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États-Unis: Biden exhibe son amitié avec Obama pour relancer une campagne qui patine

La protestation d'amitié de joe Biden.

La protestation d'amitié de joe Biden. - Capture d'écran Twitter.

Ce week-end, Joe Biden a suscité les moqueries en partageant la photo d'un "bracelet de l'amitié" l'unissant à Barack Obama. Ses détracteurs et une part de l'opinion publique lui reprochent d'employer une stratégie usée jusqu'à la corde pour relancer une campagne qui soulève le doute. Cependant, Joe Biden domine ses adversaires dans la course à la désignation démocrate en vue de la présidentielle de 2020.

D'aucuns dirait que Joe Biden a les poignets qui enflent, à défaut des chevilles. Ce samedi, alors que les Etats-Unis célébraient la "journée des meilleurs amis", et que certains internautes lui consacraient un hashtag sur les réseaux sociaux, celui qui s'est lancé en avril dernier dans la course à la désignation démocrate à la présidentielle de 2020 a partagé la photo d'un "bracelet de l'amitié", associant son surnom au prénom de Barack Obama dont il fut le vice-président deux mandats durant. "Joyeuse journée des meilleurs amis à mon ami Barack", proclamait la légende du tweet.

"C'est une blague?"

Ce n'était pas une première. Il y a quelques mois, comme l'a rappelé ici Esquire, Joe Biden publiait déjà ce cliché. Récemment, son équipe creusait le même sillon. Elle mettait en ligne, en guise de deuxième vidéo de campagne, un montage où l'on revivait notamment la cérémonie lors de laquelle Barack Obama décernait à l'élu du Delaware la médaille présidentielle de la liberté, pour la plus grande émotion de ce dernier. Cette fois-ci, cependant, la réaction du public n'était pas du tout celle attendue par Joe Biden.

David Axelrod, ancien conseiller de premier plan de Barack Obama, a résumé la réaction de nombreux Américains devant cette photo, en contre-tweetant: "C'est une blague, on est d'accord?"

Revirement 

Ce qu'on reproche ici à Joe Biden est de tenter avec obstination de s'appuyer sur l'aura du dernier président démocrate en date pour essayer de lui succéder, pour donner un souffle à une campagne qui semble le chercher depuis l'origine, bien qu'il dépasse toujours ses concurrents d'une tête. Pire, on l'accuse de vouloir laver plus blanc que blanc, et à bon compte, sa réputation exposée depuis longtemps à un feu nourri de critiques.

Tout d'abord, quatre femmes ont assuré avoir pâti d'un comportement malsain à leur encontre de l'ex-vice-président. Par ailleurs, son progressisme est parfois mis en cause par la base du Parti démocrate. Et son attitude déroutante à l'égard de l'amendement Hyde n'a rien fait pour redorer son blason. 

Ce texte, adopté en 1976, réserve aux cas de viol, d'inceste ou de danger pour la vie de la mère l'usage de fonds fédéraux pour financer des avortements via le système d'assurance de santé publique Medicaid. Élu sénateur du Delaware pour la première fois en 1973, Joe Biden l'a soutenu à plusieurs reprises au cours de sa longue carrière parlementaire. La semaine dernière, son équipe de campagne affirmait même que son candidat se tenait toujours fermement sur cette ligne. Toutefois, la polémique a eu raison de cette vieille conviction. Jeudi dernier, Joe Biden annonçait solennellement son revirement via Twitter:

"Si je crois, comme c'est le cas, que la protection médicale est un droit, je ne peux plus soutenir un amendement qui fait dépendre ce droit du code postal d'une personne."

Mais ce retournement ne l'a extirpé d'un bien mauvais pas que pour lui en faire commettre un autre: la sincérité de ses idées paraît désormais douteuse. Un Américain de Des Moines dans l'Iowa, interrogé par un site locale, a ainsi lâché:

"Je peux être en désaccord avec l'intégralité des convictions de Bernie Sanders, mais au moins je ne peux pas lui retirer qu'il croit en ce qu'il dit. Et je ne sens pas ça avec Joe Biden." 

