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La belgique s'interroge après le triomphe des séparatistes

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par Julien Toyer

BRUXELLES (Reuters) - Après la poussée historique des séparatistes flamands aux élections législatives de dimanche, la Belgique s'interroge sur la possibilité et la teneur d'un accord entre flamands et francophones sur une profonde réforme de l'Etat.

Le roi Albert II a entamé lundi matin une série de consultations avant de probablement désigner un "informateur", qui lui fera rapport sur les coalitions possibles.

Il devait recevoir dans la journée le Premier ministre démissionnaire, Yves Leterme, ainsi que Bart de Wever et Elio di Rupo, dont les partis respectifs, la N-VA (Nouvelle alliance flamande) et le Parti socialiste wallon, sont arrivés en tête du scrutin avec 27 et 26 sièges sur 150 à la Chambre.

Les deux formations apparaissent aux yeux de tous les observateurs comme les pivots d'une coalition gouvernementale fédérale, qui devra s'attaquer d'emblée au règlement du dossier "BHV" - l'arrondissement électoral et judiciaire qui comprend Bruxelles et une partie de sa périphérie, que les Flamands souhaitent scinder pour en rattacher une partie à la Flandre - et à assainir les finances publiques.

"Deux hommes pour un Etat", titre le principal journal francophone, Le Soir. La Libre Belgique s'interroge, elle, sur la possibilité pour Elio di Rupo de devenir le premier Premier ministre francophone depuis 1974.

Les journaux flamands insistent quant à eux sur la victoire historique de la N-VA - qui prône un système confédéral avant une disparition pure et simple de la Belgique - et de son leader Bart de Wever, "nouvel idole flamand" pour la Gazet van Antwerpen et "nouveau Roi de Flandre" pour le Het Nieuwsblad.

En tout, malgré le recul du parti d'extrême droite flamand Vlaams Belang, les partis séparatistes flamands ont obtenu 40 sièges à la Chambre, soit 27% des voix au niveau national. Ce total est porté à environ 45% en Flandre.

MAIN TENDUE

Des discussions entre la N-VA et le PS wallon devraient s'ouvrir dans les prochaines heures. Les médias belges rapportent que des contacts informels ont déjà eu lieu au cours des dernières semaines.

Lors de son discours de victoire, Bart de Wever a dit vouloir "tendre la main aux francophones" afin de négocier un "grand accord" pour le pays.

Il a par ailleurs renouvelé son offre de soutenir un Premier ministre francophone, en rupture avec la pratique qui veut que ce poste revienne à un Flamand pour refléter le fait qu'ils représentent 60% de la population belge.

Le chef du Parti socialiste wallon, Elio di Rupo, part favori et il a lui aussi pris soin dimanche de se montrer ouvert à des négociations avec la N-VA.

"Nous sommes ouverts à une réforme de l'Etat. Ensemble, Flamands, Bruxellois et Wallons, nous devons avoir le courage de conclure un accord équilibré", a-t-il dit. "Les élus francophones doivent faire un pas vers les élus flamands et les élus flamands doivent faire un pas vers les élus francophones".

Mais compte tenu des résultats de dimanche, au moins quatre partis sont nécessaires pour former une coalition.

L'une des options serait de reproduire au niveau fédéral les coalitions de gouvernement régional avec la N-VA, les démocrates-chrétiens du CD&V et les socialistes du SP-A côté flamand et le PS, les centristes du CdH et le parti écologiste Ecolo côté wallon.

La coalition disposerait d'une large base parlementaire - 100 sièges sur 150 - et les discussions sur la réforme de l'Etat entre les niveaux fédéral et régional se trouveraient facilitées par cette symétrie.

LOURDE TÂCHE

La tâche du nouveau gouvernement sera lourde: dénouer la situation de "BHV", assainir les finances publiques, mener à bien la présidence belge de l'Union européenne, au second semestre, et mettre fin à trois ans d'immobilisme.

Depuis le triomphe de l'actuel Premier ministre aux législatives de juin 2007, le pays a connu trois Premiers ministres et quatre gouvernements, après une période de vacance de plus de six mois entre juin et décembre 2007.

La Belgique peut cette fois difficilement s'offrir une répétition de ce scénario.

A court terme, les économistes estiment que le pays dispose des atouts nécessaires pour faire face à la situation, mais les investisseurs pourraient devenir plus nerveux d'ici quelques semaines si aucun gouvernement n'est en place. ()

Lundi, la prime de risque que demandent les investisseurs pour détenir des obligations belges à 10 ans plutôt que des Bunds allemands, qui servent de référence, est légèrement remontée de quatre points de base.

Sur un plan plus politique, la Belgique prend la tête de l'Union européenne à partir du 1er juillet et si aucun dysfonctionnement n'est attendu dans la bonne marche des institutions communautaires, l'image d'instabilité renvoyée au monde pourrait avoir elle aussi des conséquences négatives.

Édité par Gilles Trequesser