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États-Unis: la procédure de destitution va-t-elle finalement servir Donald Trump?

Donald Trump le 25 septembre 2019

Donald Trump le 25 septembre 2019 - Saul Loeb - AFP

Les élus démocrates ont lancé une procédure de destitution contre le président américain Donald Trump, mais au lieu de l'affaiblir, ce processus, rare et grave aux États-Unis, pourrait le renforcer pour la prochaine élection présidentielle.

Lancée mardi, la procédure de destitution ("impeachment", en anglais) engagée par les Démocrates contre le président américain pourrait au final bénéficier à Donald Trump. Provocateur, le milliardaire a rapidement claironné que cette procédure lui serait favorable dans les urnes en novembre 2020, lorsqu'il briguera un second mandat.

Son équipe a d'ailleurs lancé, à la suite de l'annonce de la procédure d'impeachment, une collecte de dons afin de financer sa campagne présidentielle de 2020. Trois heures après, un million de dollars avaient été récolté, d'après son équipe. Le chiffre avait grimpé à trois millions mercredi, selon le New York Times

Une "vendetta politique" contre le président Trump

À l'annonce du lancement de la procédure, le président américain et ses alliés politiques se sont également lancés dans une attaque ciblée et groupée contre les Démocrates.

"Les Démocrates sont tellement concentrés sur leur but de nuire au parti Républicain et au Président qu'ils sont incapables de réussir quoique ce soit", a tweeté le président. "Tellement dommage pour le pays!"

Le lancement de la procédure de destitution "confirme simplement que la priorité des Démocrates de la Chambre n'est pas d'améliorer la vie du peuple américain, mais la fixette qu'ils font depuis trois ans sur la destitution", a écrit le chef de la majorité au Sénat, Mitch McConnell. "L'enquête de destitution dirigée par les Démocrates n'est pas basée sur des faits, elle découle uniquement de leur vendetta politique contre le président Trump", a de son côté déclaré Steve Guest, directeur du comité national républicain.

"Donald Trump avait préparé sa réplique à l'avance, c'est: 'vous passez beaucoup de temps à m'attaquer, mais peu à travailler pour le pays'", explique à BFMTV.com Jean-Eric Branaa, maître de conférence à l'université de Paris II et spécialiste de la politique américaine.

"Les deux côtés vont être très crispés, hystériques"

Le but du président américain, désormais, est de retourner la procédure de destitution contre les Démocrates. "Ca va être très tendu, les deux côtés vont être très crispés, hystériques, ce qui va agacer une bonne partie de la population", explique le spécialiste, car les avancées législatives, actuellement compliquées à obtenir, seront bloquées.

"Maintenant, il faut voir à qui les électeurs en voudront, mais devant les critiques, Donald Trump pourra dire que ce sont les Démocrates qui ont provoqué cette situation", continue Jean-Eric Branaa.

La cheffe des Démocrates au Congrès Nancy Pelosi martelait d'ailleurs depuis des mois que lancer la procédure de destitution pourrait rendre impopulaires les Démocrates, qui risquaient d'être durement sanctionnés dans les urnes aux prochaines présidentielles. Notamment parce que le président américain sera probablement "acquitté" par le Sénat, qui rejettera vraisemblablement la procédure de destitution, car les républicains restent en majorité fidèles à Donald Trump. Il pourra donc affirmer, juste avant les élections, qu'il a été blanchi.

"Une procédure d'impeachment, c'est assez sale"

De plus, "une procédure d'impeachment, c'est assez sale. Pour celui de Bill Clinton [en 1998], toute sa vie sexuelle a été sortie sur la table. Il y a eu un rejet chez les Américains, qui a au final nuit aux Républicains, auteurs de la procédure", continue Jean-Eric Branaa.

D'après un article de CNN daté de 1998, en plein scandale Monica Lewinsky, la popularité de Bill Clinton avait bondi de 10 points, celle des Républicains, diminué de 12 points.

Pas sûr toutefois que le schéma se reproduise pour Donald Trump. "Il y a un risque que l'opinion se retourne contre les Démocrates, mais la colère contre Donald Trump est tellement forte qu'il est impossible de prévoir", rappelle Jean-Éric Branaa.

Le président américain devrait être inquiet, estime John Hudak, chercheur au centre de réflexion Brookings, interrogé par l'AFP. "Il est très difficile de comprendre pourquoi il croit que [la procédure de destitution] pourra l'aider". Si, chauffées à blanc, les bases des deux partis ne vont de toute façon pas changer d'opinion, "les électeurs indépendants, plus modérés, pourraient le faire (...) Il court un véritable risque que ceci lui porte préjudice auprès de groupes d'électeurs clé".

Salomé Vincendon