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Réfugiés: l'Allemagne a-t-elle le droit de suspendre Schengen?

Un panneau signalant des contrôles de police, à la frontière germano-autrichienne, le 13 septembre 2015.

Un panneau signalant des contrôles de police, à la frontière germano-autrichienne, le 13 septembre 2015. - Stefan Puchner - AFP

Face à l'afflux de réfugiés dans le sud de l'Allemagne, Berlin a annoncé, dimanche, le rétablissement "provisoire" des contrôles à ses frontières, et la suspension de facto des accords de Schengen. Une telle mesure est-elle possible? Y a-t-il eu des précédents? BFMTV.com fait le point.

Débordée par l'afflux record de réfugiés à ses frontières, l'Allemagne a fait volte-face, dimanche. Alors que 63.000 migrants sont arrivés à Munich, dans le sud du pays, en l'espace de 15 jours, et 13.000 au cours de la seule journée de samedi, le pays a décidé de rétablir les contrôles à ses frontières, notamment avec l'Autriche, dimanche, suspendant ainsi les modalités de l'accord de Schengen sur la libre circulation. Bien que la mesure soit annoncée comme "provisoire", Berlin avait-elle le droit, au regard de la législation européenne, de prendre cette décision? Eléments de réponse.

Une mesure exceptionnelle, pour préserver la sécurité nationale

Signé en juin 1985, entré en application le 26 mars 1995, l'accord de Schengen prévoit la libre circulation des biens et des personnes, ce qui implique l'élimination des contrôles frontaliers entre les pays signataires, chargés par ailleurs de renforcer la surveillance des frontières extérieures à l'espace Schengen, qui compte actuellement 26 Etats membres.

Mais les textes autorisent effectivement la suspension exceptionnelle de ces règles. L'article 2 de la Convention d'application de l'accord de Schengen prévoit ainsi dans son deuxième paragraphe le rétablissement de contrôles aux frontières internes, en cas de nécessité.

"Lorsque l'ordre public ou la sécurité nationale l'exigent, une Partie Contractante peut, après consultation des autres Parties Contractantes, décider que, durant une période limitée, des contrôles frontaliers nationaux adaptés à la situation seront effectués aux frontières intérieures. Si l'ordre public ou la sécurité nationale exigent une action immédiate, la Partie Contractante concernée prend les mesures nécessaires et en informe le plus rapidement possible les autres Parties contractantes", dit le texte, consultable sur le site officiel de l'Union européenne.

Autrement dit, les contrôles temporaires peuvent être rétablis lorsqu'une menace pour sa sécurité ou des défaillances aux frontières extérieures planent sur un Etat membre. C'est donc cet article 2 que Berlin a choisi de mettre en application, dimanche. Une mesure concrète et immédiate, puisque plusieurs centaines de policiers ont été déployés le long de la frontière avec l'Autriche, dans la soirée.

Par ailleurs, une autre clause de sauvegarde est prévue dans le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), pour ce genre de situation. Le paragraphe 3 de l'article 78 du texte prévoit ainsi: "Au cas où un ou plusieurs Etats membres se trouvent dans une situation d'urgence caractérisée par un afflux soudain de ressortissants de pays tiers, le Conseil, sur proposition de la Commission, peut adopter des mesures provisoires au profit du ou des Etats membres concernés. Il statue après consultation du Parlement européen".

Quelques précédents en France

En France, les accords de Schengen ont déjà été suspendus à quelques reprises. La première fois remonte à 1995, alors que le pays fait face à une vague d'attentats sur son sol.

L'autre application date de 2011, en plein "printemps arabe". Paris avait alors décidé de rétablir des contrôles aux frontières françaises face à l'afflux de milliers de migrants en provenance de Tunisie et de Libye sur les côtes italiennes, auxquels Rome avait délivré des titres de séjour temporaires.

Cette mesure prise par l'Italie de Silvio Berlusconi, qui ouvrait ainsi les portes de tout l'espace Schengen aux migrants en provenance d'Afrique du Nord, avait provoqué de vives tensions entre Paris et Rome.