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Paris et Berlin mettent Athènes au pied du mur

Nicolas Sarkozy à Cannes où doit s'ouvrir un sommet du G20. La France et l'Allemagne ont sommé mercredi la Grèce de dire d'ici la mi-décembre si elle entend rester ou non dans la zone euro à l'occasion du référendum envisagé sur le plan de sauvetage finan

Nicolas Sarkozy à Cannes où doit s'ouvrir un sommet du G20. La France et l'Allemagne ont sommé mercredi la Grèce de dire d'ici la mi-décembre si elle entend rester ou non dans la zone euro à l'occasion du référendum envisagé sur le plan de sauvetage finan - -

La France et l'Allemagne ont sommé ce mercredi la Grèce de dire d'ici la mi-décembre si elle entend rester ou non dans la zone euro à l'occasion du référendum envisagé sur le plan de sauvetage financier du pays.

Le président français et la chancelière allemande, chevilles ouvrières du plan de 130 milliards d'euros âprement négocié la semaine dernière à Bruxelles, ont convoqué le Premier ministre grec à Cannes, où doit s'ouvrir un sommet du G20, afin de lui demander de mettre en oeuvre rapidement un accord compromis par le projet référendaire.

"Cette annonce a surpris toute l'Europe. La France tient à rappeler que le plan adopté jeudi dernier à l'unanimité des 17 membres de la zone euro est la seule voie possible pour résoudre le problème de la dette grecque", a déclaré mardi soir Nicolas Sarkozy sur le perron de l'Elysée, après une réunion avec les principaux ministres concernés.

Le président de la Commission européenne José Manuel Barroso, a appelé mercredi la classe politique grecque à se rassembler pour soutenir le plan d'aide.

Le Premier ministre français a souhaité, lui, que la Grèce dise rapidement si elle entend rester ou non dans la zone euro.

"Les Grecs doivent (...) dire vite s'ils choisissent ou non de conserver leur place dans la zone euro", a déclaré François Fillon lors des questions au gouvernement à l'Assemblée nationale. Son ministre des Affaires européennes, Jean Leonetti, avait auparavant plaidé pour une organisation aussi rapide que possible du référendum grec, de préférence avant la mi-décembre.

Les sondages d'opinion montrent qu'une majorité d'électeurs grecs estiment que l'accord de sauvetage est mauvais pour leur pays mais le résultat du référendum dépendra de la manière dont George Papandréou présentera les mesures de ce plan ainsi que la question d'un maintien dans la zone euro.

PHASE D'INCERTITUDE

Avant son départ pour Cannes, Angela Merkel a elle aussi fait part de son impatience et de son exaspération.

"Nous sommes tombés d'accord sur un plan pour la Grèce la semaine dernière. Nous voulons que ce plan entre en vigueur mais pour cela nous avons besoin de clarté et la réunion de ce soir devrait précisément nous aider sur ce point", a déclaré la chancelière allemande lors d'une conférence de presse conjointe avec le Premier ministre turc, Tayyip Erdogan.

Le ministère allemand des Finances a laissé entendre que le versement d'une sixième tranche d'aide à la Grèce d'un montant de huit milliards d'euros par ses bailleurs de fonds européens et le FMI pourrait être ajourné jusqu'au résultat du référendum.

"La tranche n'a pas encore été versée. C'est la situation aujourd'hui. Comment les choses vont se passer, cela reste à voir. D'après tout ce que nous entendons en provenance de Grèce, il n' y a pas de besoin urgent de versement plus ou moins jusqu'à la mi-décembre", a déclaré le porte-parole du ministère des Finances, Martin Kotthaus.

Le pari de George Papandréou, quelle qu'en soit l'issue, ouvre une nouvelle phase d'incertitude dans la gestion de la crise de la dette souveraine avec laquelle les 17 pays membres de la zone euro se débattent depuis des mois.

RÉPROBATION ET SURPRISE

Plusieurs parlementaires de son parti, le Pasok, ont demandé la démission du Premier ministre grec, estimant qu'il mettait en péril l'appartenance du pays à l'Union européenne en appelant au jugement des électeurs, mais le soutien de son gouvernement au projet de référendum le conforte avant un vote de confiance prévu vendredi.

