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Pakistan: un mausolée à la gloire d'un assassin

Malik Bashir Awan, père de Mumtaz Qadri, pendu l'an dernier pour le meurtre d'un gouverneur, le 15 février 2017 devant le mausolée en hommage à son fils dans les environs d'Islamabad

Malik Bashir Awan, père de Mumtaz Qadri, pendu l'an dernier pour le meurtre d'un gouverneur, le 15 février 2017 devant le mausolée en hommage à son fils dans les environs d'Islamabad - AAMIR QURESHI, AFP

Une commémoration en mémoire d'un homme exécuté pour avoir assassiné le gouverneur d'une province pakistanaise, va avoir lieu dans un mausolée qui lui est dédié.

Une commémoration se prépare dans un mausolée à Islamabad autour d'une tombe fleurie de roses: celle de l'exécution il y a juste un an du meurtrier d'un gouverneur, devenu un héros aux yeux des islamistes pakistanais.

Alors que le Pakistan a réaffirmé sa détermination à lutter contre le terrorisme dans la foulée d'une nouvelle série d'attentats meurtriers, ce mausolée est pour les commentateurs politiques la preuve que les autorités peinent à s'attaquer aux racines de la radicalisation.

Reconnu coupable d'avoir froidement abattu Taseer de 27 balles en janvier 2011 car ce dernier avait soutenu Asia Bibi, une chrétienne condamnée à mort pour blasphème, Qadri a été pendu le 29 février 2016.

Des photos et portraits à l'effigie de Mumtaz Qadri, pendu en 2016 après avoir tué un gouverneur, dans un mausolée qui lui rend hommage dans les environs d'Islamabad le 15 février 2017
Des photos et portraits à l'effigie de Mumtaz Qadri, pendu en 2016 après avoir tué un gouverneur, dans un mausolée qui lui rend hommage dans les environs d'Islamabad le 15 février 2017 © AAMIR QURESHI, AFP

Le gouvernement pas opposé

Rien ne semble devoir s'y opposer. Le gouvernement, s'il a fait preuve d'une détermination inattendue en appliquant la sentence, n'a en revanche rien fait pour empêcher la construction d'un sanctuaire à la gloire de l'assassin.

Le monument est en train d'être érigé sur un vaste terrain familial dans un quartier en bordure de la capitale, Bara Kahu. Il accueille déjà chaque jour des dizaines de pèlerins venus se recueillir, plaider pour une intervention divine et fleurir la tombe.

"Les autorités ne nous ont pas posé problème", indique la famille, qui n'entend pas s'arrêter là. "Nous avons un projet d'école coranique" sur le site, indique son père Malik Bashir Awan. Pour l'heure, le sanctuaire vit des nombreuses donations des partisans de Qadri.

Pas une minorité

Pour les experts, cela montre qu'en dépit des succès militaires contre les insurgés, le gouvernement n'a guère avancé dans l'application du plan d'action national contre l'extrémisme annoncé en 2015, essentiel pour s'attaquer durablement aux racines du terrorisme.

Du côté des autorités, on se renvoie la balle entre les deux administrations gérant la capitale et le district, et personne n'accepte de s'exprimer sur un sujet aussi délicat.

Les partisans de Qadri "ne sont pas une minorité", explique Saif-ul-Mulook, procureur lors d'un des procès de Qadri: "Ce n'est pas qu'ils sont forts, mais la volonté du gouvernement est faible".

Le parti au pouvoir a besoin de la droite religieuse dans sa coalition, et craint de s'aliéner l'opinion publique.

"C'est décourageant", indique-t-il à l'AFP, dépité. "Rendre hommage à un policier sans aucun bagage religieux, qui n'a fait que tuer un homme qu'il était chargé de protéger, et a été qualifié de terroriste par la plus haute Cour du Pakistan, une société ne peut pas tomber plus bas au niveau moral

"Il a sacrifié sa vie pour notre foi"

Le mollah Hanif Qureshi, dont les discours enflammés ont inspiré Qadri, assure que le sanctuaire n'est pas une source de violence. "Un an a passé et personne n'a tué qui que ce soit", dit-il à l'AFP.

Mais pour Muhammad Noman, un coursier de 26 ans venu de Karachi, Qadri est une inspiration.

"Il a sacrifié sa vie pour notre foi", lance-t-il. "Que Dieu nous donne des opportunités comme lui pour donner notre vie", clame le calme jeune homme.

G.D. avec AFP