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Après le Brexit, de plus en plus de Juifs britanniques cherchent à obtenir la nationalité allemande

Un passeport allemand, image d'illustration.

Un passeport allemand, image d'illustration. - Flickr - Metropolico.org

Un article de la loi fondamentale allemande permet aux Juifs spoliés de la nationalité allemande par le régime nazi de la recouvrer en en faisant la demande, de même que leurs descendants. Le nombre de procédures a bondi depuis le vote pour la sortie du Royaume-Uni de l'UE.

C'est une conséquence surprenante du Brexit. Après la victoire du "Leave", des centaines de Juifs britanniques privés de la nationalité allemande par les nazis ont subitement cherché à obtenir des informations sur la procédure à suivre pour la recouvrer.

Le Royaume-Uni autorisant la double nationalité, un passeport allemand leur ouvrirait les portes de l'Europe continentale: en raison du divorce annoncé avec les 27, les Britanniques auront peut-être bientôt besoin d'un visa pour travailler ou voyager au sein de l'Union européenne.

Bond du nombre de procédures engagées 

Depuis la date du vote le 23 juin, l’ambassade d’Allemagne à Londres, citée par le New York Times, dit avoir reçu au moins 400 demandes d’information sur les modalités d'obtention de la nationalité allemande en vertu de l'article 116 de la loi fondamentale allemande (la constitution de la République fédérale).

Dont au moins 100 demandes formelles d'acquisition de la nationalité allemande, à titre individuel ou familial, indique Kund Noelle, un représentant de l’ambassade, contre environ 20 demandes par an habituellement.

"Nous en attendons plus dans les prochaines semaines", précise-t-il.

L'article 116 est une disposition en vigueur depuis 1949, explique le journal américain, mais peu utilisé ces dernières années. Il permet à n’importe quelle personne déchue de la nationalité allemande "pour des raisons politiques, raciales ou religieuses" par le IIIe Reich entre le 30 janvier 1933 et le 8 mai 1945 de la recouvrer, de même que ses descendants.

La plupart de ceux qui ont perdu la nationalité allemande à cette époque étaient des Juifs - les Juifs qui vivaient à l’étranger ont ainsi perdu leur nationalité en novembre 1941. Mais des minorités et des opposants politiques en ont aussi fait les frais.

"Le Brexit a changé la donne"

Michael Newman, directeur exécutif de l'Association of Jewish Refugees (l’Association des réfugiés juifs (AJR), basée à Londres), confirme un regain d'intérêt des Juifs britanniques pour cette procédure. 

"Je ne me rappelle pas avoir entendu parler de demandes auparavant", dit-il, alors que l'association existe depuis 75 ans. "Il a fallu le Brexit pour faire ça. Ça a changé la donne", souligne-t-il, ajoutant lui-même réfléchir à en déposer une.

Persécutés par le régime d'Hitler, environ 70.000 Juifs d’Allemagne, d’Autriche, et de l'ex-Tchécoslovaquie ont fui au Royaume-Uni en 1939, rappelle Michael Newman. L’AJR estime que près de 5.000 victimes de l’ère nazie vivent toujours au Royaume-Uni. Ce qui signifie, en comptant leurs descendants, que plusieurs milliers de Britanniques pourraient être éligible à la procédure prévue par l’article 116, note The Telegraph.

"J'avais encore beaucoup de ressentiment"

"J’ai entendu l'information sur le Brexit à 6 heures du matin, à 9 heures j’envoyais un e-mail à l’ambassade d’Allemagne à Londres pour leur demander de quelle façon je pouvais requérir la nationalité", se souvient auprès du journal britannique Thomas Harding, un écrivain juif qui a engagé les démarches. 

Pourtant, si la procédure est qualifiée de "simple" par Philip Levine, un autre de ceux qui ont décidé de se lancer, elle pourrait pour beaucoup réveiller un passé familial traumatisant et constituer un dilemme moral.

Au début, "j'avais encore beaucoup de ressentiment envers l'Allemagne et les Allemands. J’étais très méfiant", témoigne Thomas Harding, dont le dernier livre, The House by the lake ("La maison au bord du lac") retrace l'histoire de l'ancienne maison de sa famille à côté de Berlin, vide après qu'elle a dû fuir les nazis dans les années 1930.

L'auteur raconte avoir récemment eu une meilleure opinion des Allemands, quand ils ont commencé à accueillir des centaines de milliers de réfugiés syriens, un choix qu'il juge "incroyablement courageux". Et il semble désormais satisfait d'avoir sauté le pas.

"J’adore le fait de ne pas demander la nationalité, je fais restaurer ma nationalité", se réjouit-il. "Ça figure dans la loi fondamentale initiale, de quand l'Allemagne a créée. Je trouve ça tellement puissant."

Violette Robinet