des questions militaires et de la Russie, Vladimir Poutine a donc "voulu envoyer un avertissement au nouveau pouvoir ukrainien: qu'on ne dirige pas l'Ukraine sans consulter la Russie".

Car il s'agit coûte que coûte, pour le président russe, de garder l'Ukraine dans son giron. "Ce qu'on cherche à éviter à tout prix, c'est que l'Ukraine bascule totalement dans le camp occidental, c'est maintenir les intérêts russes sur ce pays", indique Tatiana Kastouéva-Jean.

> Pas de peur des sanctions occidentales

En ligne de mire notamment: les ultra-nationalistes, dont les milices continuent de "maintenir l'ordre" dans les rues. Pour Philippe Migault, joint par BFMTV.com, tant que ces milices continueront de s'agiter, "la Russie réagira", et Vladimir Poutine ira "jusqu'où iront les autres". Face à cette menace, le président russe peut compter sur l'"inquiétude" des Ukrainiens russophones, majoritaires dans l'Est et dans le Sud du pays - des régions où "les drapeaux russes fleurissent sur les hôtels de ville".

Pas de coup de bluff, donc. Et pas de peur des menaces occidentales: "les sanctions jusque-là avancées par les Occidentaux ne sont pas suffisamment sérieuses pour faire reculer Poutine pour le moment", estime Philippe Migault. "Une interdiction de G8, et après?... Des sanctions économiques? Boeing et Airbus ont besoin de contrats avec la Russie. Et les Européens ne peuvent pas se passer du gaz russe." D'autant que la Russie a d'autres partenaires, Brésil, Inde et Chine en tête.

> Un précédent, l'Ossétie du Sud

Et puis Moscou a déjà par le passé, démontré par la force sa volonté de garder dans son giron une influence sur ses provinces "historiques" issues de l'URSS. En août 2008, la Russie avait ainsi soutenu militairement les milices séparatistes d'Ossétie du Sud et d'Abkhazie, deux régions autonomes à l'intérieur de la Géorgie. A l'issue de quelques jours de conflit, elle avait reconnu deux Républiques indépendantes.

Harold Hyman, spécialiste des questions géopolitiques à BFMTV, rappelait samedi la similarité de la méthode et du discours employés à l'époque: "Moscou avait distribué beaucoup de passeports russes en Ossétie du Sud et en Abkhazie, prétexte pour Dmitri Medvedev [le président de l’époque] à intervenir".

Mathilde Tournier