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En Norvège, l'inquiétude grandit à propos des "robots tueurs" 

Les missiles JSM de Kongsberg sont capables de détecter une cible et de prendre la décision de la détruire.

Les missiles JSM de Kongsberg sont capables de détecter une cible et de prendre la décision de la détruire. - Kongsberg

Un armement nouveau développé en Norvège inquiète les ONG et un rapporteur de l'ONU: il s'agit de missiles autonomes, c'est-à-dire capables de définir une cible et de prendre la décision de la détruire sans intervention humaine.

Et si on délivrait un "permis de tuer" non pas à 007 mais à une machine? Des ONG et un représentant de l'ONU s'alarment d'un projet d'armement actuellement mené par la Norvège, des "robots tueurs" qui devraient équiper la nouvelle flotte de chasseurs norvégiens.

Qu'est-ce qu'un "robot tueur"? C'est, en l'espèce, un "missile partiellement autonome". Il est capable de détecter des cibles et de prendre la décision de les détruire sans la moindre intervention humaine. Un système d'armement inédit pour lequel le gouvernement norvégien a débloqué 1,3 milliard de dollars, et qui est appelé à devenir l'armement standard des chasseurs F-35 dès 2025.

"Qui sera responsable?"

Pour la Ligue norvégienne de la paix, citée par le site d'informations The Local, cette technologie, développée par Kongsberg, brise un tabou dans sa conception même: donner à une machine le droit choisir de donner la mort. La Ligue norvégienne de la paix, mobilisée sur la question depuis la signature de l'accord au printemps dernier, pose certaines questions sensibles, par la voix d'un de ses membres, Alexander Harang:

"Que se passe-il lorsque l’être humain n’est plus présent sur le champ de bataille et que les machines sont les seules à faire le travail? Qui sera responsable si le missile fait des erreurs?"

La campagne de la Ligue norvégienne de la paix n'a jusque là pas abouti à grand chose, le gouvernement voulant à tout prix mener ce projet à bien. La ministre de la Défense du pays, Ine Eriksen Søreide, assure qu'il est conforme aux lois, et récuse le terme de "robot tueur": "Il est aujourd'hui difficile de savoir ce que recouvre cette notion. Il n'y a actuellement aucune technologie qui puisse vraiment recevoir ce qualificatif", a-t-elle répondu à une question parlementaire.

"Nous invoquons un démon"

Pourtant, l'inquiétude a gagné hors des frontières norvégiennes. Un rapporteur de l'ONU, Christof Heyns, avec un groupe d'ONG coordonné par Human Rights Watch, s'inquiète:

"Nous avons vu au cours de la dernière décennie que la distance entre le soldat et sa cible augmente. Mais ce que nous voyons aujourd’hui, c’est que l’armement devient le guerrier. La Norvège est un grand exportateur d’armes. Il faut donc être très attentif à ces questions éthiques". 

Alors que plusieurs pays, comme l'Australie, sont intéressés par une telle technologie, ainsi que le note Business Insider, d'autres ont préféré la bannir. Le Pakistan, par exemple, a récemment réitéré son soutien à un moratoire sur les systèmes d'armes autonomes. Akram Zamir, représentant permanent du Pakistan aux Nations Unies, précise: "L'introduction des LAWS [leur acronyme anglais] serait illégale, non éthique, inhumaine et irresponsable, ainsi que déstabilisante pour la paix et la sécurité internationales avec de graves conséquences". 

Ainsi que le relève France 24, cette polémique arrive à un moment où le monde s'interroge sur l'intelligence artificielle. Dans une conférence très commentée donnée au MIT le 24 octobre, Elon Musk, ancien patron de Paypal et fondateur de Tesla Motors comme de Space X, a exprimé ses craintes à ce sujet: "Avec l'intelligence artificielle, nous invoquons un démon". Une déclaration d'autant plus frappante qu'elle vient d'un grand magnat des nouvelles technologies souvent décrit comme visionnaire. Et qui est en train de concevoir une voiture sans conducteur, promise dans seulement trois ans.