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Ebola en Afrique: comment vivent les habitants placés en quarantaine?

Une rue déserte de Monrovia, la capitale du Liberia, durant la mise en quarantaine en août dernier.

Une rue déserte de Monrovia, la capitale du Liberia, durant la mise en quarantaine en août dernier. - Zoom Dosso - AFP

Plusieurs régions de Sierra Leone et du Liberia ont été mis en quarantaine. Une période durant laquelle il est interdit de sortir d'une certaine zone.

Depuis plusieurs semaines, le Liberia et la Sierra Leone, terriblement touchés par le virus Ebola, ont placé en quarantaine certaines de leurs régions. Si ces mesures sont désormais levées au Liberia, jeudi, trois nouvelles provinces de Sierra Leone ont été placées en confinement. Concrètement, en quoi consiste cette procédure? Explications.

"Pas assez à manger"

Joint par BFMTV.com, Koala Oumarou, directeur de l’ONG Plan International au Liberia, nous explique comment se déroule la vie sur place. "Durant la quarantaine, les gens ne pouvaient pas sortir de la zone où ils se trouvaient. Ils ne se rendaient plus au travail. Le gouvernement apportait la nourriture et l’eau à la population... mais pas du tout en quantité voulue."

Une situation confirmée par des habitants de Dolo Town, un village libérien confiné durant plusieurs semaines. "Nous avons l’impression d’être dans une prison à ciel ouvert", confiait au début du mois un habitant, employé de l’usine Firestone de la région. "Nous n’allons plus au travail. Nous ne faisons qu'attendre. Et nous n’avons pas assez à manger ici."

Température contrôlée

Une période désormais terminée, qui a laissé place à un couvre-feu à partir de 22 heures, et des restrictions de circulation dans certaines zones très touchées. Là-bas, avant d'entrer ou sortir de la zone, "le passant doit faire contrôler sa température et se laver les mains avant de passer la barrière du check-point (tenu par des militaires, ndlr)", explique Koala Oumarou. "Si les conditions sanitaires ne sont pas remplies, le passant ne peut pas franchir le check-point. Et si sa température est au-dessus de la normale, il est redirigé vers le personnel de santé présent sur place."

Ces restrictions rendent la vie des habitants très compliquée. "La peur" d’être astreint à rester chez soi "dissuade beaucoup de gens, qui préfèrent ne plus sortir et franchir de check-point", observe le responsable humanitaire. Résultat, "les prix des denrées ont doublé et même triplé parfois. Le gouvernement a du mal à contrôler les prix." Un constat fait par l’un de nos envoyés spéciaux au Liberia, Antoine Bonnetier, arrivé le lendemain de la levée de la quarantaine à Dolo Town. "Une habitante nous racontait que le prix du bol de riz a été multiplié par cinq…", se souvient-il.

"L'impact socio-économique est dramatique"

Le Dr Gilles Raguin, infectiologue, dirige l'organisme Esther, qui contribue au renforcement de la lutte contre les maladies infectieuses en Afrique. Lui n’est pas convaincu de l’utilité de la procédure de confinement, comme il l’explique à BFMTV.com.

"Les quartiers confinés sont très souvent des quartiers pauvres, et durant ces périodes, les commerces, les usines et les habitants sont paralysés. L’impact social et économique est dramatique. Or, je ne suis pas convaincu de l’efficacité sanitaire de ces confinements. Les gens sont terrorisés, et certains qui seraient susceptibles de présenter des symptômes préfèrent se cacher. Cela s’apparente plus à une opération de communication et de sensibilisation, plutôt qu’à une mesure réellement efficace sur la propagation de l'épidémie. Mieux vaut travailler avec la population que la contraindre"

"Le reste de l’humanité nous met en quarantaine"

Joint par BFMTV.com, Francis Sala-Diakanda, qui dirige l’ONG Plan International en Guinée, n’est pas de cet avis. "C’est extrêmement important de ne pas confondre la coercition avec le maintien de l’ordre. Le confinement ne doit pas être vu comme quelque chose de négatif, il permet au contraire de mettre de l’ordre et de s’assurer que les personnes affectées par le virus sont identifiées et soignées. Mais qu’il y ait quarantaine ou non, les pays touchés par Ebola sont à l’arrêt, puisque les frontières sont fermées. Le reste de l’humanité nous met en quarantaine", regrette-t-il.

La semaine dernière, le gouvernement de Sierra Leone, qui compte à ce jour 597 victimes d’Ebola, a confiné le pays tout entier. Trois jours durant lesquels plus de 28.000 volontaires ont été mobilisés pour une campagne de porte-à-porte géante. Ils ont récupéré 90 corps de victimes et identifié plus de 200 cas suspects d'Ebola dans tout le pays. Un recensement jugé là aussi "nécessaire" par Francis Sala-Diakanda. "Les habitants doivent cesser d'avoir peur. Lors de ces porte-à-porte, on leur explique que l'on peut guérir de ce virus si l'on est pris en charge", observe Francis Sala-Diakanda. "La guerre n’est pas encore gagnée, mais nous sommes sur la bonne voie."

Alexandra Gonzalez