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"Nous récupérons l'eau des flaques": l'armée ukrainienne intercepte de nouveaux échanges de soldats russes

Des soldats russes dans les rues de Mariupol le 12 avril 2022

Des soldats russes dans les rues de Mariupol le 12 avril 2022 - Alexander NEMENOV © 2019 AFP

Dans des conversations téléphoniques qu'a pu se procurer le Guardian, le désastre de la mobilisation voulue fin septembre par Vladimir Poutine apparaît flagrant, avec des soldats manquant d'équipement et de ressources.

"Personne ne nous donne à manger". Dans de nouveaux échanges entre des soldats russes et leur famille, interceptés par l'armée ukrainienne et révélés par le journal The Guardian, les difficultés de la mobilisation fin septembre par Vladimir Poutine de 300.000 hommes pour aller combattre sur le front ukrainien se confirment une nouvelle fois.

Les documents font état de troupes manquant de tout, y compris d'eau, frustrées de ne pas réussir à atteindre les objectifs affichés par l'état-major russe. Mais également d'une absence de connaissances des principes les plus fondamentaux de cyber-sécurité.

L'inquiétude d'une mère

Parmi les échanges dévoilés ce mardi par le Guardian, celui d'Andreï illustre particulièrement l'état de décrépitude dans lequel sont laissés les soldats de Vladimir Poutine. Lors d'un appel avec sa mère en novembre, le soldat, positionné sur le front près de la ville de Lyman, conquise par les Russes au début du conflit puis reprise cet automne par les Ukrainiens, est revenu sur ces conditions de vie difficiles.

"Personne ne nous donne à manger, maman. Nos provisions sont vraiment mauvaises. Nous récupérons l'eau des flaques d'eau, puis nous la filtrons et la buvons", indique-t-il lors de l'appel intercepté par les Ukrainiens.

À l'autre bout du combiné, la mère d'Andrei ne cache pas son désarroi. "Quel cauchemar, où puis-je aller me plaindre?", demande-t-elle à son fils. "Nulle part. C'est seulement à la télévision que tout se passe bien", lui répond son fils.

"Cela me prouve encore une fois que c'est qui est dit à la télévision, c'est n'importe quoi. (...) Où sont les missiles dont Poutine s'est tant vanté", enfonce alors Andreï.

"Ils ont permis ce massacre"

La frustration du soldat est d'autant plus grande, qu'avec les munitions adéquates, Andreï assure que certains objectifs militaires pourraient être atteints. "Il y a un haut bâtiment devant nous. Nos soldats ne peuvent pas le frapper, alors que nous aurions juste besoin d'un seul missile de croisière pour le faire tomber", confie-t-il.

L'état de détresse matériel dans lequel se trouve certaines troupes russes est confirmé par un second appel, également dévoilé par le Guardian ce mardi, intercepté cette fois entre un soldat russe et sa femme. "Je suis dans un sac de couchage, trempé, et constamment exténué", se désole-t-il.

"Ils ont permis ce massacre", fulmine le soldat.

Méconnaissance des principes de sécurité

Bien qu'elles servent également à appuyer la propagande ukrainienne, les conversations dévoilées par le Guardian offrent une plongée saisissante dans l'impréparation de la mobilisation russe sur le front ukrainien.

Les appels ont pu être interceptés car ils ont été réalisés sur des téléphones portables non sécurisés. Au début de la guerre, des internautes sans aucune formation dans le domaine de la défense étaient même parvenus à intercepter sur des radiofréquences publiques des échanges dévoilant la stratégie militaire russe, rappelle le Guardian.

"Vous avez encore beaucoup de soldats qui apportent des téléphones portables sur la ligne de front, car ils souhaitent maintenir un lien avec leur famille. Ils sont interceptés soit quand ils sont réalisés via un opérateur téléphonique ukrainien, ou bien arrêtés dans les airs", confie au quotidien britannique Dmitri Alperovitch, expert en cyber-sécurité.

En mars, des échanges révélés cette fois par le New York Times avaient déjà montré l'ampleur du désarroi parmi les soldats russes, certains qualifiant Vladimir Poutine "d'imbécile", d'autre estimant qu'une prise de Kiev était un objectif chimérique. Début décembre, le journal new-yorkais est revenu avec de nouveaux enregistrements, durant lesquels des soldats indiquaient être bombardés par leur propre artillerie.

Jules Fresard