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Allemagne: des journalistes poursuivis pour trahison

Les responsables d'un blog sont poursuivis pour haute trahison (photo d'illustration)

Les responsables d'un blog sont poursuivis pour haute trahison (photo d'illustration) - DeaPeaJay - Flickr - CC

Les deux responsables d'un blog politique indépendant sont accusés d'avoir publié des informations confidentielles sur les services secrets allemands. "Nous ne nous laisserons pas intimider", écrivent-ils.

Des journalistes poursuivis pour trahison, voilà qui n'était plus arrivé depuis des décennies en Allemagne. C'est pourtant ce qui arrive à Andre Meister et Markus Beckedahl, les journalistes responsables de la publication du blog spécialisé dans la défense des droits numériques, Netzpolitik.org.

La justice leur reproche d'avoir mis en ligne des informations confidentielles sur les activités de l'Office fédéral de protection de la Constitution, le nom officiel des services de renseignement allemands. Les autorités britanniques ont également porté plainte contre X – les sources des journalistes étant restées anonymes. C'est le patron du renseignement, Hans-Georg Maaßen, qui a lui-même porté plainte auprès des autorités judiciaires berlinoises. La plainte a ensuite été transmise au tribunal fédéral de Karlsruhe.

Ces deux articles, parus en février et en avril 2015, portaient sur la surveillance d'Internet par les renseignements. Ils sont titrés: "Les services secrets travaillent sur une exploitation massive des données sur Internet", et "Groupe secret: voici la nouvelle unité des services secrets pour le développement de la surveillance d'Internet", selon la plainte officielle publiée par le site. Pour Markus Beckedahl, le fondateur du blog, cité par Die Zeit et la télévision publique ARD, de nombreux signes indiquent que Berlin est "enfoncé jusqu'au cou dans le bourbier de la NSA et compagnie".

Un expert nommé par la justice

Selon le Spiegel, la justice allemande doit d'abord vérifier que les deux hommes ont effectivement mis en ligne des secrets d'Etat. Pour cela, ils ont nommé un expert: si ses conclusions devaient être négatives, la procédure pourrait être abandonnée. "Aux yeux des autorités, nous ne sommes pas des témoins, mais bien des complices", écrivent les deux hommes sur leur blog. "Nous considérons cela comme une attaque contre la liberté de la presse, et nous ne laissons pas intimider".

Les journalistes établissent un parallèle avec "l'affaire du Spiegel": en 1962, plusieurs responsables de l'hebdomadaire avaient été arrêtés pour avoir publié des informations confidentielles sur la défense de la RFA, l'ex-Allemagne de l'Ouest. La décision avait provoqué un fort mouvement de protestation dans l'opinion publique, et avait même eu des conséquences politiques.

Plus de cinquante ans plus tard, l'association des journalistes allemandes dénonce une "tentative inadmissible de réduire au silence deux collègues critiques". L'opposition - et notamment les écologistes allemands, dénonce "une disgrâce constitutionnelle" et rappelle, par la voix de la députée Renate Künast que "sans journalisme d'investigation, nous ne saurions rien". En attendant, Andre Meister et Markus Beckedahl ont annulé leurs vacances et fait appel à des avocats. Ils ont aussi lancé un appel aux dons.

A. K.