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En Egypte, Mohamed Morsi affirme son pouvoir face aux militaires

Le président égyptien Mohamed Morsi (à droite) reçoit son nouveau ministre de la Défense, le général Abdellatif Sisi (à gauche), dimanche au palais présidentiel du Caire. Le chef de l'Etat égyptien, issu des rangs des Frères musulmans, a affirmé dimanche

Le président égyptien Mohamed Morsi (à droite) reçoit son nouveau ministre de la Défense, le général Abdellatif Sisi (à gauche), dimanche au palais présidentiel du Caire. Le chef de l'Etat égyptien, issu des rangs des Frères musulmans, a affirmé dimanche - -

par Edmund Blair LE CAIRE (Reuters) - Elu président de l'Egypte en juin, l'islamiste Mohamed Morsi a affirmé dimanche son autorité sur le pays en...

par Edmund Blair

LE CAIRE (Reuters) - Elu président de l'Egypte en juin, l'islamiste Mohamed Morsi a affirmé dimanche son autorité sur le pays en mettant à la retraite le maréchal Hussein Tantaoui, ancien ministre de la Défense en charge de la transition après la chute d'Hosni Moubarak en février 2011.

La question du sort de Tantaoui, 76 ans, qui dirigeait le Conseil suprême des forces armées (CSFA) pendant la période intérimaire, était en suspens depuis la victoire du candidat des Frères musulmans à la présidentielle.

L'annonce faite dimanche, qui concerne également la mise à la retraite du général Sami Ena, 64 ans, chef d'état-major des armées, n'en demeure pas moins une surprise dans un pays où les militaires ont toujours joué un rôle déterminant dans l'exercice du pouvoir.

Les deux officiers sont nommés conseillers auprès du chef de l'Etat. Ces mesures prennent effet immédiatement.

Le président Mohamed Morsi a également abrogé un décret constitutionnel pris par l'armée peu avant son élection qui visait à rogner ses prérogatives.

"Les décisions que j'ai prises aujourd'hui ne visaient pas certaines personnes et n'avaient pas non plus pour but de gêner les institutions, et ce n'était pas non plus mon but de restreindre les libertés", a déclaré Morsi lors d'un discours prononcé à l'occasion du mois sacré du ramadan.

"Je n'ai pas voulu envoyer des messages négatifs à propos de qui que ce soit, mais mon objectif était de servir cette nation et son peuple", a-t-il ajouté en rendant hommage au travail des forces armées.

Le général Mohamed al Assar, promu dimanche vice-ministre de la Défense, a expliqué que la décision du chef de l'Etat de mettre le maréchal Hussein Tantaoui à la retraite avait été prise après des consultations avec l'intéressé et le CSFA.

"Le maréchal Hussein Tantaoui est admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter de ce jour", a déclaré le porte-parole du chef de l'Etat dans un communiqué. Il est remplacé aux postes de ministre de la Défense et de président du CSFA par le général Abdellatif Sisi.

CONTEXTE DE TENSION

Le général Sidki Sohbi succède quant à lui au général Sami Enan à la tête de l'état-major. Ce dernier a longtemps été considéré comme très proche des Etats-Unis qui financent en grande partie l'armée égyptienne.

Le président Mohamed Morsi a également nommé un magistrat, Mahmoud Mekky, au poste de vice-président de la République. Ce juge est le frère du nouveau ministre de la Justice, Ahmed Mekky, qui avait dénoncé sous Moubarak les fraudes électorales.

Ces décisions interviennent dans un contexte de tension dans le Sinaï où des hommes armés ont tué 16 soldats lors d'une attaque il y a une semaine.

Cet incident spectaculaire, témoignant de l'instabilité qui règne dans cette région désertique frontalière avec Israël, a ranimé les tensions entre le Caire et l'Etat hébreu mais également avec les militants du Hamas qui administrent la bande de Gaza.

Le porte-parole de Morsi a expliqué que la décision "souveraine" prise par le chef de l'Etat visait à "injecter du sang neuf" dans une armée qui cherchait à renforcer son contrôle sur le nouvel élu.

Un responsable islamiste a fait valoir que l'Egypte ne pouvait pas continuer à être gouvernée par "deux têtes".

La mise à la retraite de Tantaoui comporte une portée symbolique forte: l'officier est considéré comme un pilier du régime Moubarak dont il a été le ministre de la Défense pendant 20 ans avant d'assurer la transition sous la pression de la rue au lendemain de la "révolution du Nil".

La première conséquence est que Morsi a sans doute réussi en partie à desserrer l'étreinte des généraux, traditionnellement très puissants en Egypte, sur le chef de l'Etat, issu des rangs civils pour la première fois depuis six décennies.

ÉQUILIBRE DES POUVOIRS

Il demeure toutefois une interrogation sur la réaction des militaires alors que le pays est toujours dans l'attente d'une nouvelle Constitution qui pourrait accentuer ce changement dans l'équilibre des pouvoirs.

"Ce bras de fer entre le nouveau président et le conseil militaire était attendu, mais pas aussi rapidement", estime l'analyste Gamal Soltan. "Cela peut être considéré comme une restructuration des forces armées et la fin du rôle du CSFA dans la vie politique".

Des milliers d'islamistes se sont rassemblés sur la place Tahrir, berceau de la révolte populaire de 2011, ainsi que dans plusieurs autres villes pour soutenir la décision de Mohamed Morsi.

"Le moment choisi pour renvoyer Tantaoui va servir le président Morsi car de nombreux Egyptiens reprochent aux militaires les événements (dans le Sinaï) et ils ne vont pas se mobiliser contre cette décision", a jugé Mustapha al Saïd, un analyste.

Selon lui, Morsi a saisi l'occasion des incidents dans le Sinaï pour ne pas laisser le temps à l'armée de rétablir son prestige notamment par l'opération militaire actuellement en cours dans la zone désertique dont la sécurité est régie par le traité de paix signé avec Israël en 1979.

Dimanche, des responsables ont indiqué que les soldats ont tué cinq activistes lors d'une attaque contre leur repaire près de la frontière israélienne.

Avec Yasmine Saleh et Maroua Aouad; Jean-Loup Fiévet et Hélène Duvigneau pour le service français