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Élections législatives anticipées en Espagne: l'extrême droite aux portes du gouvernement

En Espagne, des élections législatives anticipées se tiendront ce dimanche.

En Espagne, des élections législatives anticipées se tiendront ce dimanche. - OSCAR DEL POZO © 2019 AFP

Considérés par les sondages comme favoris, les conservateurs du Parti populaire risquent de devoir s'allier avec l'extrême droite pour espérer se hisser à la tête du gouvernement.

L'extrême droite se faufile et place de plus en plus ses pions sur le terrain politique espagnol. Dimanche, les habitants de la péninsule ibérique seront appelés à se rendre aux urnes, au beau milieu du mois de juillet, pour élire un nouveau parlement national.

Des élections législatives anticipées qui font suite à la débâcle de la coalition de gauche, dont fait partie le Parti socialiste (PSOE) à la tête du gouvernement depuis 2018, lors du double scrutin municipal et régional en mai dernier. Face à cette "marée de droite", le Premier ministre Pedro Sanchez a décidé de convoquer des élections législatives anticipées.

En prévision de ce dimanche déjà marqué par une explosion des votes par correspondance? Une deuxième vague bleue. Grand vainqueur des élections locales où ils avaient remporté le plus grand nombre de voix, les conservateurs du Parti populaire (PP) partent favoris. Ils devraient obtenir 35% des voix, d'après les sondages relayés par le site d'information Euractiv, contre 21% en 2019.

Une possible coalition avec l'extrême droite

Si majoritaire, le PP sous l'égide d'Alberto Núñez Feijóo serait en bonne place pour prendre les rênes du gouvernement. "La question est: va-t-il obtenir une majorité absolue ou va-t-il devoir établir une coalition?", synthétise Sophie Baby, historienne et maîtresse de conférences en histoire contemporaine à l'université de Bourgogne.

Elle ajoute: "le système électoral en Espagne est moins favorable à une majorité absolue qu'en France. Historiquement, les grands partis gouvernent en coalition".

Le groupe d'extrême droite Vox, crédité de 12% des voix soit un léger recul par rapport à 2019 (15%), se frotte les mains. Le Parti populaire pourrait avoir besoin de lui et de ses sièges pour obtenir la majorité. Même si dans un premier temps, le parti d'opposition essaye à tout prix d'obtenir une majorité absolue afin de ne pas avoir à gouverner avec Vox, dirigée par Santiago Abascal et créée en 2013.

"Ce serait un échec pour eux", avance l'historienne. "Surtout que le partenaire est féroce. Il n'acceptera pas de s'en tenir à un pacte. Vox, un parti qui stagne et qui a peut-être atteint ses limites, exige de participer au gouvernement, il y a une réelle stratégie d'entrisme."

Une alliance déjà consommée

La droite a déjà un passif d'alliance avec ce gênant allié. Quatre coalitions se sont mises en place au niveau régional depuis 2022, de Castille-et-Léon à la grande région de Valence, dirigée pendant huit ans par la gauche, en mai dernier. En échange de leur soutien, le PP a offert la vice-présidence de cette région, ainsi que les ministères régionaux de la justice, de l’intérieur et de l’agriculture à l'extrême droite, souligne Le Monde.

"En Castille-et-León, la présidence a accordé quelques postes à Vox, comme la vice-présidence mais aussi le ministère de la Culture et de l'Agriculture. Des postes que le président de région peut considérer comme secondaires mais ce sont des postes où Vox peut mener et étendre son discours radical", analyse Sophie Baby. "Leur maîtrise de la culture leur permet notamment de censurer des œuvres."

La formation de Santiago Abascal défend une ligne très nationaliste, pour la défense de la patrie, contre les mouvements sécessionnistes régionaux et les langues régionales, anti-LGBT, anti-féministe, climatosceptique et anti-immigration.

Des positions communes

Sur certains points, le PP et Vox s'alignent. "Comme l'immigration, ou la défense de l'unité de la nation contre les sécessions", énumère l'historienne, même s'il n'est "pas question" pour Alberto Núñez Feijóo de "réprimer les langues régionales".

Ils se retrouvent aussi sur le "rapport au passé très important en Espagne". Les deux partis souhaitent notamment l'abrogation de la loi de "mémoire démocratique" qui vise à réhabiliter les victimes du franquisme, accusée de diviser les Espagnols et de raviver les blessures du passé.

Au niveau économique, les deux partis sont libéraux, "l'extrême droite ne défend pas une politique sociale populiste", souligne la spécialiste. Quant à l'environnement, qui attire peu l'attention des politiques espagnols ces derniers temps, Alberto Núñez Feijóo et Santiago Abascal s'entendent sur la relance du nucléaire.

"Les dirigeants de Vox sont des transfuges du Parti populaire. Ils ont fait leurs armes en politique chez le PP avant de le quitter et de poursuivre leurs idées radicales", explique Sophie Baby.

Le parti historique de droite, en revanche, n'a pas des positions aussi dures concernant les femmes ou les communautés LGBT + et ne s'est pas opposé aux lois en leur faveur.

Discours de normalisation

Tout en continuant à appeler aux votes, Alberto Núñez Feijóo tient un discours de normalisation de l'extrême droite. Une stratégie, sans doute, pour préparer sa base électorale, et surtout l'Europe.

Le leader tente de rassurer Bruxelles, qui s'inquiète de la vague ultra-conservatrice, en pointant le bon fonctionnement des autres coalitions européennes entre la droite et l'extrême droite, telles qu'en Suède, Finlande ou Italie.

"L'Espagne reste dans tous les cas un pays très européiste, les Espagnols sont très conscients de ce qu'ils ont gagné", déclare l'universitaire.

La droite verrait ainsi son influence grandir au sein des institutions européennes. Si Pedro Sanchez - qui souhaite profiter de ces élections pour réaffirmer sa position au sein de la gauche - devait être battu, la part des socialistes de centre-gauche au Conseil européen atteindrait son niveau le plus bas depuis 2019.

Juliette Brossault