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Tortures, disparitions... Qui est Ramzan Kadyrov, l'homme de main tchétchène de Vladimir Poutine?

Ramzan Kadyrov, 45 ans, dirige depuis 15 ans la République de Tchétchènie, rattachée à la Fédération de Russie. Promu par la volonté de Vladimir Poutine, il agit comme son homme de main sur le théâtre international et s'est ainsi mis en scène dans la guerre contre l'Ukraine.

Un cessez-le-feu entre envahisseurs russes et défenseurs locaux doit entrer en vigueur ce jeudi matin à Marioupol, dans l'est de l'Ukraine, dans le but d'en évacuer les civils. Des préoccupations humanitaires qui étaient sans doute à mille lieux de l'esprit de Ramzan Kadyrov lorsqu'il s'est rendu dans la ville-martyre lundi.

Sur des images captées dans un objectif évident de propagande, diffusées par un média pro-russe, et que les organes de presse internationaux n'ont pu authentifier, on voit notamment le dictateur tchétchène s'entretenir avec des officiers. Il demande ainsi à l'un d'entre eux:

"Comment puis-je aider votre unité?" 

"Si vous pouviez nous aider en nous apportant de l'équipement militaire, on serait heureux. Les gars sont usés", rétorque l'autre comme dans une saynète d'un théâtre sinistre. 

Kadyrov et ses "kadyrovski"

Ramzan Kadyrov, aujourd'hui âgé de 45 ans, dirige la République de Tchétchènie depuis le 2 mars 2007. Et il n'aime rien tant que s'afficher avec ses troupes, des soldats dévoués à lui corps et âmes au point qu'ils ont hérité du surnom de "Kadyrovski". Ce sont eux que l'autocrate du Caucase harangue sur une place noire de miliciens de Grozny dans un autre film de propagande, eux qu'il a envoyés en soutien des Russes en Ukraine, eux encore qu'il fait participer à toutes les interventions dans lesquels le Kremlin a besoin d'être secondé.

"Ils ont toujours eu un rôle dans les opérations extérieures de la Russie, dernièrement en Syrie où ils ont fait office de police militaire. En tout cas, ce sont des troupes de choc", pose devant notre caméra le journaliste de France 24, Wassim Nasr, connu pour ses analyses de la guerre en Syrie.

Le choix de son maître

Il faut dire que Ramzan Kadyrov sait ce qu'il doit à son maître. Certes, avant de parvenir à la fonction suprême dans sa contrée, il en était déjà le Premier ministre. Certes, son père, Akhmad, a lui-même tenu les rênes du pays avant d'être assassiné en 2004. Toutefois, c'est bien par la volonté exclusive de Vladimir Poutine que son ascension politique s'est opérée.

Signe de cette inféodation: Ramzan Kadyrov ne porte pas le titre de président de la Tchétchènie, mais de "chef" de cette république, partie intégrante (ou plutôt intégrée) de la Fédération de Russie. Car, au fond, il ne saurait y avoir qu'un seul président et celui-ci vit à Moscou, à près de 2000 kilomètres de Grozny.

La nomination de Ramzan Kadyrov par Vladimir Poutine - pour le récompenser d'avoir choisi la Russie lors de la seconde guerre de Tchétchènie - s'est déroulée dans les bureaux mêmes du second. Et elle a été filmée. On y aperçoit un Ramzan Kadyrov de 30 ans, dont la barbe courte contraste fortement avec la longue toison de son âge mûr, tête baissée, visiblement intimidé. Lors de son intronisation au pays, où le Parlement tchétchène lui a accordé son investiture dans un vote de pure forme, il fixe alors sa feuille de route.

"Je voudrais remercier tous mes soutiens. Je vous remercie, grâce à votre confiance, en m'accordant cette mission, nous servirons la Russie."

Un tyran féroce

Et ce séide de Vladimir Poutine a jusqu'ici tenu parole. Au moins, il n'a pas eu affaire à un ingrat. Le Kremlin a ainsi permis de financer les grands travaux que Ramzan Kadyrov a lancés dans sa capitale de Grozny.

Mais outre ses fonctions d'auxiliaire de la Fédération de Russie sur le front, outre ses prétentions de bâtisseur, Ramzan Kadyrov s'entoure surtout d'une effroyable réputation de tyran. Tortures, disparitions: l'opposition locale est durement réprimée. La communauté LGBT fait également partie des premières victimes du régime. Interrogé sur le sort des homosexuels dans son pays par un journaliste étranger lors d'une interview télévisée, Ramzan Kadyrov part d'abord dans un grand rire.

"Maintenant on sait pourquoi il est venu ici. Et où il veut en venir avec ses questions". Il change soudaine d'expression. Sa figure se figeant, il poursuit: "C'est absurde. Nous n'avons pas de telles personnes ici. S'il y en a, emmenez-les au Canada. Loué soit Dieu, emmenez-les loin de nous. Pour purifier notre sang, s'il y en a, emmenez-les loin de nous."

Ces exactions ont largement marginalisé Ramzan Kadyrov devant la communauté internationale. Il n'en paraît pas moins indéboulonnable chez lui. Du moins tant que Vladimir Poutine sera là pour l'appuyer.

Floriane Soyer et Yves Couant avec Robin Verner