Enthousiasme modéré 

Pourtant, le même individu admet que Joe Biden est son premier choix dans la perspective du caucus de l'Iowa, prévu le 3 février 2020 ce qui en fait le premier jalon des primaires démocrates. Et c'est un trait caractéristique de son électorat: ils ne sont pas rares parmi ses partisans à concéder que leur candidat ne soulève pas franchement leur enthousiasme. Ils sont même très majoritaires. Selon un sondage DesMoinesRegister.com/Mediacom/CNN publié jeudi dernier, et réalisé auprès des électeurs de l'Iowa pensant aller voter au caucus, seuls 29% des "bidenistes" évoquent leur "enthousiasme" quand ce taux monte à 39% chez ses rivaux. Joe Biden a cependant de quoi trouver les huiles pour adoucir un peu ce tableau: il devance toujours ses adversaires. Cette même enquête d'opinions le crédite de 24% des voix dans l'optique de ce rendez-vous électoral distant de huit mois, devant Bernie Sanders jaugé à 16%, lui-même talonné par Elizabeth Warren (15%) et Peter Buttigieg (14%).

Les autres figures médiatiques de cet interminable panel de 19 candidats peinent à exister, telle Kamala Harris et ses 7% ou Beto O'Rourke et ses faméliques 2%. Comme si l'actualité s'acharnait à interdire toute tranquillité d'esprit à Joe Biden, on note cependant qu'il a perdu trois points depuis le précédent sondage en mars dernier, quand Elizabeth Warren et Peter Buttigieg engrangeaient respectivement 6 et 13 points de mieux.

La cible 

Autant dire que ses concurrents savent où frapper. Sentant le leader faiblir, à deux doigts de glisser de son trône virtuel, tous s'accordent dorénavant à affermir leurs coups. La tâche leur est rendue plus aisée encore par Joe Biden lui-même: après avoir manqué un grand raout démocrate en Californie, il a fait l'impasse, afin apparemment d'assister à la remise de diplôme de sa petite fille, dimanche sur un autre événement. Médias et vedettes démocrates se sont quant à eux pressés à Cedar Rapids, dans l'Iowa, pour suivre ce meeting. Bernie Sanders a été l'un des plus efficaces au moment d'écorner à la tribune celui qui le surclasse dans les sondages, a montré le Washington Post.

"Une stratégie du juste équilibre qui ne s'en prend à personne, qui ne représente personne et ne veut rien changer" risque de reconduire Donald Trump à l'Elysée, a-t-il lancé. 

Tandis qu'Elizabeth Warren a souligné que Joe Biden semblait préférer passer son temps avec de richissimes donateurs qu'avec les citoyens, Peter Buttigieg a posé: "On ne gagnera pas en la jouant prudent ou en promettant seulement de revenir à la normale." C'est là un des griefs récurrents contre Joe Biden. Il serait trop timoré, centriste à une époque turbulente exigeant des mouvements plus profonds.

La "crime bill", le pêché originel 

Donald Trump lui a forgé l'un de ces sobriquets dont il a le secret: "Sleepy Joe Biden" ("Joe Biden l'endormi"). Pourtant, lui aussi l'attaque sur son positionnement politique. Vachard, il sous-entend même que Joe Biden ne serait pas seulement centriste, non, non, il serait carrément trop droitier pour lui! 

Sur son réseau social favori, le président des Etats-Unis a pointé: "On a donné à la loi sur le crime de 1994, pour laquelle Joe l'endormi a tant fait, le nom de 'Super Predator'." Il a aussi écrit: "Quiconque est lié à la loi sur le crime de 1994 n'aura aucune chance d'être élu. En particulier, les Afro-Américains ne voteront pas pour lui." 

La "Crime Bill" de 1994, année lors de laquelle Joe Biden présidait la commission sur la Justice au sénat, a des allures de pomme de discorde dans le débat démocrate. Cette législation, que Bill Clinton a lui-même fini par renier, est vue comme l'une des sources de la surpopulation carcérale actuelle et comme une mesure ayant surtout porté préjudice aux minorités ethniques.

Le silence d'Obama 

Joe Biden ne peut pas se protéger des railleries d'un président par le soutien d'un autre. Car ses protestations publiques d'amitié n'y font rien, Barack Obama a expliqué qu'il ne s'engagerait auprès d'aucun candidat à la nomination démocrate. Et il s'y tient.

Robin Verner