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Vote limitant l'immigration en Suisse: ce qui va changer

Une personne passe devant une affiche contre "l'immigration de masse", à Zurich.

Une personne passe devant une affiche contre "l'immigration de masse", à Zurich. - -

Les Suisses se sont prononcés dimanche en faveur d'une limitation de l'immigration au sein de leur pays, remettant ainsi en cause l'accord de libre-circulation avec l'Union européenne. BFMTV.com décrypte ce séisme politique.

Ils ont dit "oui", à 50,3%. Dimanche, à la surprise générale, une majorité de Suisses se sont prononcés en faveur d'une limitation de l'immigration dans leur pays, prenant le risque d'envenimer les relations avec l'Union européenne.

Petit pays alpin peuplé de huit millions d'habitants au coeur d'une Europe en crise, la Suisse, avec son insolente bonne santé économique, est considérée comme un Eldorado par de nombreux Européens à la recherche d'un emploi. Ainsi, ils sont près de 80.000 à s'y installer tous les ans, soit l'équivalent d'une ville moyenne. Bien loin des 8.000 nouveaux arrivants par an envisagés par les autorités au moment de l'entrée en vigueur de la libre-circulation, qui s'est faite progressivement depuis 2002. BFMTV.com fait le point sur ce séisme politique en Europe.

> Pourquoi ce référendum a-t-il eu lieu?

Il existe dans le système politique suisse une procédure citoyenne qui permet aux habitants d'organiser un référendum, appelé "initiative populaire", pour modifier la Constitution, à la condition de collecter un nombre nécessaire de signatures.

Cette fois-ci, c'est l'Union démocratique du Centre, parti helvète classé très à droite malgré son nom, qui en est à l'origine. Ce groupe politique s'était déjà fait remarquer en novembre 2009 en lançant une initiative populaire interdisant la construction de minarets, monuments de culte musulmans. Le peuple avait voté en faveur de cette proposition à 57,5%.

> Qu'est-ce-qui va changer?

Les conséquences de ce vote sont encore difficiles à évaluer, et les moyens de mise en oeuvre du texte restent à discuter, mais le gouvernement suisse, pourtant hostile à ce résultat, a assuré qu'il allait l'appliquer "rapidement et de manière conséquente", a confirmé dimanche la ministre suisse de la justice Simonetta Sommaruga.

Les "citoyens suisses ont accepté l'initiative populaire "contre l'immigration de masse" et se sont donc prononcés pour un changement de système dans la politique suisse d'immigration". Le texte "prévoit de limiter l'immigration par des plafonds et des contingents, et le Conseil fédéral va engager sans délai les travaux pour mettre en oeuvre la décision du peuple", a indiqué la ministre.

Concrètement, le texte prévoit le rétablissement de quotas et de contingents annuels de travailleurs étrangers, y compris européens, en fonction des besoins du pays, et précise que "ces plafonds doivent inclure les frontaliers".

> Qui sont les immigrés en Suisse?

En 2013, les étrangers représentaient 23,5% de la population helvète, soit 1,88 million de personnes. Les Italiens et les Allemands sont les plus nombreux, avec respectivement 291.000 et 284.200 ressortissants.

Ils sont suivis par les Portugais (237.000) et les Français (104.000). A titre d'exemple, l'an dernier, la population du canton de Neuchâtel a progressé de 10%, une hausse due à une arrivée massive de ressortissants portugais.

A ces étrangers, il faut ajouter, selon l'UDC, parti populiste à l'origine du référendum, les frontaliers qui sont dans la région de l'Arc Lémanique, autour du lac Léman, quelque 113.000, dans le Tessin 60.000, tout comme dans la région de Bâle.

> Faut-il s'en inquiéter?

Invitée du Soir BFM, la députée UMP Valérie Pécresse n'a pas caché son inquiétude. "C'est très étonnant de la part de la Suisse, dont on connaît la tradition d'accueil de travailleurs étrangers. On perçoit donc derrière ce vote un raidissement identitaire de tous les peuples européens."

D'ailleurs, plusieurs partis populistes ou d'extrême droite en Europe ont rapidement fait part de leur satisfaction. En France, le Front national a salué "la lucidité du peuple suisse". En Autriche, le dirigeant du parti d'extrême droite FPÖ Heinz Christian Strache, a, quant à lui, parlé d'un "grand succès".

Mais pour le président du comité de défense des travailleurs frontaliers du Haut-Rhin, Jean-Luc Johaneck, il faut dédramatiser ces résultats. L'homme estime que le pays peut difficilement se passer des travailleurs étrangers, notamment pour leurs compétences "très spécifiques" dans les secteurs de la recherche, de l'artisanat, du BTP ou du tourisme. "Entre un référendum et l'application de mesures, il y a un monde."

> Comment va réagir l'Union européenne?

Les répercussions sont loin d'être anodines. Ainsi, tous les accords économiques bilatéraux entre l'UE et la Suisse qui s'appuient sur la libre-circulation, remise en cause par ce vote, se retrouvent automatiquement caduques.

Economiquement, c'est un coup dur pour le gouvernement helvète, qui avait appelé, avec l'appui du patronat, à voter "non" à ce référendum, mais qui n'a pas été entendu par une -courte- majorité du peuple.

La Commission européenne, elle, a "regretté" dimanche ce vote et a averti qu'elle "examinerait les implications de cette initiative sur l'ensemble des relations entre l'UE et la Suisse". Cette remise en cause pourrait s'étendre à de nombreux autres accords signés entre la Suisse et l'UE, concernant aussi bien l'agriculture que les transports ou encore la recherche.

Alexandra Gonzalez