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Europe

Otages: la France aurait versé 58 millions de dollars à Al-Qaïda

Les ex-otages d'Arlit et François Hollande sur le tarmac de Vélizy-Villacoublay le 30 octobre 2013

Les ex-otages d'Arlit et François Hollande sur le tarmac de Vélizy-Villacoublay le 30 octobre 2013 - -

C'est ce que révèle une enquête menée par le "New York Times". Selon le quotidien américain, l'Europe a versé 125 millions de dollars depuis 2008 à l'organisation terroriste. Une méthode qui financerait indirectement le terrorisme.

Les autorités françaises ne cessent de le marteler: aucune rançon n'est versée en échange de la libération d'otages. Pourtant, selon une enquête approfondie menée par le New York Times (NYT), la France aurait déboursé près de 58 millions de dollars entre 2008 et 2014 pour libérer ses ressortissants enlevés par Al-Qaïda ou des groupes affiliés.

Mais Paris ne fait pas cavalier seul. L'Europe, à l'exception de la Grande-Bretagne, aurait versé au total 125 millions de dollars aux organisations terroristes. Des sommes qui contribuent à financer indirectement le terrorisme, dénoncent de leur côté les Etats-Unis.

30 millions d'euros pour les otages d'Arlit

En octobre dernier lorsque Thierry Dol, Daniel Larribe, Pierre Legrand et Marc Féret, sont libérés après avoir été enlevés au Niger par Al-Qaïda en 2010, plusieurs médias font état du versement d'une rançon chiffrée entre 20 et 25 millions d'euros. En réalité, il faudra en rajouter cinq de plus, si l'on en croit le New York Times qui avance la somme de 30 millions d'euros (40 millions de dollars). Des montants qui font de la France, le pays le plus "généreux" en terme de paiement de rançon. La Suisse aurait versé 12,4 millions, l'Espagne 5,9 millions, l'Autriche 3,2 millions de dollars entre 2008 et aujourd'hui.

Selon le quotidien américain, les seuls pays à ne pas céder sont les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Ce qui expliquerait l'exécution de certains de leurs otages, comme celle du touriste anglais Edwin Dyer, en juin 2009, par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Convaincu que Londres se tiendrait à sa ligne consistant à ne pas négocier, un des chefs d'Aqmi, Abou Zeid, a ainsi égorgé l'otage.

Une prise de position qui finit néanmoins par "payer". En effet, le nombre d'Américains et de Britanniques retenus en captivité par les organisations terroristes a sensiblement diminué, fait remarquer au NYT David S. Cohen, un haut responsable américain. "Les tendances récentes montrent que les kidnappeurs préfèrent ne pas prendre des otages américains ou britanniques, parce qu’ils savent qu'ils ne recevront pas de rançons".

Une politique qui "rend vulnérable tous les citoyens"

En d'autres termes, Al-Quaïda ciblerait les nationalités en fonction de leur retour sur investissement: "Il est évident qu'Al-Qaida cible par nationalité. Les otages sont un investissement. Et vous n'allez pas investir à moins d'être quasi certain que vous allez être payé", analyse Jean-Paul Rouiller, directeur du centre d'analyse du terrorisme de Genève.

Pour exemple, l'Italienne Maria Sandra Mariani, qui avait été enlevée le 2 février 2011 dans le sud de l'Algérie, et libérée un an plus tard. Lors de sa captivité , elle explique à ses ravisseurs qu'elle n'a pas d'argent et que son gouvernement refuse de payer. A ceci, son garde lui répond: "Vos gouvernements disent toujours qu'ils ne paient pas. Quand tu rentreras, je veux que tu dises aux gens que ton gouvernement a payé. Ils paient toujours".

La France et ses homologues européens auraient-ils intérêt à changer leur fusil d'épaule? La réponse est oui, selon les nombreux témoignages recueillis par le New York Times. Non seulement, ces pays sont perdants mais en plus, ils financent indirectement le terrorisme. "Une politique hypocrite", dénonce Vicki Huddleston, ancienne ambassadrice américaine au Mali, qui exhorte les Européens à "s'expliquer". Pour elle, "Le danger n'est pas seulement que se développent les mouvements terroristes, mais c’est qu’ils rendent l'ensemble de nos citoyens vulnérables".

Mélanie Godey