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Royaume-Uni

Snowden: le rédacteur en chef du Guardian dénonce les menaces du gouvernement britannique

Alan Rusbridger (ici en 2010), rédacteur en chef du Guardian.

Alan Rusbridger (ici en 2010), rédacteur en chef du Guardian. - -

Le rédacteur en chef du "Guardian" a dévoilé sur le site internet de son journal les menaces qu'il a reçues de la part des autorités britanniques. Le gouvernement souhaitait qu'il détruise les preuves livrées par Edward Snowden.

La détention à l’aéroport d’Heathrow du compagnon du journaliste du Guardian qui a publié les révélations d’Edward Snowden continue de faire parler d’elle.

La dernière réaction en date est celle du rédacteur en chef du journal britannique, Alan Rusbridger. Dans un long article daté du lundi 19 août, il livre des informations sur les pressions qu’il affirme avoir subies de la part du gouvernement britannique.

"Retourner ou détruire le matériel"

"Il y a un peu plus de deux mois, j’ai été contacté par un responsable du gouvernement très haut placé affirmant représenter l’opinion du Premier ministre", commence le rédacteur en chef. Alan Rusbridger a rencontré par deux fois ce responsable et à chaque fois, celui-ci lui a demandé de "retourner ou de détruire tout le matériel" sur lequel le Guardian travaillait.

Le journal était alors en train de publier les révélations d’Edward Snowden, qui ont mis en évidence les programmes de surveillance de masse menés par l'Agence nationale de la sécurité (NSA) américaine et par son homologue britannique, la GCHQ.

Face au refus de Rusbridger, les autorités britanniques ont décidé de hausser le ton, un mois plus tard. Le rédacteur en chef aurait reçu un appel provenant d’un représentant du gouvernement, qui renouvelait la demande : "Vous vous êtes amusés. Maintenant nous voulons que vous nous rendiez le truc."

Une destruction forcée

Le gouvernement aurait même envisagé, en l’absence de remise des informations ou de leur destruction, de recourir à la voie légale afin de parvenir à leurs fins. Rusbridger s’est empressé de rappeler à son interlocuteur que de telles menaces sont inadaptées. Les journalistes du Guardian peuvent tout aussi bien travailler depuis New York, ou ailleurs, et ainsi échapper à la législation britannique: "Et lui était-il venu à l’esprit que Greenwald vit au Brésil?", moque le rédacteur en chef.

Cette mise au point n’a visiblement pas permis de calmer les ardeurs des autorités britanniques. Alan Rusbridger raconte la dernière étape de ces menaces gouvernementales, décrite comme un des moments "les plus bizarres" de l’histoire de son journal.

"Deux experts en sécurité de la GCHQ (service britannique des écoutes) ont supervisé la destruction des disques durs dans les sous-sols du Guardian, juste pour être certains qu’il n’y avait rien dans les bouts de métal lacérés qui puisse être d’un quelconque intérêt pour des agents chinois."

Vers la fin du secret des sources ?

Bien sûr, les informations avaient été préalablement copiées, montrant que les autorités britanniques "ne comprennent rien à l’ère digitale". Le rédacteur en chef a affirmé la volonté de son journal de continuer à travailler sur l’affaire Snowden, mais pas depuis Londres.

Alan Rusbridger est alarmiste. L’affaire Snowden démontre selon lui la capacité des Etats à construire des mécanismes de surveillance rendant impossible les enquêtes des journalistes sur les autorités. Le rédacteur en chef s’inquiète de cette marge de manœuvre réduite et de l’"empreinte numérique" que laisse de nos jours tout travail journalistique et toute "vie humaine". "Il ne devrait pas falloir longtemps avant qu’il ne devienne impossible pour les journalistes d’avoir des sources confidentielles."

M.K.