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Irlande

Avortement: l'Irlande à l'aube d'un référendum historique

Le Premier ministre Leo Varadkar fait campagne pour l'abolition du 8e amendement interdisant l'avortement.

Le Premier ministre Leo Varadkar fait campagne pour l'abolition du 8e amendement interdisant l'avortement. - Barry Cronin - AFP

L'Irlande s'apprête à voter pour la première fois sur la libéralisation de l'avortement. Un référendum qui pourrait mettre fin à une des lois les plus restrictives d'Europe.

Les femmes pourront-elles un jour avorter librement en Irlande? Les Irlandais sont appelés aux urnes ce vendredi 25 mai pour se prononcer. Il leur sera demandé s'ils souhaitent l'abrogation du 8e amendement de la Constitution: ce texte, inscrit depuis 1983, interdit l'avortement. Un vote positif permettrait au Parlement de légiférer et d'élargir l'accès à l'avortement.

Dans ce pays à forte tradition catholique, les mœurs évoluent: il y a 3 ans, l'Irlande a voté très largement en faveur d'une légalisation du mariage homosexuel. Mais sa loi sur l'avortement reste l'une des plus restrictives d'Europe. C'est seulement depuis 2012 qu'elle a été modifiée pour autoriser l'avortement en cas de danger pour la femme: le décès d'une jeune femme, confrontée au refus des médecins de mettre fin à sa grossesse problématique, a ému l'opinion et fait évoluer la législation.

14 ans de prison pour quiconque aide une femme à avorter

Pour les autres, la loi irlandaise se contente d'indiquer qu'elle n'interdit pas de se rendre à l'étranger - à charge à chacune de se débrouiller. Le viol, l'inceste ou la malformation du foetus ne constituent donc toujours pas des raisons légales d'avorter, et toute personne qui aiderait une femme à accéder à l'avortement encourt encore jusqu'à 14 ans de prison.

Chaque année, des milliers de femmes se rendent à l'étranger, notamment au Royaume-Uni, pour obtenir une IVG. Autre solution: commander sur internet des pilules abortives pour pouvoir avorter chez soi. Une réalité jugée "dangereuse, sans contrôle et illégale" par le Premier ministre Leo Varadkar.

Le référendum comptait parmi les promesses de campagne de l'ancien candidat du parti de centre-droit Fine Gael, en 2017. En janvier, il a finalement concrétisé sa promesse et annoncé la tenue du référendum, après la recommandation en ce sens d'une commission parlementaire.

125.000 inscriptions sur les listes électorales

Dans le pays, les camps du "pro-choix" et celui du "pro-vie' s'affrontent. Les témoignages se multiplient, ainsi que les manifestations des deux camps. Dans les rues du pays, les images de foetus du camp du "non" affrontent les autocollants "arrêtez de contrôler mon corps" du camp du "oui". Sur les réseaux sociaux aussi, la campagne bat son plein avec notamment les mots-clé #Prolife#Repealthe8th ("abrogez le 8e"), ainsi que #Hometovote pour les Irlandais vivant à l'étranger, qui rentrent pour voter. 

Leo Varadkar, médecin de formation, fait campagne pour l'abrogation du 8e amendement et se dit favorable à une légalisation jusqu'à 12 semaines, comme en France ou en Allemagne. "Mes opinions ont évolué avec le temps et l'expérience", a-t-il déclaré en janvier dernier.

C'est aussi le cas de la plupart des leaders des grands partis politiques irlandais, qui affichent presque tous leur soutien au "oui". Selon un dernier sondage publié par le Sunday Independent, les "pro-choix" seraient en tête à 45% face aux défenseurs de la loi actuelle (34%). Les indécis, eux, sont toujours 18% et sont donc toujours en mesure de faire basculer le scrutin. Le débat divise et passionne le pays: depuis février, 125.000 personnes se sont inscrites sur les listes électorales pour pouvoir prendre part au vote.

Ariane Kujawski