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Espagne

Pas de vrai vainqueur en Catalogne: des élections qui ne règlent rien

La cheffe de file de Ciudadanos Inés Arrimadas, le 21 décembre 2017 après les résultats du vote.

La cheffe de file de Ciudadanos Inés Arrimadas, le 21 décembre 2017 après les résultats du vote. - Pau Barrena - AFP

Avec 82% de votants, les Catalans se sont massivement rendus aux urnes ce jeudi pour élire leur nouveau Parlement régional. Si les unionistes récoltent le plus grand nombre de voix, les indépendantistes l'emportent en nombre de sièges. Une dynamique complexe se profile pour l'avenir de la région, agitée par des velléités sécessionnistes.

Jeudi soir, deux camps adverses célébraient la victoire en Catalogne. La faute à un résultat complexe, si ce n'est paradoxal, des élections régionales qui se tenaient hier dans la province agitée par plusieurs mois par des velléités indépendantistes. Le parti centriste, libéral et unioniste Ciudadanos récolte la majorité des voix, avec près de 52% des suffrages, tandis que les indépendantistes, séparés en trois factions, en obtiennent 47,6%.

Toutefois, le scrutin régional fonctionne selon un système de pondération des voix qui avantage les régions plus rurales, où les indépendantistes sont très implantés. Ces derniers obtiennent donc 70 sièges au Parlement catalan sur 135, soit deux de moins qu'en 2015, mais assez pour décrocher la majorité s'ils parviennent à former une coalition. Le parti Ciudadanos obtient 37 élus, mais sa tête de liste Inés Arrimadas le proclame comme "la première force politique en Catalogne".

"Les partis nationalistes ne pourront plus jamais parler au nom de toute la Catalogne, car la Catalogne c'est nous tous", a déclaré la juriste de 36 ans à l'issue du scrutin. "Le processus (indépendantiste) n'incarne pas l'avenir pour tous les Catalans et nous allons continuer à nous battre, même avec cette loi électorale injuste qui donne davantage de sièges à ceux qui ont moins de voix", a-t-elle dénoncé.

"Chaque camp pourra se proclamer vainqueur"

Juste après l'annonce des résultats, un électeur indépendantiste de gauche évoquait "une sensation étrange": "Nous gagnons en députés mais pas en nombre de voix", constatait Fran Robles, médecin de 26 ans. "Donc chaque camp pourra se proclamer vainqueur. Cela reflète bien la réalité, qui est que la Catalogne est politiquement divisée et que la seule façon de trancher la question est de la poser clairement dans un référendum".

Une situation "presque surréaliste" pour Ulysse Gosset, notre éditorialiste sur les questions internationales: "Il faut quand même reconnaître qu'une majorité, en voix, de catalans, voulait rester au sein du royaume espagnol. (...) En réalité, le blocage reste total mais les urnes ont parlé et Madrid doit en tenir compte."

Car si une chose est sûre, c'est la défaite enregistrée par le Parti populaire du chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy, qui n'obtient que 4,24% des voix et trois sièges, contre 11 aux dernières élections.

"Une certaine tristesse plane sur ces législatives"

Il va bien falloir qu'à Madrid "ils cèdent sur des choses qui leur déplaisent. S'asseoir et dialoguer", analyse le sociologue Narciso Michavila, dirigeant d'un institut de sondages dans la capitale espagnole. Selon lui, la réalité économique s'imposera aussi aux indépendantistes, qui devront mettre de l'eau dans leur vin pour stopper la dégringolade du tourisme et des investissements depuis début octobre.

"Une certaine tristesse plane sur ces législatives parce que, quels que soient les résultats définitifs, personne ne va gagner et tout le monde le sait bien", explique à Libération Enric Juliana, journaliste et numéro deux du quotidien La Vanguardia.

"Pourquoi? Parce que la ligne de démarcation principale était jusqu’alors la sécession. Or cette ligne est brisée, et il n’y a pas de véritable alternative", affirme-t-il. "Les indépendantistes, même s’ils l’emportent, savent qu’ils ne pourront plus obtenir cette indépendance. Quant aux unionistes, ils savent que la Catalogne restera une région profondément divisée et qui leur échappe en bonne partie. (...) Aux deux camps, ce scrutin servira juste à se réaffirmer l’un l’autre. Et il donnera sans nul doute lieu à un exécutif précaire, un exécutif d’attente", analyse-t-il.

Liv Audigane, avec AFP