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Espagne

Une mère retrouve son "bébé volé" après 44 ans en Espagne

Sous la dictature de Franco, près de 300.000 bébés nés d'opposants de gauche ou hors mariage, ont été enlevés à leurs parents.

Sous la dictature de Franco, près de 300.000 bébés nés d'opposants de gauche ou hors mariage, ont été enlevés à leurs parents. - -

La dictature de Francisco Franco permettait l'enlèvement de nouveaux-nés lorsque les parents étaient des opposants de gauche ou quand l'enfant était né hors mariage.

"Je vis un conte de fées": la voix pleine d'émotion, Marie-José E. vient d'avoir la preuve ADN qu'elle a retrouvé son "bébé volé" en Espagne, après 44 années de recherche désespérée.

"C'est quelque chose d'incroyable. C'est l'euphorie. C'est des hauts et des bas terribles. Quand je me réveille le matin, je me dis : il est là, il existe, et puis après j'ai peur de le perdre", confie cette enseignante de Tours, dans le centre de la France, proche de la retraite et qui souhaite conserver l'anonymat pour préserver son intimité.

Son fils, qui fêtera ses 44 ans le 12 juillet, vit à Valence, dans l'est de l'Espagne, là où il est né et a été adopté.

Près de 300.000 "bébés volés"

Marie-José, de père espagnol et de mère française, était une étudiante de 22 ans lorsqu'elle est tombée enceinte. Son père, "très très dur", l'emmène accoucher le 12 juillet 1969 au Couvent Santo Celo à Valence.

"C'était cauchemardesque", raconte Marie-José, encore traumatisée par la "méchanceté de la mère supérieure". Contrairement aux promesses de garder le bébé, le père le donne aux religieuses. "Je n'ai plus jamais reparlé à mon père. Ma mère est morte trois ans plus tard et mon père cinq ans après, tous les deux d'un cancer", dit-elle.

Ils font partie des milliers de familles victimes du vaste scandale des "bébé volés du franquisme" en Espagne, qui a éclaté fin 2010 avec les premières plaintes en justice et qui pourrait toucher jusqu'à 300.000 enfants, affirment les associations.

La dictature de Francisco Franco permettait l'enlèvement de nouveaux-nés lorsque les parents étaient des opposants de gauche ou quand l'enfant était né hors mariage. Des groupes de victimes affirment que le trafic a continué, dont la vente de bébés, après la mort de Franco en 1975 et jusqu'à la loi de 1987 encadrant l'adoption, notamment dans des cliniques gérées par des institutions catholiques qui faisaient croire aux parents que leur bébé était mort peu après la naissance.

Vendu par des religieuses

Au décès de sa mère adoptive en 2011, au moment où le scandale des bébés volés éclate, Juan voit que ses parents adoptifs apparaissent comme "biologiques" sur son acte de naissance. Il cherche la vérité.

"Finalement, une cousine germaine, plus âgée, lui a tout raconté il y a trois semaines". "Elle lui a dit qu'il avait été vendu par les religieuses, comme cela se faisait beaucoup à l'époque", dit Marie-José, évoquant la complicité de membres de l'Eglise, de l'administration et de médecins pour établir les "vrais-faux" papiers. Il contacte immédiatement les associations d'aide à Valence, qui très vite font le parallèle avec Marie-José, qu'elles connaissent bien. Les tests ADN confirment le lien mère-fils. "Depuis, on s'appelle tous les jours", dit Marie-José.

Sur quelque 3.000 plaintes déposées, seules 900 sont encore en cours d'instruction, précise-t-elle. En témoignant, Marie-José espère donner aux familles le courage de poursuivre leur quête. Les retrouvailles avec son fils sont prévues le 21 juin et ils souffleront ensemble ses 44 bougies le 12 juillet.

Sipa Média avec AFP