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Ukraine: Ioulia Timochenko, l'icône ambitieuse à la part d'ombre

Ioulia Timochenko lors d'une conférence de presse à Kiev, en février 2012.

Ioulia Timochenko lors d'une conférence de presse à Kiev, en février 2012. - -

PORTRAIT - En plein renversement politique en Ukraine, l'opposante et ancienne chef du gouvernement Ioulia Timochenko a été libérée, samedi, après plus de deux ans de prison. L'occasion, pour cette ambitieuse à la poigne de fer, de se relancer dans l'arène politique nationale.

Ioulia Timochenko de retour sur le devant de la scène politique? Fervente opposante au président déchu Viktor Ianoukovitch, celle qui fut Premier ministre en 2005 puis entre 2007 et 2010 a été libérée avant l'heure, samedi, après plus de deux ans passés en prison pour abus de pouvoir, et ce alors que le chef de l'Etat venait d'être destitué par le Parlement. Mais son retour inattendu laisse les Ukrainiens mitigés. Qui est-elle? Peut-elle reprendre les rênes du pays? Portrait.

"Notre seul espoir"

Ioulia Timochenko s'adresse à la foule place Maïdan, à Kiev, le 22 février 2014.
Ioulia Timochenko s'adresse à la foule place Maïdan, à Kiev, le 22 février 2014. © -

Dans la foulée de sa libération, Ioulia Timochenko s'est rendue dans le centre de Kiev pour rendre hommage aux "héros" de la place de l'Indépendance. "Vous êtes des héros, vous êtes les meilleurs d'Ukraine! C'est votre victoire. Aucun homme politique, aucun diplomate n’aurait pu faire ce vous avez fait. Vous avez battu le cancer de ce pays", a-t-elle ainsi lancé à la foule, depuis l'estrade érigée sur la fameuse place, assise dans un fauteuil roulant. Et l'opposante d'appeler les manifestants à "finir le travail".

Un retour glorieux et anticipé, qui a réjoui certains Ukrainiens. "Ioulia Timochenko est notre seul espoir. Cette femme revient de l'enfer avec ce que ses ennemis lui ont fait subir. On espère seulement qu'elle dirigera notre pays", a ainsi expliqué Valentina, une habitante de Kiev interrogée par BFMTV.

Fervente opposante au régime Ianoukovitch

Car malgré son enfermement, Ioulia Timochenko n'a pas cessé d'exister sur la scène politique ukrainienne. Depuis l'éclatement de la crise, fin novembre, elle est même apparue comme l'opposante la plus radicale à Viktor Ianoukovitch, l'accusant, depuis sa cellule de Kharkiv, de transformer le pays en régime totalitaire. Après la journée sanglante de jeudi, au cours de laquelle des policiers ont tiré à balles réelles sur les manifestants, Timochenko avait appelé à sa mise à l'écart.

Désormais de retour, l'ancienne chef du gouvernement à la tresse blonde emblématique devrait sans doute tenter de reprendre sa place dans le jeu politique, et ce en commençant par écarter les leaders de l'opposition qui se sont illustrés en trois mois de contestation: Vitali Klitschko, Arseni Iatseniouk et Oleg Tiagnibok. Timochenko n'en serait pas à son premier coup de force.

Bilan contesté et abus de pouvoir

Timochenko en 2004, avec le candidat Viktor Iouchtchenko.
Timochenko en 2004, avec le candidat Viktor Iouchtchenko. © -

En 2004, elle avait en effet incarné la Révolution orange contre l'élection frauduleuse du Premier ministre d'alors, un certain Viktor Ianoukovitch. Ce mouvement protestataire avait amené à l'annulation du scrutin et la tenue d'un nouveau vote, permettant la victoire du candidat soutenu par les Occidentaux, Viktor Iouchtchenko. Grâce à cette élection, Timochenko avait pu accéder à deux reprises au poste de Premier ministre, laissant toutefois derrière elle un bilan contesté.

Ses mandats ont été marqués par des divisions internes et une certaine paralysie politique due à la personnalité même de Timochenko. Alors que la présidentielle de 2010 marque l'arrivée au sommet de l'Etat de son ennemi Viktor Ianoukovitch, Ioulia Timochenko se retrouve empêtrée dans des ennuis judiciaires, qui dévoilent la part d'ombre de celle qui avait été érigée en figure de l'opposition pro-européenne.

Ioulia Timochenko depuis la fenêtre de sa cellule, à Kiev, en novembre 2011.
Ioulia Timochenko depuis la fenêtre de sa cellule, à Kiev, en novembre 2011. © -

Accusée d'abus de pouvoir lors de la signature d'un contrat gazier avec la Russie (avec qui elle entretenait de bonnes relations), lorsqu'elle était Premier ministre, elle est condamnée en octobre 2011 à sept ans de prison ferme, et dénonce un complot visant à l'écarter du pouvoir. En prison, elle se dit victime de violences et entame une grève de la faim de trois semaines, en 2012. Son incarcération et ses conditions de détention deviennent un enjeu majeur dans les relations entre Ukraine-Union européenne, qui demande sa libération à plusieurs reprises. De son côté, Vladimir Poutine propose à Timochenko, souffrant d'une hernie discale, de venir se faire soigner en Russie.

Une "politicienne" impopulaire

Mais le retour sur scène de celle qui semble désormais la mieux placée pour incarner l'opposition ne fait pas l'unanimité. Restée impopulaire depuis son dernier mandat, Timochenko, 53 ans, est considérée par beaucoup d'Ukrainiens comme une pure politicienne, aussi corrompue que Ianoukovitch. Elle n'est donc pas particulièrement espérée pour gouverner le pays. Par ailleurs, certains manifestants souhaitent désormais un vrai renouvellement de la classe politique. "Nous ne voulons aucun membre des anciens gouvernements. Nous voulons de nouvelles personnes, de nouveaux visages qui peuvent vraiment changer la situation dans notre pays, apporter de nouvelles idées et changer tout le système", a ainsi confié un manifestant de Maïdan à BFMTV.

Quelques heures après sa libération et alors que des élections anticipées doivent être organisées d'ici quelques mois, Ioulia Timochenko a en tout cas assuré, dimanche, n'être pas intéressée par le poste de Premier ministre. Pour mieux briguer la présidence?

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Adrienne Sigel