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En Arménie, les échecs sont rois dans les écoles

Cours de jeu d'échecs en Arménie.

Cours de jeu d'échecs en Arménie. - Clément Dubrul

Véritable place forte dans le monde des échecs, l’Arménie a fait de cette discipline une matière à part entière dans son système scolaire. Depuis 2011, des cours d’échecs sont obligatoires dans toutes les écoles primaires du pays.

>> "Papiers d'Arménie" est le projet des étudiants en journalisme du Celsa. Reportages, enquêtes... Ils passent une semaine en Arménie, en partenariat avec BFMTV et La Croix. 

Plus qu’un jeu, c’est devenu un enseignement. Au premier étage de l’école 52 d’Erevan, c’est un cours d’un genre un peu particulier qui est en train de se dérouler. Ce ne sont ni des mathématiques, ni de l’histoire pour les trente-deux élèves de cette classe de deuxième année, l’équivalent du CE1 en France. Mais plutôt un cours d’échecs. "Un volontaire pour me montrer le déplacement autorisé pour le cavalier?", interpelle Levon Stepanian, le professeur d’échecs de l’école. Parmi les nombreuses mains levées pour donner la réponse, c’est une jeune fille coiffée de deux couettes et vêtue de son bel uniforme bordeaux et blanc qui est choisie. Âgés de seulement huit ans, filles et garçons assis face à face connaissent déjà les rudiments de cette pratique complexe et difficile.

"Ils commencent l’apprentissage des échecs dès la 2e année à l’école. Ils poursuivent ensuite jusqu’en 6e année. C’est une matière très importante, et puis ça leur permet aussi d’apprendre des choses en s’amusant », explique Suzanna Gharibian, professeure de français à l’école 52. Au rythme de deux heures deux jours par semaine, les élèves s’installent dans cette salle spécialement dédiée aux cours d’échecs. Deux énormes plateaux de jeu affichés à la place du traditionnel tableau noir. On peut aussi voir un plateau sur chaque table pour les élèves, accompagné d’une trousse contenant toutes les pièces du jeu pour pouvoir jouer… ou pas: « Attention, quand ils débutent comme dans cette classe, ils ne pratiquent pas. Ils doivent connaître toute la théorie d’abord », affirme Levon.

Une matière comme les autres

En Arménie, les échecs sont une affaire sérieuse. Avec plusieurs champions du monde arméniens dont le dernier en date, Levon Aronian, en octobre 2017, cette pratique s’est hissée au rang de sport national. Bars et autres lieux proposant des parties d’échecs se sont multipliés dans les rues ces dernières années. Mais l’Etat arménien a décidé d’aller encore plus loin. Depuis 2011, le gouvernement a décidé que des cours d’échecs doivent être obligatoires dans toutes les écoles primaires du pays. "Ils ont un cahier avec les leçons dedans comme par exemple le déplacement de telle ou telle pièce. Ils ont aussi des devoirs et sont même notés comme dans n’importe quelle autre matière", déclare Suzanna Gharibian.

Au-delà de la pure pratique de ce jeu emblématique pour l’Arménie, apprendre à jouer aux échecs c’est aussi développer ses capacités intellectuelles. Pour le professeur Levon Stepanian, lorsque les élèves apprennent certaines techniques et jouent entre eux, "ils développent des capacités de logique, de mémoire et de concentration plus élevées que la moyenne". "Notre pays a toujours eu un gros potentiel intellectuel dans le domaine scientifique. Enseigner les échecs aux élèves c’est poursuivre dans cette voie, c’est une très bonne chose", ajoute-t-il.

Mais avant de penser à une quelconque formation scientifique, les cours d’échecs donnent la possibilité à ces élèves de travailler de manière ludique en s’amusant. Sourires aux lèvres et attentifs aux instructions, ils pensent déjà aux futures parties qu’ils pourront faire et aux compétitions auxquelles ils pourront participer. "Tous les ans, des tournois sont organisés à la Maison des échecs à Erevan, on affronte d’autres écoles, mais ça concerne surtout les grands enfants qui sont en 5ème et 6ème année", indique Suzanna pour qui, en toute humilité, son école est la meilleure: "Ils ont le meilleur des professeurs aussi c’est normal!", lance-t-elle en regardant Levon souriant d’un air gêné.

Lorsqu’on leur demande si le prochain champion du monde fait partie de l’école 52, aucun des deux ne veut s’avancer. Pour eux, ce n’est pas la priorité: "On veut avant tout proposer un enseignement complet et utile à nos élèves. Qu’ils prennent du plaisir en suivant ce cours c’est la chose la plus importante pour moi", conclut le professeur Levon Stepanian avant de mettre fin à son cours du jour.

Clément Dubrul