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Europe

Les euro-obligations au coeur du Conseil européen

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PARIS (Reuters) - François Hollande tente ce mercredi de convaincre ses partenaires européens, Angela Merkel en tête, d'ouvrir la porte au lancement à terme d'euro-obligations pour mutualiser la dette et relancer la croissance dans l'Union européenne.

Le président français, dont c'est le premier Conseil européen, risque de se heurter à une forte opposition allemande, même si le débat porte plus sur le calendrier de mise en oeuvre de ces instruments que sur leur pertinence.

L'élection de François Hollande le 6 mai et le retour des inquiétudes sur le front de la crise de la dette, notamment en Grèce, ont changé la donne en Europe, où l'accent est désormais mis sur la stimulation de la croissance.

Le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, l'a reconnu dans la lettre qu'il a adressée aux dirigeants européens avant le sommet de mercredi, qui doit préparer les décisions attendues lors d'une autre réunion le 28 juin.

Si les Européens se sont concentrés jusqu'ici sur l'adoption d'un traité de discipline budgétaire sous la pression de Berlin, "le temps est venu de mettre plus l'accent sur les mesures plus directement liées à l'encouragement de la croissance et de l'emploi", a-t-il écrit.

A l'Elysée, on estime que les deux objectifs sont parfaitement complémentaires.

"Assainir les finances publiques est nécessaire, le faire sans croissance est risqué", explique un responsable français.

LA RENÉGOCIATION EN SOURDINE

Plusieurs initiatives susceptibles de relancer la croissance à moyen terme, qui font partie des revendications de François Hollande, font d'ores et déjà l'objet d'un consensus même si aucune décision n'est attendue ce mercredi.

Il y est question de mobilisation en faveur des PME des 80 milliards d'euros de fonds structurels européens non utilisés, de lancement d'euro-obligations pour financer des grands projets d'infrastructures et d'une augmentation des capacités de prêt de la Banque européenne d'investissement (BEI).

Un projet-pilote sur les "euro-projets" pourrait entraîner le déblocage de 4,6 milliards d'euros d'investissements et la recapitalisation de la BEI lui permettrait de financer des projets allant jusqu'à 180 milliards d'euros.

Pour permettre au débat d'avancer, François Hollande a mis une sourdine à son exigence d'une renégociation du traité de discipline budgétaire, qui suscitait l'opposition de Berlin.

Il a indiqué qu'il pourrait y renoncer s'il obtient satisfaction sur la croissance dans un texte séparé, tout en s'engageant à redresser les finances publiques françaises.

"Il n'était pas utile de continuer à s'invectiver sur la renégociation ou non du traité", souligne-t-on à l'Elysée. "On y reviendra plus tard."

Mais la volonté du nouveau président de mettre à l'agenda les euro-obligations pour mutualiser la dette a provoqué de nouvelles tensions entre Paris et Berlin.

CORDE SENSIBLE

Ce sujet touche une corde sensible en Allemagne, où l'on ne veut pas offrir une assurance tout risque à des pays comme la Grèce, qui pourraient alors emprunter à des taux très bas, ce qui allégerait la pression pour mener à biens les réformes.

"C'est la mauvaise prescription, au mauvais moment avec les mauvais effets secondaires", a déclaré à la radio allemande le ministre-adjoint allemand aux Finances, Steffen Kampeter.

D'autres pays, comme les Pays-Bas et la Finlande, sont du même avis mais François Hollande est soutenu par d'autres partenaires européens, comme l'Italie et la Commission.

Pour l'Allemagne, qui a déjà dû accepter des entorses au traité de Maastricht, qui interdit formellement le sauvetage de pays comme cela a été le cas avec le plan grec, et les actions de la Banque centrale européenne (BCE) en faveur des banques, accepter de tels mécanismes est politiquement impossible.

Un compromis paraît toutefois envisageable, Herman Van Rompuy ayant clairement placé la question des instruments futurs pour compléter le fonctionnement de l'Union économique et monétaire dans un avenir lointain, ce qui est la position française.

"C'est une perspective qui doit être ouverte", souligne-t-on à l'Elysée. "Ce n'est pas non plus pour dans dix ans."

Il s'agit "d'ouvrir une perspective et ensuite de définir les conditions, les modalités et le calendrier".

L'Allemagne, fait-on remarquer à Paris, est prête à accepter les euro-obligations une fois que tous les pays de la zone euro auront remis de l'ordre dans leurs finances publiques, ce que confirment des responsables allemands de haut rang.

"L'Allemagne, tout en faisant part de ses préventions, n'y est pas fermée à terme", dit un responsable français.

Il reste à savoir si, politiquement, la chancelière peut donner dès ce mercredi des signaux sur ce dossier qui risquent d'apparaître comme une défaite pour elle sur le plan national à 15 mois des élections législatives.

Edité par Patrick Vignal