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Curie, le supercalculateur qui accélère la recherche européenne

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par Guillaume Frouin ANGERS, Maine-et-Loire (Reuters) - Capable d'effectuer deux millions de milliards d'opérations à la seconde, le...

par Guillaume Frouin

ANGERS, Maine-et-Loire (Reuters) - Capable d'effectuer deux millions de milliards d'opérations à la seconde, le supercalculateur Curie ouvre des perspectives inespérées aux scientifiques français et européens, dans les domaines de la santé, de l'énergie ou de l'environnement.

D'une puissance comparable à celle de 150.000 ordinateurs de bureau performants, il est doté de 90.000 coeurs de calcul, dont des processeurs Xeon d'Intel.

Selon le groupe Bull, qui l'a assemblé dans ses usines d'Angers (Maine-et-Loire), Curie peut stocker l'équivalent de 7.600 ans de fichiers musicaux MP3, à une vitesse 100.000 fois supérieure à celle d'une connexion ADSL.

Installé dans des locaux du Commissariat à l'énergie atomique à Bruyères-le-Châtel (Essonne), le supercalculateur permettra à des climatologues ou des astrophysiciens de simuler des phénomènes jusqu'alors impossibles à reproduire en laboratoire.

Les machines de "calcul intensif" du même type - il en existe une quinzaine dans le monde - permettent aussi d'évaluer des produits financiers complexes, de tester la résistance de matériaux ou de modéliser un accident industriel de grande ampleur.

"EDF utilise déjà de la simulation numérique pour prévoir le vieillissement de ses centrales nucléaires, et elle a permis à Airbus d'économiser 20% de tests en soufflerie pour le design des ailes de ses avions", explique Catherine Rivière, PDG de Genci (Grand équipement national de calcul intensif).

SIMULATIONS PLUS RÉALISTES

Cette société, dont l'Etat français est le principal actionnaire, a acheté le supercalculateur pour le mettre à disposition de scientifiques comme Michel Caffarel, un des premiers à s'en servir, en décembre, pour ses recherches sur les molécules qui interviennent dans la maladie d'Alzheimer.

"Sans Curie, faute de puissance de calcul, on était obligé de faire des approximations pour modéliser la partie active des molécules", déclare ce physicien-chimiste. "Au final, cela peut jeter le doute sur nos résultats. Aujourd'hui, grâce à Curie, on peut atteindre le niveau de précision suffisant pour faire des simulations beaucoup plus réalistes."

Curie va aussi permettre à Dimitri Komatitsch, directeur de recherches au CNRS à Marseille, d'obtenir des images du globe terrestre beaucoup plus précises pour ses travaux sur les effets de la propagation des ondes sismiques.

"On est un peu dépassés par l'énorme quantité d'informations brutes qu'elle produit", dit-il. "Il faut aussi apprendre à la piloter de façon efficace, ce qui demande parfois plusieurs mois de formation. C'est comme pour une voiture de course: si vous ne savez pas la conduire, au premier virage, vous pouvez faire une sortie de route."

Curie devrait être dépassé d'ici à 2018 par des machines de nouvelle génération, jusqu'à 500 fois plus puissantes. "Elles permettront de faire en quelques minutes ce que j'ai fait en 48 heures", résume Michel Caffarel. "C'est un pas en avant qualitatif, qui nous ouvrira les portes d'un nouveau monde."

L'Union européenne a annoncé le 15 février un plan d'investissement de 1,2 milliard d'euros pour héberger d'ici à 2020 ces nouveaux supercalculateurs.

La France et 23 autres pays européens ont signé en juin 2010 un partenariat pour mettre en réseau plusieurs supercalculateurs afin de rivaliser avec leurs concurrents américains, japonais ou chinois. Baptisé en hommage au couple français prix Nobel de physique, Curie est à ce jour le plus puissant d'entre eux.

Edité par Jean-Baptiste Vey