"Le référendum sera un mandat clair et un message clair en Grèce et à l'extérieur concernant notre avenir européen et notre participation à l'euro", affirme George Papandreou dans un communiqué publié par ses services.

"Personne ne pourra douter que l'avenir de la Grèce se trouve dans l'euro", ajoute-t-il.

Même s'il remporte le vote de confiance de vendredi, la zone euro risque de connaître des semaines d'incertitude et de forte volatilité sur les marchés financiers qui se sont repris mercredi après leurs fortes pertes de la veille.

Qu'il ne l'obtienne pas et la Grèce se trouvera acculée à faire défaut au risque de fragiliser l'ensemble du système bancaire européen et d'exposer des économies bien plus importantes comme celle de l'Italie ou de l'Espagne que la zone euro n'a pas les moyens de renflouer.

Aussi, l'initiative du Premier ministre grec a-t-elle suscité réprobation et surprise partout dans le monde.

Le président de l'Eurogroupe, le Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker, a jugé que la Grèce se trouverait en faillite si les électeurs grecs rejetaient le plan de sauvetage. "Tout le monde est consterné", a déclaré pour sa part le ministre japonais des Finances, Jun Azumi.

Jean-Claude Juncker, José Manuel Barroso ainsi que le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, la directrice générale du FMI, Christine Lagarde, et un représentant de la BCE participeront aussi aux discussions de crise avec le Premier ministre grec.

LA BCE EN PREMIÈRE LIGNE

Les incertitudes renouvelées sur la capacité de la zone euro à juguler la crise de la dette souveraine ont secoué les marchés et mis l'Italie sous pression.

L'écart de rendement entre les obligations d'Etat italiennes à dix ans et leurs homologues allemandes a atteint mardi un record depuis le lancement de l'euro, en dépit des achats d'emprunts d'Etat italiens sur le marché secondaire par la BCE.

Le président du Conseil italien, Silvio Berlusconi, a convoqué un conseil des ministres extraordinaire mercredi soir pour discuter de nouvelles mesures à mettre en oeuvre face à l'escalade de la crise de la dette.

Tant que la situation grecque n'aura pas été clarifiée, l'accord de Bruxelles risque de ne pouvoir entrer en vigueur et la BCE sera en première ligne pour contrer les attaques des marchés contre les pays les plus fragiles.

Le président de l'association du secteur bancaire allemand, Michael Kemmer, a ainsi estimé qu'une décote sur la dette grecque n'était pas réalisable avant la tenue du référendum.

Le dirigeant de l'opposition conservatrice grecque Antonis Samaras a dénoncé l'initiative unilatérale de Papandréou.

"Comment les banques peuvent-elles accepter une décote (...) si elles ne savant pas si la Grèce elle-même l'accepte?", a-t-il déclaré dans un discours devant le Parlement. "Papandréou a précipité le pays dans l'oeil d'un cyclone global (...) un gouvernement dans une telle situation de panique est dangereux et doit partir aussi vite que possible", a-t-il ajouté.

Le porte-parole du gouvernement grec, Ilias Mosialos, a déclaré que le référendum pourrait intervenir "aussi vite que possible, dès que les éléments de base du plan de sauvetage auront été formulés".

Des représentants des autorités grecques ont laissé entendre qu'il serait sans doute organisé à la mi-janvier mais le ministre de l'Intérieur a déclaré qu'il pourrait se tenir dès le mois de décembre.

Dans l'immédiat, le premier obstacle politique que rencontrera George Papandréou est celui de ce vote de confiance vendredi. Sa majorité n'est plus que de 152 élus sur 300 après une nouvelle défection.

Six membres du Pasok ont en outre exprimé leur désaccord avec la convocation d'un référendum en affirmant que le Premier ministre devrait laisser la place à une administration "politiquement légitime".

A l'issue de la réunion de cabinet qui s'est achevée vers 03h00 du matin, après sept heures de discussions, plusieurs ministres ont critiqué le fait de ne pas avoir été tenus au courant.

"Pour la première fois, nous reconnaissons que notre politique manque de légitimité", a estimé un ministre s'exprimant sous le sceau de l'anonymat.

Pierre Serisier, Marc Angrand et Marc Joanny pour le service français, édité par Gilles Trequesser